"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ma fille de 12 ans a beaucoup aimé cette série.
"Il y a de l'aventure, les personnages principaux sont des animaux, ça change des romans habituels."
Elle part déjà à l'aventure du 3ème cycle, visiblement toujours avec le même engouement...
Plus le temps passe, plus je regrette de ne pas être suffisamment à l’aise en anglais pour lire la saga en version originale. Pas seulement parce que les délais de traduction sont une véritable torture (quand je pense que les lecteurs anglophones vont découvrir le cycle 8 alors que nous en sommes encore au 6 en France, j’ai envie de pleurer de frustration), mais aussi et surtout parce que je suis de plus en plus souvent déçue du travail éditorial de Pocket Jeunesse vis-à-vis de la saga. Cela donne parfois le sentiment que, puisqu’ils savent bien que les lecteurs passionnés achèteront chaque nouveau tome sans se poser de question, ils ne prennent plus la peine de faire les choses correctement. Un exemple ? Pas besoin d’aller chercher plus loin que les toutes premières pages de ce hors-série : l’intrigue de celui-ci se déroule dans « l’ancien territoire », celui de la forêt … mais ils ont mis la carte du territoire du lac ! Cela peut sembler être un détail, mais ça prouve bien qu’ils ne font plus attention à ce qu’ils éditent, « de toutes façons ça ne les empêchera pas d’acheter », doivent-ils se dire. Et je ne parle même pas des erreurs de traduction des noms, de plus en plus courant (j’ai mis longtemps avant de comprendre que Museau d’Ecorce … c’était en fait bien Ecorce de Chêne dans les autres tomes) ! Heureusement que l’histoire, elle, reste le fait des autrices, sinon ça serait une sacrée catastrophe !
Depuis sa venue au monde, Petit Fil doit vivre avec le poids d’être « le chaton survivant ». Il s’est toujours demandé si sa mère n’aurait pas été plus heureuse si c’était sa sœur, Petit Canari, morte née, qui avait survécu : quoi qu’il fasse, le petit dernier du Clan du Vent ne parvient pas à redonner le gout de vivre à celle qui lui a donné le jour. Et Petit Fil le sent bien : il ne sera jamais non plus à la hauteur des attentes de son père, formidable guerrier-creuseur, qui espère bien le voir marcher sur ses traces et l’aider à terminer sa plus grande œuvre, un tunnel reliant le campement aux gorges … Mais Petit Fil est absolument terrifié à l’idée de se glisser dans un tunnel obscur, dégouté à l’idée de passer toute son existence à creuser dans la boue. Petit Fil rêve de grands espaces, du vent dans la lande, des senteurs de la bruyère : il rêve d’être un guerrier-coureur, de courir dans les hautes herbes, de chasser des lapins bondissants. Lorsque le chef du Clan exauce son vœu secret en le nommant apprenti-courir, Nuage Filant est tiraillé entre la joie, la culpabilité … et la peine : désormais, son père ne lui adresse même plus la parole, ne lui accorde plus le moindre regard. Lorsque ce dernier meurt dans un tragique accident, le jeune chat, devenu guerrier, se lance sur les traces de celui qu’il estime être le responsable … et il compte bien venger son père, quitte à bafouer profondément toutes les valeurs du Code du Guerrier.
