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Clara Breteau

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Avis sur cet auteur (6)

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    Couverture du livre « L'avenue de verre » de Clara Breteau aux éditions Seuil

    Henri-Charles Dahlem sur L'avenue de verre de Clara Breteau

    Un père à Mobylette avec une échelle et un seau

    «On l'appelait Johnny car, lorsqu'il est arrivé des Aurès en 1962, où son père harki a été massacré par le FLN algérien, il aimait Johnny Hallyday. » C'est avec ce bout d'histoire familiale que Clara Breteau décide de mener son enquête et nous...
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    Un père à Mobylette avec une échelle et un seau

    «On l'appelait Johnny car, lorsqu'il est arrivé des Aurès en 1962, où son père harki a été massacré par le FLN algérien, il aimait Johnny Hallyday. » C'est avec ce bout d'histoire familiale que Clara Breteau décide de mener son enquête et nous offrir un premier roman autobiographique bouleversant.

    Curieuse destinée que celle d'un homme, laveur de carreaux, qui a passé sa vie à effacer des traces, à rendre les vitrines des magasins de L'Avenue de verre à Tours propres, lisses, immaculés. Cet homme est le père d'Anna qui le voit régulièrement passer sur sa mobylette, affublé de son échelle et de son seau. Pourtant elle ne sait pas grand-chose de lui, car il vit seul et que, même si elle sait où il habite, il ne lui viendrait pas à l'idée de lui rendre visite. Restent les questions : « pourquoi il est parti et dans quelles circonstances, quelle a été sa guerre, et de quel trou, de quel camion bâché auraient fait irruption, s’il s'était mis à raconter, les membres, la peur, le sang. » Alors Anna essaie de savoir et de comprendre. « Elle parle à des amis de son père, des anciens collègues, des familles arrivées d'Algérie à la fin de la guerre, comme lui. Elle sait qu’elle oublie vite, alors elle note, collecte. Pour, dit-elle au début, lutter contre le silence. » Elle veut tout savoir des non-dits et des tabous qui ont accompagné cet homme qu'un entrefilet de La Nouvelle République présentait en quelques lignes : « On l'appelait Johnny car, lorsqu'il est arrivé des Aurès en 1962, où son père harki a été massacré par le FLN algérien, il aimait Johnny Hallyday. »
    Rassemblant les pièces du puzzle, elle comprend que dans sa soif d'émancipation d'une famille rigide et violente, sa mère se soit jetée au cou de ce Johnny, le premier homme rencontré qui ne ressemblerait pas à ceux de sa famille. Que se marier avec cet immigré sonnerait pour elle comme une vengeance. Même s'il est dans la logique des choses de voir son grand-père maternel ne pas goûter à cette union. « Lorsqu'il avait appris que sa fille si brillante se retrouvait enceinte d'un Algérien illettré et laveur de carreaux, il ne lui avait plus parlé pendant plus d’une année, Dès le ventre de sa mère et son milieu sonore, Anna avait grandi à l'écart des accents masculins. Quand elle était née, plusieurs mois s'étaient écoulés avant que son grand-père accepte de la rencontrer. »
    Un grand-père qui refuse de la voir côté maternel et un grand-père absent côté paternel. Un grand-père, Hadj, ce harki « massacré par le FLN algérien » qu'Anna va rechercher d'Aix-en-Provence à Blois et de Paris à la côte normande, partout où des archives sur l'Algérie sont rassemblées.
    Ce qu'elle va découvrir d'une histoire coloniale qui commence en 1830, n'est guère glorieux. Mais que peut-il y avoir d'honorable dans l'asservissement d'un peuple, fut-ce pour lui apporter « les valeurs de la civilisation » ? Au fil de son enquête Anna va découvrir la violence et les massacres. Elle va aussi comprendre la raison du mutisme de son père et la force symbolique de son métier, effacer les traces pour offrir à sa descendance un avenir net et brillant.
    Si Clara Breteau a choisi de raconter cette histoire autobiographique à la troisième personne plutôt qu'avec le "je", c'est sans doute pour prendre un peu de distance avec les faits qu'elle a découverts, comme pour les passer au tamis de cette narration.
    Mais au bout de son enquête bouleversante, elle va pourtant comprendre que c'est bien dans sa généalogie qu'elle s'inscrit. « Anna le sait maintenant. Elle n’a peut-être pas son nom, sa langue, ni sa culture. Mais elle est bien la fille de son père. »
    NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici ! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre et en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
    https://urlr.me/yDa3vc

