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Par des phrases courtes et percutantes qui vont à l’essentiel, Delphine Minoui nous livre ici une histoire sur un fait bien réel afin de libérer la parole. Le sujet de Badjens parait deux ans jour pour jour après la mort de cette jeune étudiante iranienne Marsha Amini à Téhéran. L’autrice revient sur le mouvement « Femme, Vie, Liberté » et sur la révolte des femmes iraniennes. C’est le parcours vibrant de l’une d’entre elles qui se réapproprie son corps, quitte à mourir.
Ce récit nous plonge dans le quotidien d’une jeune fille d’aujourd’hui qui vit en Iran et va prendre part au mouvement « Femme, Vie , Liberté » suite à la mort de Marsha Amini pour avoir mal ajusté son voile.
L’autrice se glisse ici dans la peau de son héroïne de 16 ans pour raconter ce combat des femmes iraniennes. Elle s’inspire de l’histoire d’une jeune fille, elle aussi morte pour son combat, qui brûlât son voile debout sur une poubelle.
Badjens donc, cela signifie mauvais genre, mauvaise graine, c’est la vision qu’ont les mollahs de la femme, le sexe raté, le sexe faible, mais c’est également la façon dont se traitent les filles entre elles qui signifie aussi espiègles, effrontées. L’autrice joue sur ce contresens pour raconter l’histoire de la narratrice qui est un monologue intime et intérieur.
Tout commence dans la rue, au milieu d’une manifestation du mouvement « Femme, Vie, Liberté » une jeune femme juchée sur une poubelle brandit son voile puis on part en flash-back dans sa vie depuis sa naissance jusqu’à ce qu’elle croise ce mouvement de femmes en colère. Invisibilisée par un père qui ne voulait pas d’elle et qui, un jour, lors de l’incendie de leur appartement l’oublie. C’est dans cet oubli qu’elle doit se construire en s’opposant et en provoquant en permanence. Enfant rebelle donc, elle est discrètement soutenue par une mère qui, complice silencieuse de son émancipation, se sacrifie pour elle en lui offrant pour ses douze ans IPhone et tablette. Elle lui offre aussi cette liberté qu’elle n’a jamais eu par elle-même.
Ce texte explore la question de l’identité féminine en Iran et du rapport au voile , cette seconde peau qui enferme et crée des peurs et rend schizophrène. A partir du moment où une jeune fille décide d’enlever son voile, ses cheveux deviennent une arme de combat, une armure, la continuité du corps qui permet à une femme de reconstituer son identité féminine.
Avec ce récit l’autrice se retourne vers le passé afin de mieux s’en affranchir. Un silence peut tuer, une écriture peut sauver, se réconcilier avec l’histoire et avec soi-même, réparer les silences, recoudre des bouts de vérité.
Par cette histoire Delphine Minoui rend hommage à toutes ces filles qui brisent le silence et les murs et vivent leur vie en s’assumant au grand jour. Elles reprennent possession de leurs cheveux, de leur corps et de leurs formes de femme, quitte à mourir pour cette liberté. Elles vont au-delà de la mort dans l’espace public même si pour le moment elles ne rencontrent que la répression.
Badjens ça veut dire « mauvais genre » en iranien. Le ton est donné. Le roman est lancé.
Delphine Minoui se sert de la biographie romancée d’une jeune fille de 16ans, Zahra, pour nous parler de la condition et de la vie de toutes les femmes iraniennes, pour nous relater la réalité de leur quotidien.
C’est un roman que j’ai lu dans le cadre du prix Landerneau des Lecteurs 2024.Un roman très dur. On assiste à la violence physique et psychologique exercée par les hommes sur leurs femmes, leurs filles, leurs sœurs, leurs cousines. On aimerait des exceptions. Il n’y en a pas. On aimerait se dire que ce qu’on est en train de lire n’est qu’un roman, que l’action se déroule dans un siècle précédent notre ère. Ce n’est pas qu’un roman, c’est la réalité et ça se passe aujourd’hui.
Le lecteur est directement confronté à l’insupportable, que ce soit pour l’éducation des filles, le port du voile imposé, mais aussi leur vie quotidienne en Iran et la façon dont on les force à se taire.
Un roman puissant écrit avec des phrases qui résonnent comme des coups de poings. Un court roman nécessaire pour comprendre ce qui se passe pour nos sœurs dans un pays voisin. Un roman qui nous donne envie de toutes être des Badjens.
Nous sommes à Chiraz, en Iran, en octobre 2022, en plein mouvement "Femme, Vie, Liberté" en réaction à la mort de Mahsa Amini, 22 ans, morte à cause d'un foulard mal ajusté. Nous suivons Zahra, 16ans, que sa mère appelle secrètement Badjens, espiègle, effrontée mais qui veut dire étymologiquement "mauvais genre". Elle s'apprête à brûler son foulard face à la foule qui l'acclame.
Ce très court roman est un cri de colère, de révolte d'une jeune femme et plus largement des jeunes femmes iraniennes contre leur destin, contre l'invisibilité que veut leur imposer la société masculine. Ce cri de colère est à hauteur d'enfant puis d'adolescente qui découvre la société à travers le prisme des interdictions qui lui sont faites. Pour elle, la liberté c'est écouter de la musique, s'habiller à la mode, avoir accès au monde extérieur grâce à Internet. C'est la voix puissante d'une adolescente, avec son vocabulaire, son courage à la limite de l'inconscience.
Le personnage de la mère est très intéressant car elle soutient sa fille, l'aide à s'émanciper tout en ne heurtant pas de face ni son mari, ni la société; elle est de cette génération qui est descendue dans la rue en 2009 après les élections présidentielles mais qui a fini par retourner au statu quo ante. Elle est fière de sa fille qui a le courage d'aller plus loin qu'elle et elle ne veut pas que Badjens se sente coupable d'être une femme comme on essaye de leur faire croire.
Ce roman est percutant comme peuvent l'être les pensées, les paroles, les actions d'une adolescente en quête de liberté. C'est un hommage au courage de toutes ces femmes qui défient le pouvoir à mains nues et qui y laissent parfois leur vie; elles n'ont pas réussi à l'abattre mais l'ont affaibli. D'autres viendront pour continuer le combat.
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