Depuis sa toute première apparition dans la saga, j’ai toujours éprouvé beaucoup d’admiration pour Etoile Filante : c’est un meneur profondément dévoué à son Clan, plein de sagesse et de justice malgré quelques emportements et égarements. Il est certes attaché aux traditions « de toujours » mais sait également s’en détourner pour le bien des siens lorsque cela s’avère nécessaire, il n’hésite pas à se faire humble et conciliant quand il le faut, quitte à paraitre faible aux yeux de certains. J’étais donc particulièrement enthousiaste vis-à-vis de ce hors-série … et clairement, celui-ci ne m’a pas déçue, bien au contraire ! Alors que j’imaginais Etoile Filante comme un guerrier à l’existence « ordinaire », comparé aux destinées « exceptionnelles » des héros des différents cycles, j’ai eu la surprise de découvrir que la vie de ce grand chef a été bien plus mouvementée et étonnante que je le pensais. Entouré du chagrin de sa mère, qui ne parvient pas à faire le deuil de son chaton mort-né, Petit Fil porte sur ses frêles épaules toutes les attentes et aspirations que ses parents projettent sur lui plus ou moins consciemment … Alors même qu’il est terrifié à l’idée de cheminer sous terre et qu’il ne rêve que de galoper au grand vent, il se fait à l’idée qu’il deviendra creuseur, bien malgré lui, comme son père avant lui, comme le père de son père avant lui.
Car ainsi vont les choses au sein du Clan du Vent : les savoir-faire des creuseurs se transmettent et s’affinent de générations en générations, alors qu’ils perfectionnent et agrandissent jour après jour le réseau de tunnels qui courent sous leur territoire, permettant ainsi au Clan de chasser même au cœur de la plus terrible saison froide … C’est quelque chose dont nous n’avions jamais entendu parlé jusqu’à présent, cette répartition des guerriers du Vent en deux « groupes », les premiers chassant et patrouillant à l’air libre, les seconds entretenant et façonnant des tunnels. Très rapidement, le lecteur se rend compte que cette scission entraine des tensions grandissantes entre les membres du Clan : nombreux sont les coureurs à dénigrer le travail des creuseurs, à estimer que c’est une perte de temps et d’énergie que de ramper dans des souterrains … alors que les creuseurs considèrent au contraire qu’ils sont les garants et les gardiens du savoir-faire ancestral et unique du Clan du Vent, et s’agacent du manque de respect dont les coureurs font preuve à leur égard. Utile, voire vitale à une époque, cette « spécialisation » des guerriers menace aujourd’hui de détruire le Clan de l’intérieur : entre ceux qui s’accrochent anxieusement à la tradition et ceux qui n’en voient plus le sens, le dialogue est rompu, et les jalousies et les rancœurs empoissonnent progressivement les cœurs …
De même que son Clan est nécrosé par cette rivalité intestine, Plume Filante est ravagé par une colère flamboyante : persuadé que son père ne serait pas mort sans un des chats errants que le Clan du Vent accueille avec hospitalité tous les ans, le jeune guerrier, qui a toujours eu la douloureuse sensation de ne pas être à sa place parmi les siens, considère qu’il est de son devoir de venger la mort de son père. Le cœur en quête d’une fausse justice qui a un arrière-gout rance de vengeance, Plume Filante quitte son Clan et s’élance à la poursuite du meurtrier … Bien que je n’approuve en rien ce choix, j’ai éprouvé beaucoup de peine pour ce chat qui, derrière sa haine à l’encontre de ce chat qu’il estime être responsable de cet ultime malheur, cache en réalité une culpabilité profonde, celle de ne jamais avoir été à la hauteur des attentes de ses parents, celle d’avoir survécu alors que sa sœur est morte, celle de s’être réjoui de ne pas marcher sur les traces de son père pour suivre ses envies, celle de ne pas avoir eu un sens assez aigu du sacrifice, en somme … A ce stade, Plume Filante n’est plus qu’un chat brisé par la peine, aveuglé par la douleur, qu’on ne peut que plaindre en espérant qu’il reviendra à la raison avant qu’il ne soit trop tard. Heureusement, la chance, le destin – ou bien le Clan des Etoiles, qui sait ? – met sur son chemin un chat dont l’amitié l’aidera à reprendre pied … et à retrouver la juste voie. En accordant son pardon à celui qu’il avait jugé sans savoir, Plume Filante va également se pardonner lui-même et s’autoriser à tracer son propre chemin, enfin libéré de ses fardeaux intérieurs …