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    Couverture du livre « L'avenue de verre » de Clara Breteau aux éditions Seuil

    Michel Giraud sur L'avenue de verre de Clara Breteau

    Pour l'état civil, Anna est née de père inconnu. Pourtant, ce père, elle l'a bien connu. Il menait une double vie, avec deux familles, l'officielle ignorant l'existence de l'autre.
    D'origine algérienne, Il travaillait comme laveur de carreaux, passant ses journée à effacer des traces sur les...
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    Pour l'état civil, Anna est née de père inconnu. Pourtant, ce père, elle l'a bien connu. Il menait une double vie, avec deux familles, l'officielle ignorant l'existence de l'autre.
    D'origine algérienne, Il travaillait comme laveur de carreaux, passant ses journée à effacer des traces sur les vitrines des commerces de l'avenue de verre, la principale rue commerçante de Tours.
    Après sa mort, Anna cherche à reconstituer son passé, qu'il a peut-être cherché à effacer comme des taches sur une vitre...

    Ce roman est une quête de soi, de son passé et de ses origines, qui ne laisse guère de doute sur son caractère autobiographique. Il est donc constitué d'une succession d'images, plus ou moins effacées, d'impressions et de réflexions. N'y cherchez pas une véritable enquête, avec des découvertes et de l'action ; vous seriez déçu.
    Le personnage d'Anna est sympathique. L'autrice parvient à nous faire partager ses questionnements, ses doutes... Le père a un nom, qu'il n'a pas voulu transmettre à ses enfants pour les protéger du racisme. Sauf erreur, il n'a pas de prénom, ce qui contribue à le tenir à distance, dans un flou volontairement recherché.
    Le roman est écrit à la troisième personne : la narratrice décrit ce que vit, pense ou ressent Anna. Ce choix de l'autrice m'a gêné. On comprend vite que le roman est d'inspiration autobiographique, mais il est rédigé comme si Clara Breteau refusait de s'impliquer, voulait rester observatrice. Je pense que l'utilisation du "je" plutôt que du "elle" aurait donner plus de force à l'ouvrage.

    Merci à Babelio et aux éditions du Seuil de m'avoir permis de découvrir ce roman et son autrice.

    Chronique illustrée : http://michelgiraud.unblog.fr/2025/01/09/lavenue-de-verre-de-clara-breteau-au-editions-du-seuil-a-la-recherche-de-son-histoire-familiale/

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    Couverture du livre « L'avenue de verre » de Clara Breteau aux éditions Seuil

    Regine Zephirine sur L'avenue de verre de Clara Breteau

    « Anna ne sait pas grand-chose de son père » Ainsi débute ce roman autofictionnel.
    Née de père inconnu, Anna essaie de redonner vie à ce père intermittent qu’elle ne rencontre que quelques soirs par semaine.

    « Anna se demande comment son cerveau d’enfant modelait les absences, les...
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    « Anna ne sait pas grand-chose de son père » Ainsi débute ce roman autofictionnel.
    Née de père inconnu, Anna essaie de redonner vie à ce père intermittent qu’elle ne rencontre que quelques soirs par semaine.

    « Anna se demande comment son cerveau d’enfant modelait les absences, les installait bien solides, comme des rocs dans le paysage. »

    Ce père avait quitté l’Algérie en 1962 pour la France où il était devenu laveur de carreaux. Tous les commerçants connaissaient sous son surnom de Johnny le laveur de carreaux toujours souriant qui aimait le rockeur.
    En grandissant, Anna découvre tous ces mystères derrière sa filiation. Ce père dont elle ne porte pas le nom, quelle vie menait-il lorsqu’il n’était pas avec elle et son frère ? De ses origines algériennes, il ne dit rien ou si peu, évoque à peine un père mort jeune. De l’Algérie, le pays des origines laissé de l’autre côté de la mer., elle n’en saura pas davantage.

