"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
C'est avec ce roman captivant qui lie habilement le passé et le présent, qui explore les fractures d'une mémoire collective façonnée par la guerre et le silence, que je découvre la plume de Jean-Luc Aubarbier dans son roman "Le champ des martyrs".
Au cœur de cette histoire, nous découvrons Julien, un écrivain fuyant l'agitation parisienne, qui se retire dans le Périgord pour écrire un roman. Sa curiosité le pousse à s'intéresser à Gilberte de Montastruc, une figure énigmatique de l'histoire locale, dont la réputation controversée hante les habitants du village.
L'intrigue se construit autour d'un paradoxe déconcertant, Gilberte est autant célébrée comme résistante que vilipendée comme collaboratrice. Ce double visage de la châtelaine exalte des souvenirs contradictoires et suscite des tensions sous-jacentes au sein du village. À travers la quête de Julien, Jean-Luc Aubarbier éclaire un univers où le passé continue d'exercer son écho dans le présent, rappelant que les blessures de l'histoire ne s'effacent jamais complètement.
J'ai aimé la capacité de l'auteur à tisser un récit où le suspense et la tension montent progressivement. Chaque page tournée me rapprochant un peu plus du champ des martyrs, ce lieu enfoui sous les non-dits et les rancœurs, prêt à révéler des vérités qui semblent dangereuses à partager.
Dans ce roman, on est entraîné non seulement par l'intrigue, mais aussi par l'émotion palpable qui se dégage des personnages. Chacun d'eux porte en soi une part de l'histoire, reflet des enjeux moraux et des dilemmes auxquels ils ont dû faire face.
Jean-Luc Aubarbier a brillamment réussi à me captiver avec ce roman, inspiré d'une histoire vraie. Ce livre, riche en émotions, offre une profonde réflexion sur le poids des secrets.
Genre : Roman historique régional
Avis : IMPORTANT
Lu en format Poche
Quand un roman est une page d’histoire…
Yohann, Haïm, Sarah et d’autres jeunes ont fui l’Allemagne nazie pour se réfugier en France dans une ferme-école, avant de rejoindre la Palestine. Les habitants de Nazareth, près de Brive, après un accueil glacial, vont les accepter sauf Albert Malaterre, sous-préfet, qui les poursuivra de sa hargne durant les années de guerre. D’autant plus que son fils aime l’une des réfugiés. Que deviendront-ils ? Sortiront-ils vivants de ces années de guerre durant lesquelles la Milice les traque ?
Quelle immersion tragique au plus près de l’histoire réelle de ce seul kibboutz français, magnifique expérience humaine que l’auteur nous fait vivre au jour le jour avec les difficultés et les enthousiasmes. Il nous accompagne aussi dans la lente montée du nazisme d’abord en Allemagne, ensuite en France au fur et à mesure de l’emprise des allemands sur les esprits des habitants des territoires ruraux.
J’ai croisé les gens courageux, impliqués dans la Résistance à travers des actions sans importance mais tellement réconfortantes pour les soldats comme la confection de Nénette et Rintintin ; j’ai rencontré Edmond Michelet, Résistant, sur ses terres. J’ai surtout vu à l’œuvre la camaraderie et le courage de jeunes promis à la mort et qui ne pensaient qu’à vivre, la détermination des humbles pour les protéger et la duplicité des autres.
Suivre les réfugiés juifs et alsaciens dès 1939 et garder au roman une fraîcheur et une exaltation régénératrices n’étaient pas choses aisées mais la connaissance et l’amour du territoire de l’auteur ont donné une amplitude émotionnelle d’une intensité remarquable.
Ce livre se lit en apnée tellement l’histoire est absorbante et l’espoir de voir les jeunes survivre au chaos et à l’horreur, illusoire. Sans mots qui choquent, juste avec les faits du quotidien et les évènements que l’on connait, on comprend combien est important pour les juifs de trouver leur terre.
Je remercie Virginie et les éditions de Borée pour m’avoir permis de découvrir encore un pan de notre histoire que je ne connaissais pas. Je vous invite à en faire autant, vous ne le regretterez pas, hier éclaire toujours un peu aujourd’hui.
Nous voilà en Dordogne, en 1994; un journaliste, lassé de sa vie parisienne, s'installe dans le Périgord; en voulant acheter un terrain adjacent à sa propriété pour y construire une piscine, le Champ des Martyrs, il s'aperçoit que les villageois cachent des secrets. Le meurtre d'un allemand installé dans le village, qui enquêtait sur les soldats allemands morts au cours de la deuxième Guerre Mondiale afin de les identifier et de rendre leurs restes aux familles et l'arrivée de Greta, proche du défunt, vont mettre au jour de bien terribles faits.
L'auteur alterne le récit en 1994 avec des flash-back en 1944 alors que le village a été le théâtre d'un terrible drame.
Nous sommes plongés dans un roman dit de "terroir" avec un arrière-plan historique fort bien documenté. En effet, l'auteur s'appuie sur des faits réels s'étant passés dans un autre village, au nord de Bergerac mais ses personnages sont pure fiction. Il sait retranscrire avec talent cette période terrible où se sont affrontés non seulement les Français et les Allemands mais aussi les Français entre eux (les résistant gaullistes et les résistants communistes). Il sait aussi donner du rythme à son roman, en particulier à partir du meurtre de 1994; les découvertes et les révélations sur 1944 s'accélèrent alors.