En bref, vous l’aurez bien compris, c’est vraiment un excellent hors-série que nous offrent une fois de plus les autrices ! C’est un joli petit pavé de presque 600 pages qui se dévore comme si de rien n’était : on se laisse vraiment embarquer par la vie de ce petit chaton esseulé qui ne sait pas quelle place est la sienne, par ce jeune guerrier endeuillé qui ne sait pas comment se débarrasser de cette souffrance. Il y a certes de l’action, mais c’est une intrigue plutôt « psychologique », qui évoque tantôt le poids des traditions et des attentes familiales parfois trop lourdes à porter, tantôt la puissance libératrice du pardon et du dialogue, sans oublier la force de l’amitié. C’est vraiment un roman qui m’a plus d’une fois fait monter les larmes aux yeux, car certains passages sont particulièrement émouvants pour ne pas dire déchirants : Plume Filante a beau être un chat, ses peines et ses doutes rejoignent facilement ceux du lecteur, qui se sent étonnamment proche de lui et qui souhaite ardemment le voir heureux, enfin, après tous ces malheurs qui ont jalonnés ses jeunes années … Enfin, pour parfaire le tableau, le dernier chapitre, pour ne pas dire la dernière page, apporte un éclairage nouveau et inattendu sur le reste de la saga : je me suis bien sûr demandé à plusieurs reprises pourquoi Etoile Filante faisait si facilement confiance à Cœur de Feu … désormais, je le sais, et c’est vraiment très beau !
https://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2022/01/la-guerre-des-clans-hors-serie-la.html
Cette fois-ci, il faut que je le fasse. Cela fait bien trop longtemps que je garde le silence. Il faut que je prenne mon courage à deux mains pour vous prévenir du terrible danger qui vous guette si vous suivez mes conseils incessants et vous décidez enfin à lire La guerre des clans. J’ai très longuement hésité avant de vous en parler, mais j’estime qu’il est de ma responsabilité morale de le faire … Soyez donc prévenus : à partir du moment où vous aurez découvert cet univers, vous ne verrez plus jamais les chats de la même manière. Vous ne pourrez plus vous empêcher de chercher des noms de guerriers à tous les chats que vous croiserez, vous tacherez de deviner à quel Clan il pourrait bien appartenir, et vous finirez même par vous demander s’il serait plutôt un simple guerrier, un Chef ou bien un Guérisseur. Ce sera tout simplement plus fort que vous ! Ainsi, contrairement à ce que tout le monde pense, ma petite Princesse s’appelle en réalité Etoile Féroce, farouche et autoritaire Chef du Clan de l’Ombre, tandis que Neige se prénomme Feuille Enneigée et est la timide et craintive Guérisseuse du Clan du Vent. Elle pourrait presque être la réincarnation de Vol du Papillon, dont ce hors-série nous relate la formidable destinée …