    « En lui disant constamment que ce pays était dangereux, en repoussant sa découverte à des lointains radieux, son père l’avait tenu sous le coup d’une malédiction. Ce qu’il en avait dit devant Anna bloquait, comme un sésame, le port de l’Algérie. »

    Elle part à la recherche de la vérité. C’est comme une enquête, remonter à la source, chercher les témoignages des collègues, des amis de son père, pour comprendre.
    L’avenue de verre, avec ses vitrines qui se font face et qui reflètent la vie, symbolise ce père secret et taiseux. Il vivait pourtant dans les reflets faussement scintillants de ces vitrines qu’il nettoyait à longueur de journée, à longueur d’année. Il effaçait les traces, rendant translucide les vitrines. Combien de ces émigrés, déracinés, qui tentent d’effacer leurs vies antérieures ?

    « Être laveur de carreaux, c’était fabriquer de la transparence, comme d’autres fabriquent du pain ».

    En opacifiant ces surfaces lisses pour les nettoyer, le père d’Anna opacifiait sa propre histoire familiale étroitement liée à l’histoire coloniale et à ses drames.
    C’est avec beaucoup de sensibilité et de retenue que la narratrice tisse les fils de sa propre vie avec celle de cette partie de sa famille qu’elle ne connait pas.
    L’écriture, déliée et subtile, retrace avec émotion et pudeur les transparences comme les ombres, nombreuses, de cette histoire familiale enfouie. Et le père, le laveur de carreaux, est le passeur malgré lui de cette renaissance d’une histoire confisquée.
    Derrière Anna, on devine l’auteure et un fragment de son histoire qui touche à l’intime. Une autofiction sensible et un premier roman superbe !

    Je remercie Les éditions Le Seuil et Babelio pour cette lecture

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    Couverture du livre « L'avenue de verre » de Clara Breteau aux éditions Seuil

    yves MONTMARTIN sur L'avenue de verre de Clara Breteau

    Son père est couché, amaigri de trente kilos, la peau jaunâtre, le ventre distendu. Il s’abandonne lentement à l’appel de son pays. Anna connaît peu de choses de lui. Pour lutter contre ce silence, elle collecte patiemment des souvenirs auprès de ses amis, ces hommes venus d’Algérie après la...
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    Son père est couché, amaigri de trente kilos, la peau jaunâtre, le ventre distendu. Il s’abandonne lentement à l’appel de son pays. Anna connaît peu de choses de lui. Pour lutter contre ce silence, elle collecte patiemment des souvenirs auprès de ses amis, ces hommes venus d’Algérie après la guerre, tout comme lui. Anna écrit, enseigne à l’université : questionner les êtres, retranscrire leurs histoires, c’est son métier.

    Elle cherche à retrouver ce père enfant, adolescent marqué par la guerre, découvrir ce qu’il a vu, ce qu’il a traversé. Laveur de carreaux, il n’a laissé derrière lui aucune trace, ni sur les vitres qu’il nettoie, ni dans sa propre vie. Il avait choisi de s’effacer, de devenir un homme sans visage, ne pas se faire remarquer, une ombre parmi les autres. Déchiré, il s’était dédoublé : deux foyers, deux femmes, deux existences parallèles. Il avait renoncé à léguer à Anna et à son frère son nom, sa maison, sa part de l’histoire.

    Un roman d’une infinie délicatesse, où affleurent, entre les lignes, les stigmates de la colonisation et de la guerre d’Algérie, l’asphyxie d’un peuple. Les harkis, l’humiliation, l’abandon par la France. Dans une construction subtile et fragmentée, Anna tente de renouer les fils, d’édifier des passerelles, de relier les deux moitiés de son être. Et puis il y a ces reflets, fugitifs, dans les vitres : comme les deux visages de ses origines.

    Merci aux éditions du Seuil de leur confiance.

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