"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Roodhaven est un petit village de baleiniers, enfin était, car depuis le naufrage du Golden Licorne, les quelques rescapés imbibés d'alcool nourrissent au bar du coin, une rancœur contre la baleine géante qui a coulé le navire, quelques années auparavant. 1930, sur la plage du village, s'échoue un crabe méduse gigantesque qui semble avoir en lui une partie du Golden Licorne. Et à l'intérieur... Aquarica ... John Greyford, un scientifique, est envoyé sur les lieux pour percer le mystère. Sur place, la colère gronde, les rescapés veulent en découdre et tuer, enfin, cette baleine... D'où vient cet animal mystérieux ? Quel est le secret d'Aquarica ?
Il faut parfois aller au delà de son a priori... C'est en substance ce que cette lecture m'a appris. L'a priori, c'est celui de la première couverture de ce diptyque, qui ne me disait franchement pas grand chose. Mais à l'arrivée du second tome, je me suis lancé et grand bien m'en fasse. Cette histoire, qui n'était pas à l'origine écrite pour la bd, est une aventure, une fable et un hommage. Une aventure des mers, des océans et des animaux qui les peuplent, à la croisée des chemins entre "Vingt Mille Lieues sous les mers" et "Moby Dick". Une fable écologique ensuite, sur les animaux en voie d'extinction. Et pour finir, un hommage à Benoît Sokal (parti trop tôt à cause d'un crabe) par son ami de toujours François Schuiten. Le second a terminé seul, là où ils avaient commencé à deux...
Une lecture qui mérite le détour. N'hésitez pas à vous laisser porter par les courants marins, pour rejoindre Aquarica, John Greyford et les baleines géantes... Vous ne le regretterez pas.
Ce tome 2 conclut un diptyque débuté en 2017. Cette belle couv cache un album onirique et sensible, empli d’une double émotion.
D’abord une émotion liée à ses auteurs. Benoit Sokal n’a pas eu le temps de finir les dessins de ce tome final, emporté par le crabe, il a passé la main à son compère et ami François Schuiten.12 pages pour conclure cette histoire et graver une amitié indéfectible comme le rappelle le sublime cahier graphique qui clôt le livre.
Ensuite une émotion liée au récit. Difficile à raconter… Aquarica ramène le professeur Greyford et le lieutenant O’Bryan dans son monde. Un univers et un peuple vivant à dos de baleine géante. Un écosystème fragile, en danger, métaphore de notre planète…
Le dessin est sublime, qu’il soit signé Sokal ou Schuiten, et on termine cet album le cœur lourd, touché par un flot d’émotions contenues.
Un très beau récit qu’il faut appréhender dans sa globalité, un diptyque à lire et à savourer.
Un village solitaire dans la plaine, sous une pluie battante voit un chien errant revenir de là-bas, de la ville au loin. A peine arrivé, Fernand se frotte à un canard en imper mastic, jeté à la rue d’un coup de pied au cul. Oui, voilà Canardo, le héros fatigué et (déjà) désabusé, de cette série de Benoît Sokal. Oui, il y a bien un meurtre, celui de Gilberte, l’ex de Fernand. Oui, il y a l’ennemi de toujours, Kartler le bouledogue. Et tout cela pue la rancune, la sueur, la testostérone, la bêtise et le fatalisme. En effet, un pauvre type tombe toujours amoureux d’une pauvre fille, et rien n’y fera pour que cela change, ni l’alcool, ni la came, ni le sexe, ni même le meurtre. Mais le plus étonnant est de voir surgir dans cet univers animalier entièrement anthropomorphique (une sorte d’univers à la Disney, mais complètement perverti), un véritable humain encore plus à la masse que les « charmantes» bêbêtes qui l’entourent. Si bien que le retour à l’animalité est très sérieusement envisagé par certains protagonistes afin de ne plus être comme les humains, ne plus être des monstres.
Cette première aventure avec son lot de non-sens (page 44, un coup de maître), d’auto-dérision et de maladresses laissait pressentir tout ce qui sera le sel et la saveur amère des aventures suivantes. Et pourtant, je relis toujours cet album avec tendresse, car il est lié à mon premier cours de philosophie à l’Université Libre de Bruxelles ; je l’avais emporté pour pallier à une séance ex cathedra ennuyeuse à mourir mais je ne l’ai lu que dans le train du retour.
En collaboration avec Pascal Regnauld, Benoît Sokal nous offre, avec cette dix-septième aventure de Canardo, une véritable intrigue de polar, avec son serial killer, ses victimes pas si innocentes que cela et ses fausses pistes. Pour une fois, le détective Canardo enquête avec la police officielle, en alternance avec des filatures dans une histoire d’adultère. Il est toujours aussi désabusé, alcoolique et gagne-petit mais avec des principes moraux (plutôt élastiques, il est vrai). Mais, à la différence de l’inspecteur Colombo (dont il est une pâle copie, dans son vieil imper râpé), il lui faut un certain temps avant de comprendre qui est le coupable.
L’anthropomorphisme de cette bande dessinée (Canardo est un col-vert, Garenn, un lapin, les Dubonot, des chiens) est très éloigné de celui de Walt Disney car, ici, tous les bons sentiments ont été définitivement bannis de ce monde. Ce sont plutôt manipulation, chantage, prostitution, pornographie, corruption électorale et violence gratuite qui sont au rendez-vous pour un festival digne d’un roman glauque de … Georges Simenon. Personne pour racheter les autres, même pas Canardo. Malgré son inoxydable humour noir, il ne résiste pas aux tristes sirènes de la chair.
Bref, comme à son habitude, Sokal nous dépeint une société où règnent en maîtres le cynisme et le mépris. Rien de bien étrange à cela, l’intrigue a pour toile de fond la campagne de Dubonot, candidat à sa propre succession à la tête de la ville. Issu de la petite bourgeoisie, il a pour adversaire une écologiste qui dénonce toutes les malversations et les pratiques douteuses de l’ancien maire. Mais pour Sokal, visiblement, personne n’arrive à un tel niveau de pouvoir les mains propres et le scénariste renvoie dos à dos, les bourgeois et le peuple, les progressistes et les réactionnaires, la gauche et la droite. Et, au passage, il égratigne Nicolas Sarkozy (p.20) et tous les démagogues élevés au rang de seigneurs/saigneurs.
Une des dimensions les plus séduisantes de cet album est son découpage : avec des scènes de filatures, de voiture en pleine vitesse, de vues urbaines. Sinon, l’ensemble est d’une facture plutôt classique pour la série. Ce qui fait que je ne suis plus surpris par cet univers mais pas déçu pour autant.
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