Malgré tous ses efforts pour devenir une chasseuse aussi talentueuse que son frère, Vol du Papillon ne fait que décevoir continuellement les membres de son Clan et surtout sa mère : distraite, rêveuse, étourdie, elle est incapable de se concentrer plus de quelques secondes sur les tâches qui lui sont confiées. Lorsqu’elle doit surveiller les turbulents chatons d’Ardoise, elle finit toujours par s’endormir ou rêver toute éveillée, pendant que les garnements se mettent en danger. Quand elle doit aller chasser, c’est toujours la gueule pleine de plantes inconnues et fascinantes qu’elle revient au campement, où les ventres crient famine. Lorsque son inattention manque de couter la vie à son père, Vol du Papillon décide qu’il est de son devoir de quitter le Clan du Vent : ils seront bien plus tranquilles, bien plus en sécurité sans elle. La jeune chatte est bien loin de s’imaginer que ses pattes vont la mener exactement là où elle doit être, là où sa destinée et l’avenir de tous les Clans vont se jouer … Elle est bien loin de se douter que c’est à elle que vont s’adresser les chats-esprits dont les ainés ne cessent de parler, ceux-là même qui ont aidé les Clans à se former. Elle est bien loin de se douter que c’est à elle qu’ils vont confier une mission essentielle et terrifiante : celle de devenir la toute première Guérisseuse du Clan du Vent, de veiller sur tous les membres du Clan comme une reine s’occupe de ses propres chatons …
Cet hors-série fait directement suite au cinquième cycle : nous retrouvons donc les cinq Clans là où nous les avons laissés, dans l’état où nous les avons laissés. Les petites routines et habitudes s’installent progressivement : l’Assemblée aux Quatre Chênes le soir de la pleine lune, la nomination de mentors pour les chatons en âge d’apprendre à chasser … En apparence, tout semble aller pour le mieux. Mais déjà, des tensions s’installent entre les Clans du Vent et du Ciel, chacun soupçonnant l’autre de venir chasser sur ses terres. Entre la fierté de Vent Vif et l’orgueil de Ciel Bleu, la situation s’envenime à chaque échange. C’est dans ce contexte de plus en plus tendu que nous faisons la rencontre de la jeune Vol du Papillon, fille de la meneuse du Clan du Vent, que nous avions très rapidement aperçu à la fin du cycle 5. Vol du Papillon est indiscutablement l’une des héroïnes les plus attachantes de toute la saga : tête en l’air, peu sûre d’elle, elle ne se sent pas à la hauteur des attentes que sa meneuse de mère projette sur elle. Elle a beau essayer de toutes ses forces, Vol du Papillon ne parvient jamais à empêcher ses pensées de virevolter, de s’échapper. Quoi qu’elle fasse, elle finit toujours par se laisser distraire par des choses que ses camarades ne semblent même pas remarquer : la senteur d’une plante inconnue, une forme farfelue dans les nuances, la danse d’un papillon vert ...
Comment ne pas être attendri par cette petite chatte, pleine de bonne volonté, si désireuse de bien faire, de faire mieux la prochaine fois, mais incapable de lutter contre son esprit si volubile, contre son imagination si fertile ? Comment ne pas compatir face à son désarroi, lorsque sa mère l’accable de reproches, lorsque ses camarades pointent de la griffe qu’elle n’est bonne à rien de bien, lorsque son frère et son père la défendent et la protègent comme si elle était encore qu’un tout petit chaton tenant à peine sur ses pattes ? J’ai eu d’autant plus de peine pour elle que je comprends parfaitement ce qu’elle peut ressentir : c’est déjà si difficile de se rendre compte qu’on n’est pas capable de faire autant et aussi bien que les autres, c’est déjà si difficile de prendre conscience qu’on est incapable de faire ne serait-ce que le dixième de ce que tous les autres peuvent faire, mais quand les autres s’y mettent, que ça soit pour critique, se moquer ou reprocher, ou même pour « aider, rendre service » … c’est infiniment plus douloureux. On a vraiment le sentiment de n’être qu’un poids, un fardeau pour ceux qui nous entourent et qui doivent sans cesse supporter nos incapacités, qui doivent sans cesse compenser nos incapacités … Et qui s’imaginent parfois que ce n’est que de la mauvaise volonté, qu’on se complait dans cette situation « confortable », que si on y mettait un peu du nôtre on y arriverait … Oui, vraiment, je me sentis incroyable proche de Vol de Papillon !