Ce roman est un hommage au Périgord de la Deuxième Guerre Mondiale et à ses nombreux maquis qui ont résisté courageusement; c'est aussi une ode sympathique à son bien-vivre et à sa gastronomie roborative dont les descriptions font venir l'eau à la bouche mais l'auteur ne cache cependant pas un côté plus sombre, celui du rejet des étrangers.
Le style est fluide, le fonds historique est bien documenté (ce qui m'a permis, par exemple, de découvrir Otto Abetz), sans être écrasant ce qui permet de passer un très bon moment de lecture. Cela a aussi été l'occasion de découvrir un auteur qui en est à son 31ème livre et dont je n'avais jamais entendu parler.
#LeChampdesMartyrs #NetGalleyFrance
Le Champ des Martyrs a été publié par les éditions Les Presses de la Cité dans la collection Terres de France en 2022. Le style de l'auteur est chaleureux comme savent l'être les terres périgourdines et vigoureux : "Tout a commencé avec cette histoire de piscine. Les enfants en voulaient une pour notre maison de vacances. Je la leur avais promise, mais je me heurtais au refus obstiné de mon voisin, propriétaire du champ des Martyrs, de me vendre ce bout de terre dont il ne faisait rien. Ils sont comme ça, les gens d’ici. Têtus. Le père Léonard aurait préféré perdre un bras plutôt que de se séparer du moindre arpent. Je demeurais désemparé, avec ma promesse non tenue, et le sentiment que je ne reverrais pas mes deux adolescents de sitôt." (Page 10)3Je n’avais encore jamais vu ma métairie si tôt dans l’année. Au mois de mars, le bout de jardin et les pentes herbues qui montaient à l’assaut de ma demeure s’étaient couverts de violettes, de pervenches et de primevères. La maison, blottie contre son rocher, se chauffait au soleil printanier par réverbération, de manière naturelle. Les arbres, tout autour, bourgeonnaient. Le réveil de la nature correspondait à ma nouvelle existence. Je consacrai mes premières semaines au jardinage et aux aménagements, avant de me mettre sérieusement au travail."(Page 19).
L'intrigue:
Suite à son divorce, Julien Leclerc, journaliste, prend un long congé afin d'écrire un roman. Coupé du monde turbulent, dans sa métairie nichée au fin fond du Périgord. Antoine et Eric, ses deux fils adolescents, refusent de venir passer leurs vacances chez lui. Trop loin de leurs distractions habituelles. Julien promet alors de faire creuser une piscine.
Julien décide d'écrire un roman sur la baronne de Montastruc qui vécut au château à partir de 1934. De son vrai nom Gilberte Destal, la baronne était une ancienne actrice qui, une fois devenue veuve, avait beaucoup œuvré pour le village de Saint-Pierre de Vitrac et son château. Au fur et à mesure de ses recherches Julien comprend que les villageois protègent un secret: "J’avais déjà constaté que la communauté semblait frappée par une malédiction : beaucoup de célibataires, de couples sans enfant. Elle paraissait condamnée à une mort lente. Ce sombre mystère excitait mon imagination. Le silence taiseux des villageois, l’obstination de mon voisin à refuser de me vendre le champ des Martyrs m’intriguaient. Le maire me prit à nouveau par le bras et m’entraîna vers la fête." (Page 54).
Un secret qui remonterait aux événements qui ont ensanglanté Saint-Pierre pendant la seconde guerre mondiale. Mais la mort du père Léonard, en juillet, révèle une nouvelle qui fait sensation dans le village: Karl Hauser, l'avocat allemand, a acheté les terres du vieil homme. Hauser est retrouvé mort quelques jours plus tard. Ce meurtre serait-il lié à celui d'Amédée Duval survenu à Barcelone en 1960? Ou avec l'attaque que le village a subie le 9 août 1944. Julien, en quête de documentation historique en vue d'étayer son roman, se lance dans une quête passionnante, secondé par Greta, parente de Karl.
Cinquante ans plus tard, la communauté de Saint-Pierre est toujours marquée par les stigmates de l'Occupation dans les cœurs et les esprits. Ceux qui ont perdu un mari, un fils, un frère, ne les oublient pas. Julien est bien décidé à percer le mystère qui nimbe le château et les agissements de la défunte baronne, révélant une personnalité bien plus complexe que ce que les villageois en disent.
Un récit passionnant basé sur des faits réels, même si l'auteur a choisi de les situer dans un village fictif. Car son propos n'est pas tant de raconter une tragédie comme il y en eut malheureusement tant pendant la seconde guerre mondiale, mais de proposer une réflexion sur le rapport à la mondialisation, sur l'accueil fait aux "étrangers", représentés par les nombreux touristes, qui sillonnent le Périgord, bousculant ses habitants de leur torpeur et de leur routine.
Une écriture claire et soignée met en lumière ce roman que l'on lit d'une traite, emporté par la verve de Jean-Luc Aubarbier, et par le savant tricotage qu'il construit entre passé et présent. Loin de juger les actes de chacun pendant cet épisode tragique, il se contente de nous mettre face aux événements: confronté à des situations extrêmes, comment réagit-on? Comment gère-t-on lorsque l'on se retrouve en danger de mort, face à des forces que l'on ne peut maîtriser? Devient-on un héros par la force des choses...ou un lâche?
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