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Voilà une fresque familiale à laquelle on pourrait associer la chanson de Renaud "c'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme". C'est la première pensée qui m'est venue lorsque j'ai commencé ce livre de Grégory NICOLAS.
Quatre destins liés à la mer, quatre destins différents mais toujours dominés par la mer. L'auteur nous emmène en Bretagne et nous voilà voguant avec Jean fils et petit-fils de marin. Sa mère voulait pourtant le dissuader. Le mariage le dissuadera--t-il d'embarquer ? Paulette, son épouse choisit de s'exiler loin de cette mer qui se sert sans pitié.
Voilà un roman qui nous plonge au coeur de la difficile vie sur les bateaux mais au sein de celle tout aussi difficile des femmes à terre. et on pourrait à nouveau citer Renaud : Assise sur une bitte
D'amarrage, elle pleure
Son homme qui la quitte
La mer, c'est son malheur
Perrine est fille, femme et mère de marin.
La mer lui prendra son père, son mari et son fils.
Et pourtant elle a tout fait pour empêcher son petit Jean de devenir marin à son tour.
Même marié à Pauline et père du petit Pierre, l'appel du large sera le plus fort
Roman divisé en plusieurs parties.
La première, c'est la rencontre de Perrine et de François, la naissance de Jean, la mort de François, puis ce sont essentiellement les lettres que Jean écrit quotidiennement à sa « chère petite M'an ».
La deuxième, partie est raconté par Paulette, un peu fantasque, qui tombera amoureuse de Jean, l'épousera et lui donnera le petit Pierre.
Elle fera tout pour que Pierre échappe au destin de son père et de son grand-père
Et enfin la troisième est racontée par Pierre qui a grandi à la montagne mais viendra à la mer à son tour.
Tragique destin que celui des femmes de marin dont la vie est faite d'attente, de peur, de larmes.
Et de courage surtout.
C'est une très bel hommage qui leur est rendu à travers ce livre.
Magnifique roman qui saisit au cœur, sur les lignées de femmes de marins qui attendent leur mari, frère, fils, la peur au ventre à chaque sortie en mer.
Ce roman s'articule autour de 4 personnages principaux : Perrine, Jean son fils chéri, Paulette, l'épouse de Jean et Pierre, leur fils. Perrine a perdu son père, son mari et vient de perdre son fils quand le roman commence en 1951; tous les trois ont péri en mer; chacun des quatre personnages prend la parole pour raconter l'amour ou la haine de la mer, la peur en mer mais aussi et surtout à terre, la douleur des femmes lorsque la mer leur arrache un fils, un mari, un frère, la tentative désespérée des mères d'en écarter leur fils.
Le titre de ce roman est emprunté à un texte de Jean Cocteau, interprété par Marianne Oswald en 1935; Gregory Nicolas s'est inspiré de ce texte poignant, émouvant pour en faire un roman tout aussi poignant et émouvant.
Le personnage principal est la mer, pas celle des touristes, "la belle bleue" des vacances, mais celle des marins-pêcheurs, celle qui attaque les bateaux, qui gronde, qui dévore ceux qui essayent de se mesurer à elle; c'est celle, aussi, qui attire tel un sortilège, telle une femme qu'on aime, celle dont on ne peut s'éloigner malgré sa dureté, malgré le danger, celle qui nourrit les hommes et les fait rêver à des lointains, celle qui fait se sentir libre. Le roman se déroule en Bretagne, région chère à mon cœur, qui a payé et paye toujours un lourd tribut à la mer.
Il rend hommage à ces lignées de femmes qui n'ont pu empêcher que la mer leur prenne les homme qu'elles aiment, elles sont obligées de capituler devant l'égoïsme et la passion des hommes. L'auteur n'oublie pas ces orphelins qui se construisent sans père et qui, à leur tour, prennent la mer pour aller à la rencontre de ce père disparu et idéalisé. Ce roman nous offre de très belles pages sur l'attente, la peur, la douleur de ces femmes à terre. Je n'ai pu m'empêcher de faire un parallèle avec les militaires partis en opération que les conjoints, les mères, les sœurs, attendent avec les mêmes sentiments et auxquelles Emilie Guillaumin a consacré son très beau roman "L'embuscade".
Je repenserai souvent à ces femmes et à ces marins face à la mer que j'ai la chance et le bonheur de pouvoir rencontrer chaque jour.
#Messœursnaimezpaslesmarins #NetGalleyFrance
"vous êtes tous deux ténébreux et discrets
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes,
Ö mer, nul ne connait tes richesses intimes
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets."
....
Baudelaire et Grégory Nicolas embarqués sur le même bateau !!
Le bateau du roman, c'est un coquiller blanc et bleu, celui de Jean, marin-pêcheur de St-Jacques à bord de l'ArC'hwil.
Jean qui ne rêvait que de choses "simples et petites", Jean qui chérissait la mer, mais aussi ses 3 fils et leur mère Marie-Lou, Jean qui disparut un jour en mer, laissant sa famille dans la peine et le désarroi. Eh oui ! comme le dit Renaud, "c'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme" !!
Mais autant que la recherche d'un corps ravi par la mer, c'est à la recherche de l'homme qu'était leur père que partent les 3 fils.
Qui était-il vraiment, cet homme grand, fort et courageux ? Cet homme fidèle en amitié, rustique et pudique, contemplatif et taiseux ?
Mais si souvent ténébreux...Car Jean reste "vide de la mort " de son propre père, ce père qu'il "trimballe en pensée" sans parvenir à combler l'absence.
Jean en souffrance pour une autre raison...vite, vite, lisez le livre !!
Joli personnage également que celui de Marie-Lou, femme de marin qui ne se contente pas d'attendre le retour de l'homme, mais qui est une médiatrice efficace entre terre et mer .
Ce roman est une ode à la mer, celle qui comble mais qui reprend aussi. Une ode à l'amour familial, dans ses joies quotidiennes, ses non-dits, ses silences.
Dans la douleur et le pardon.
Entre Brest, Portsall, Morlaix, Landunvez et mer d'Iroise, c'est un peu d'iode et de Bretagne à chaque page.
Entre images de carte postale et immersion dans la rude vie des marins-pêcheurs.
Joli découverte que ce roman tout plein de délicatesse, d'émotions contenues, à l'image d'une Bretagne toujours aussi envoûtante et mystérieuse.
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