Mais voilà que les chats-esprits, dans leur grande sagesse, vont montrer à Vol du Papillon que ses « faiblesses » peuvent en réalité devenir ses plus grandes forces … à condition de cesser de lutter contre elles, à condition de les accepter comme faisant parti d’elle-même, parti de ce qu’elle est. A condition, en quelque sorte, de faire la paix avec elle-même et donc de s’autoriser à « être elle-même » plutôt que de chercher à ressembler à tout prix aux autres, ou à celle que les autres voudraient qu’elle soit. C’est loin d’être évident, et j’aime énormément la façon dont Vol du Papillon va doucement cheminer dans cette voie, à tâtons, un pas en avant et deux en arrière … Vol du Papillon est clairement l’un des personnages les plus courageux de la saga, car ça demande beaucoup de courage de s’accepter et s’affirmer telle que l’on est, quand bien même ce qu’on est, c’est être très différente. C’est vraiment quelque chose que j’apprécie énormément dans cette saga, et plus spécifiquement dans ce hors-série : il nous rappelle que nous ne sommes pas tous les mêmes, que nous n’avons pas tous les mêmes forces, les mêmes compétences … Et que cela ne sert à rien de vouloir à tout prix faire rentrer tout le monde dans le même moule. Au sein des Clans, il y a ceux qui savent chasser et protéger, ceux qui savent mener et conseiller, mais aussi, désormais, ceux qui savent soigner et apaiser. Et ils sont tout aussi importants que les guerriers ou les meneurs, car c’est bien souvent de douceur dont on a le plus besoin …
En bref, vous l’aurez bien compris, ce hors-série se hisse sans la moindre difficulté sur le podium de mes opus préférés de toute la saga ! Non seulement il achève la « genèse » des Clans entamée dans le cinquième cycle en mettant enfin en place les ultimes fondations de ces Clans – les Guérisseurs et leur Code bien à eux, mais aussi et surtout le don des neufs vies aux Chefs qui prennent enfin leur nom d’Etoiles –, mais en plus il nous invite à suivre le véritable parcours initiatique d’une jeune chatte particulièrement attachante, qui va non seulement apprendre à faire de ses « faiblesses » ses plus grandes forces, mais qui va également murir, faire de gros sacrifices pour mener à bien la mission qui est la sienne, prendre des décisions qui la hanteront toute sa vie pour le bien de tous. Vol du Papillon fait preuve d’une abnégation qui force l’admiration et qui prouve une bonne fois pour toute que nos difficultés ne font pas de nous de mauvaises personnes qui vivent au dépend des autres … C’est un livre parfois palpitant, mais surtout particulièrement émouvant, déchirant par moment, même. J’aime beaucoup comment l’histoire de Vol du Papillon et l’Histoire des Clans s’entremêlent pour ne former qu’une seule intrigue, rappel constant que les Clans et les chats forment un tout et que la destinée d’un seul influence l’avenir de tous. Vraiment un magnifique roman, qui m’a beaucoup émue !
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2021/11/la-guerre-des-clans-hors-serie-la.html
Mon arrière-grand-mère, sage parmi les sages, avait parait-il coutume de déclarer que « l’habitude rend la chose facile » … Bien loin de moi l’idée de la contredire, mais je reste persuadée qu’elle aurait modéré ses propos si elle avait eu l’occasion de lire La guerre des clans : au bout de cinq cycles, je devrais théoriquement être « habituée » au déchirement de fin de cycle … mais cela ne rend nullement la chose plus « facile » ! Bien au contraire. J’ai même plutôt le sentiment que c’est un petit peu plus difficile à chaque fois, comme si les autrices affinaient progressivement leur capacité à nous faire pleurer toutes les larmes de notre corps dans les tous derniers chapitres, comme si elles savaient désormais où frapper pour nous faire le plus « mal » possible. A vrai dire, j’espérais fort naïvement que les choses seraient quelque peu différentes avec ce cinquième cycle : après tout, c’est un cycle vraiment à part, une escapade fugace en dehors du « cours normal de l’histoire », une « interruption spéciale » qui nous invite à laisser derrière nous les protagonistes que nous suivons depuis plus de vingt tomes pour en rencontrer de nouveaux, de parfaits inconnus … Je pensais que ce serait donc plus facile de les quitter, que je serai même heureuse de retrouver les « vrais » héros de la saga, mais j’avais complétement tort : c’est vraiment un crève-cœur que de devoir laisser derrière moi Gris Poil et les autres !
