"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Se plonger dans un roman de Joël Baqué, c'est partir pour un romanesque qui cache bien son jeu et donc se retrouver à être de plus en plus surpris au fil des pages qui se tournent.
Sans rien révéler de ce qui vous attend, disons que cela démarre comme un roman d'Anita Brookner, avec un personnage lambda, passe-partout, seul et à la vie assez étriquée. René est un retraité paisible, qui se satisfait de trois fois rien et que personne ne remarque vraiment. Il fait ses courses dans la supérette pas loin de chez lui, arrose un pin parasol bonzaï offert par ses collègues lorsqu'il a quitté son emploi de comptable pour les Salaisons Occitanes après y avoir passé 40 ans, aime toujours les chiffres et donc remplir des grilles de Sudoku. Rien de bien fun donc.... sauf que lors d'un banal échange avec la caissière du petit supermarché voisin, sa vie va soudain prendre une direction franchement inespérée. Il y sera question de militants animalistes, antispécistes, d'amitié aussi. Petit à petit, le brave René va être emporté dans un univers ultra singulier pour finir par être le moins anonyme possible.
Cette trame du personnage ordinaire qui le devient nettement moins était déjà présente lors d'un précédent roman de l'auteur ( "La Fonte des Glaces" en 2017) et déjà articulée autour de thèmes portant sur l'écologie et amenant évidemment le lecteur à se questionner. "Le Zoo des Absents" suit le même projet, fera réfléchir sur le mouvement animaliste tout en faisant retrouver au lecteur cette sensation très agréable de partager avec le héros un même étonnement face à ces nouveaux horizons qui s'ouvrent. Si on peut faire un tout petit reproche à Joël Baqué, ce serait de s'être un tout petit trop attardé sur les discours des militants dans la première partie... Mais la suite fait vite oublier cela grâce à une plume qui n'a pas son pareil pour fixer une poétique de l'ordinaire tout en regardant le monde actuel ( et à venir) avec acuité. On passera en douceur de la chronique intimiste apparemment simple au roman d'anticipation dérangeant sans que jamais on ne perde l'intérêt qui va sans cesse grandissant.
Allier originalité, plaisir de lecture et réflexion, c'est rare dans le roman français. Joël Baqué sur ce terrain là, se révèle un maître !
J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce roman loufoque! Enfin un livre atypique avec de l'humour et qui balance sur la société contemporaine. Je me suis vraiment attachée au personnage et à sa dream team, je sais maintenant que je ne suis guère plus grande qu'un manchot empereur et qu'il ne faut pas le confondre avec le pingouin (ni avec moi). Un petit clin d'oeil à mon Jura natal avec cette ville aux multiples librairies (c'est bien ça), mais qui a engendré une boulangère revêche. Bref, un roman très plaisant où parfois on était content d'avoir une bonne couverture sur les genoux lorsque Louis part sur sa banquette banquise. Et une mention spéciale aux biscuits soviétiques!
L’ascèse à seize ans. Notre narrateur est un moine copiste admirateur de Syméon, l’homme qui repoussa toujours plus loin les limites de sa propre souffrance afin de se rapprocher de Dieu. Ses mortifications les plus extrêmes ont bâti sa légende, le zèle avec lequel il supporta d’atroces douleurs força l’admiration des âmes faibles ou déclencha l’ire des rigoristes pour qui son masochisme confinait au péché d’orgueil. Et Joël Bacqué de s’interroger. Qu’est-ce qui distingue la sainteté de la folie ? Comment juger l’anachorète qui, par son isolement, fuit sa propre humanité ? Il y quelque chose d’oriental dans ce très beau récit, par le style parfois proche de celui d’un conte, par l’évocation de la figure du saint qui rappelle Siddhartha, ou par ces paysages désertiques sortis du berceau des civilisations. C’est un roman qui parle de silence, d’humilité, de pureté, d’apprentissage. Un roman qui, en creux, questionne notre société et nos modes de vie, souvent absurdes. Si l’auteur admire ces athlètes du renoncement et du dénuement, il ne tombe jamais dans l’aveuglement. Il s’interroge. Sa conclusion est apaisante. Chacun d’entre nous a sa place dans ce monde, il n’est pas donné à tous de s’imposer l’inconfort, encore moins le sacrifice. Exaltée par l’exemple de ces êtres remarquables, j’ai tenté de les imiter en lisant sur les genoux, sur un pied ou me privant de ma tasse de thé. Vaines tentatives. J’avais oublié une dimension essentielle de la lecture : le plaisir.
Bilan :
Joël Baqué signe ici un roman plein d’humour tout en braquant le projecteur sur un des soucis les plus sérieux, grave et préoccupant de notre siècle en ce qui concerne la santé de notre planète : la fonte des glaces.
Son héros est un veuf retraité, un petit homme seul plutôt naïf voire simplet, qui va avoir un coup de cœur pour un manchot empereur empaillé chiné sur une brocante. De fil en aiguille, il va reconstituer une banquise artificielle dans le grenier de son modeste pavillon toulonnais et enfin quitter sa banlieue pour rejoindre un équipage sur un bateau chasseur d’icebergs accosté au port de Saint Anthony dans la province de Labrador-et-Terre-Neuve. Au hasard d’une aventure rocambolesque qui va nous faire voyager au Canada et au pôle sud, Louis, à son insu, va devenir une icône de l’écologie dénonçant le danger imminent (ou pas…) de la fonte des icebergs. Internet lui « assurera une consécration mondiale (…) dodelinant sur une plaque de glace, en bob et boots. »
Au passage, l’auteur va écorcher et gentiment se moquer des médias et des engouements populaires fulgurants portés par les réseaux de communication d’Internet et pourtant très utiles dans la réactivité à l'information. Joël Baqué ne donne pas de leçon et crée toujours un équilibre entre le pour et le contre, ce qui nous permet d'avoir notre propre avis.
L’écriture de Joël Baqué est fluide, sait traduire les ressentis avec talent et rendre des images percutantes.
« Il s’habille à toute vitesse en commençant par son bonnet commando. Il n’eut pas à attendre Alice, déjà dans le hall, vêtue d’une parka jaune canari qui brutalisait la moquette brunâtre et percuta l’œil mal réveillé de Louis. Elle finissait de s’enduire les mains d’une crème achetée la veille dans la pharmacie où Vikings et dinosaures se partageaient le marché des produits de confort. La porte à tambour les téléporta dans un univers parallèle noyé dans un brouillard compact qui encagoulait les réverbères d’un halo contracté, comme si la lumière se roulait en boule pour se réchauffer. Le froid rappela immédiatement Louis à l’ordre, qui rabattit la capuche de sa parka sur son bonnet commando. Ils se hâtèrent en silence dans les rues escamotées, penchés vers l’avant tels deux religieux en route vers un office de nuit. Le bitume crissait sous leurs pieds, leurs poings se crispaient à l’intérieur des gants. Un souffle glacé les gifla dès qu’ils débouchèrent sur le port. »
On rit beaucoup tout en fronçant le sourcil pour ce roman intelligent qui, enrobé d’humour, traite d’un sujet grave et quelques drames amers.
Par manque d’attention, les icebergs partent à la dérive tout comme beaucoup de gens abandonnés et laissés à eux-mêmes aussi… Une tragédie de l’abandon pas drôle du tout, in fine… Louis a voulu remplir le vide qu’est devenue sa vie par la glace de la banquise qui va fondre inexorablement si personne n’y prête plus attention… Un appel glaçant au respect de la vie…
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