Après bien des lunes de conflits, après bien des souffrances et bien des peines, les chats entrevoient la douce lueur de la paix scintiller au bout du tunnel obscur dans lequel ils s’étaient engagés : suivant les conseils énigmatiques mais avisés des chats-esprits, victimes de leur aveuglement et de leur peur, ils ont fini par se scinder en cinq groupes. Mais voilà que, déjà, une nouvelle menace vient contrarier cet équilibre si durement acquis et encore si fragile : la compagne de Ciel Bleu a été enlevée par un chat errant des plus tyranniques, Balafre. Celui-ci est prêt à rendre la jeune reine à son compagnon, à « une seule et unique condition » : que les chats des cinq groupes s’engagent à lui donner chaque jour la moitié de leur gibier. Au moment de rencontrer les quatre autres chefs pour leur faire part de ces exigences, Ciel Bleu se demande s’il a la moindre chance de les convaincre de l’aider : ils ont d’excellentes raisons de lui en vouloir et d’en vouloir à Fleur d’Etoiles qui les a tous trahis … De plus, la mauvaise saison est là, le gibier se fait de plus en plus rare et de plus en plus rachitique : aucun groupe ne peut se permettre de se séparer de la moitié de leurs misérables prises … Mais Balafre est loin d’être patient : si les chefs refusent de céder volontairement leurs proies, ses chats viendront les prendre par la force.
On retrouve dans cet opus tout ce qui fait l’essence profonde de la saga : il est question de courage, de loyauté, d’amour, d’amitié, de dévouement, de solidarité … On a presque le sentiment de revivre : cette fois-ci, ça y est, on est vraiment dans La guerre des clans ! Les errances passées sont belles et bien terminées, désormais chacun sait où est sa juste place, chacun se sent pleinement à sa place … Et maintenant qu’ils se sentent bien dans leurs coussinets, ils s’épanouissent enfin et dévoilent tout leur « potentiel ». Alors qu’ils avaient tous tendance à s’égarer dans le tome précédent, les voici redevenus fidèles à eux-mêmes … et ça fait du bien ! D’autant plus que les épreuves passées les ont aidé à prendre conscience de leurs propres défauts, de leurs propres faiblesses, et leur ont surtout donné l’envie de s’améliorer, de combattre leurs mauvais travers. Ciel Bleu regrette profondément tout le mal qu’il a fait auparavant, et il s’efforce désormais de ne plus commettre les mêmes erreurs, et il comprend aussi pourquoi son fils ainé lui en veut tellement, il comprend pourquoi les autres chefs sont si réticents à lui faire confiance … Auparavant, il s’en serait offusqué, il aurait tempêté, hurlé à l’injustice, mais maintenant, il admet qu’ils ont parfaitement raison de lui en vouloir ou de se méfier de lui. Son évolution est vraiment profonde et touchante, on a vraiment envie de l’aider dans son combat contre lui-même, et de lui dire que oui, il a le droit au bonheur malgré tout !
Car ce tome nous rappelle aussi qu’il ne faut en aucun cas enfermer quelqu’un dans ses torts passés, qu’il faut toujours laisser une seconde chance et donner à l’autre l’occasion de se racheter et de devenir meilleur. Car pour que quelqu’un puisse changer, il faut qu’il ait le sentiment que changer pour quelqu’un, pour que quelqu’un se sente suffisamment fort pour lutter contre sa nature profonde, il faut qu’il sente que quelqu’un croit en lui, a confiance en lui. Il ne faut jamais laisser quelqu’un seul avec ses regrets, avec ses remords, avec ses combats intérieurs : il faut lui prouver que cela vaut la peine de faire tant d’efforts pour s’améliorer, il faut lui montrer qu’on le soutien dans sa volonté de devenir meilleur. De même, c’est un tome qui nous rappelle qu’il ne faut jamais mettre tout le monde dans le même sac, qu’il ne faut jamais s’arrêter aux préjugés et aux à priori avant de juger quelqu’un. C’est un tome qui rappelle que, certes, la confiance se mérite, mais qu’elle s’accorde aussi. Et que, parfois, c’est justement quand on refuse d’accorder pleinement sa confiance à quelqu’un que celui-ci finit par la trahir, car une « fausse confiance », ça fait mal. La confiance doit être réciproque : comment voulez-vous prouver à quelqu’un qu’il peut avoir confiance en vous s’il affiche ostensiblement qu’il ne vous fera quoi qu’il arrive jamais confiance ? Comment voulez-vous avoir envie de travailler main dans la main avec quelqu’un qui se méfie de vous sans vous connaitre le moins du monde ?
Pourtant, ainsi que nous le rappelle également ce tome, nous sommes bien plus forts ensembles. « L’union fait la force », dit le dicton, et c’est bien ce que vont expérimenter à plusieurs reprises les chats des différents groupes. C’est en œuvrant tous ensembles, patte dans la patte, chacun avec ses aptitudes propres, chacun avec ses compétences propres, qu’ils vont réussir à se sortir des terribles épreuves qui se dressent sur leur chemin. Même lorsque tout leur semblait perdu, lorsque la situation semblait désespérée, il y avait toujours un membre du groupe pour leur donner la force, le courage, l’envie de se battre jusqu’au bout pour ce qu’il leur semble être juste et bon. Envers et contre tout. Car ce tome rappelle enfin qu'il ne faut jamais se laisser abattre, qu'il y a toujours une lueur d'espoir au bout du tunnel ... Que c’est seulement quand on arrête d’y croire que tout est définitivement et réellement perdu. Depuis le début de ce cycle, et dans ce tome plus que jamais, Gris Poil est celui qui n’a jamais arrêté de croire, qui n’a jamais cessé d’espérer. Il n’est le chef d’aucun des groupes, et pourtant il est le plus solide pilier des cinq Clans. En toute discrétion, sans jamais demander la moindre faveur, le moindre privilège, en toute humilité, sans jamais se vanter, sans jamais prendre les autres de haut, Gris Poil est le ciment qui lie les groupes les uns aux autres, celui qui a posé fermement les fondations des Clans. Gris Poil est un vrai héros, de ceux qu’on oublie jamais, jamais, jamais …
En bref, vous l’aurez bien compris, ce tome, qui vous prend aux tripes à la fois dans les moments absolument palpitants et dans ceux qui sont tout bonnement déchirants, conclut en toute beauté ce cycle pas tout à fait comme les autres qui a su me convaincre pleinement ! Jamais je n’aurai pensé m’attacher aussi vite et aussi fort à de nouveaux personnages, jamais je n’aurai pensé que j’allais regretter profondément de devoir les quitter pour retrouver les protagonistes de l’histoire « principale ». Mais finalement, j’en viens à espérer de tout mon cœur que nous allons un jour retrouver Tonnerre, Vent Vif, Ciel Bleu, Rivière Ondoyante et Ombre Noire : après tout, même si les Clans sont désormais bel et bien formés, et même nommés, il reste encore bien du chemin à parcourir, donc je ne perds pas totalement espoir, peut-être les reverrons-nous un jour, dans un autre cycle. Ça m’aiderait peut-être à me remettre de cette fin, certes magnifique, mais surtout terriblement triste : j’ai rarement autant pleuré que lors du dernier chapitre de ce tome, c’est tout simplement déchirant au possible, comme si toute la tension accumulée au cours de l’histoire explosait dans une déferlante d’émotions et de larmes, comme si toute la puissance du récit s’était condensée dans un seul et unique chapitre pour nous offrir un final en apothéose, un final dont je me souviendrais sans doute toute ma vie, car c’est juste tragique et sublime. Qu’est-ce qu’elles sont douées, les Erin, n’empêche …
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