Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Cette pièce de théâtre s’ouvre sur une scène familiale inquiétante. Betty, la fille du révérend Parris est en proie à une étrange fièvre. Après qu’elle a été aperçue dansant nue dans la forêt en compagnie d’autres jeunes filles, les rumeurs vont bon train. Or l’une de ses amies, Abigail, maitresse éconduite d’un fermier de la région, est à l’origine de ces rituels prohibés, qu’elle initie pour évincer l’épouse de son ex-amant.
L’affaire n’en reste pas à un simple règlement de compte de voisinage. Une folie collective s’empare de Salem et les accusations de sorcellerie sont portées devant la justice. Les méthodes d’investigation pourraient faire rire si elles ne menaient pas à la condamnation d’une trentaine de jeunes femmes.
Ecrite en 1953, La pièce semble évoquer une époque lointaine où l’ignorance et la crédulité faisait des ravages dans la population féminine, vite pointée du doigt soupçonnée de sorcellerie, à la moindre incartade ou originalité. Pourtant, Arthur Miller fait référence à ce qui se produit aux États-unis dans les années cinquante, alors que la chasse au communisme, aussi appelée chasse aux sorcières et dont il a été victime.
Quand la folie s’empare de la justice, le danger est universel et n’épargne personne.
256 pages Robert Laffont 18 Août 2022
Première parution en 1953
Traduction Marcel Aymé
« Présence » est aussi le titre de l’une des 6 nouvelles du livre. Derrière l’énergie des protagonistes pour tenter de (re)trouver les illusions perdues (et ça commence dès l’adolescence avec « Bouledogue »), l’écrivain brosse les états d’âmes désabusés. Le désir érotique traverse ces nouvelles, la déliquescence du couple aussi, les souvenirs après la mort du conjoint ainsi que la corruption politique qui empêche les individus de vivre (mais pas de rêver rendant la réalité plus dure encore). L’écriture est belle, aucun jugement ni regret, et les conclusions laissent le champ aux possibles (si on est optimiste).
« Bouledogue » est l’histoire d’un adolescent laissé à lui-même dans une famille qui ne donne pas envie d’en faire partie. Il part chercher un chien sans grande conviction, il revient avec le goût de sa première expérience sexuelle et tout le charivari de savoir comment faire pour y goûter de nouveau en étant déjà convaincu que c’est fichu.
« La représentation » évoque le racisme (et l’eugénisme) et la gouvernance par des gens instruits et pourtant médiocres. Harold, artiste de claquettes juif américain, et sa troupe font le tour de l’Europe bon an mal an jusqu’à être repéré par un homme assertif, éloquent et bien mis sur lui : ils sont attendus à Berlin pour une seule représentation en cercle privé pour quelqu’un d’extraordinaire. Ce sont les prémices de l’entrée en guerre d’Hitler et sa campagne d’extermination de certains profils a déjà commencé. On rêve avec Harold, on sent tout l’avenir merveilleux proposé : un salaire mirobolant, la construction de sa propre école, la déférence des puissants à son égard. Juif ? Cela n’arrange pas une SEULE personne alors tout le système se met en branle jusqu’au fou glaçant de médecin nazi qui le déclare parfaitement aryen. Refusant cela soudainement, il mène une vie sans projet, vivotant suite à son retour aux Etats-Unis. Miller n’introduit à aucun moment le regret, mais plutôt la désillusion.
« Castors » est peut-être une transposition anthropomorphique d’un couple de castors et des personnes qui viennent d’immigrer. C’est la peur dans la vie tranquille d'une société toujours en insécurité. C’est aussi le fait que cela apporte des changements et qu’une société peut perdre des choses (ici un étang et des bois). C’est métaphorique et cela nous interroge sur notre regard envers les autres et jusqu’où une société peut aller pour conserver son pré carré tel qu'elle ne conçoit.
« Le manuscrit primitif » narre les déboires d’un écrivain en panne d’inspiration, dont le couple bat de l’aile mais qui sauvegarde les apparences sociales. Le désir peut-il lui rendre sa créativité ? Le désir extérieur au couple peut-il être créatif ou destructif ? Ecrire l’histoire de la rencontre de son couple sur le corps d’une belle inconnue, coucher avec elle cette fois-là, et la tentation de retourner au désir pour écrire est-il possible ? Est-ce réaliste ou une illusion ?
« La distillerie de térébenthine » rejoint la thématique de « la représentation » : les rêves fous des uns, les engagements politiques et sociaux des autres, la corruption généralisée (ici à Haïti), les énergies dépensées pour le quotidien, une forme d’entraide gratuite mais incompréhensible. Tout va fonctionner et échouer en même temps. Quand le gouvernement n’est pas stable ni probe, quelle place reste-t-il pour développer ses espoirs ?
« Présence » aborde frontalement le désir quand le couple n’en contient plus. L’homme aussi peut s’éteindre mais il semble pourtant ne pas pouvoir s’en passer. Où aller le (re)chercher ? Est-ce que convoquer le désir à l’extérieur du couple pour la rallumer à l’intérieur ?
C'est une histoire à la fois tragique et qui reflète l'état d'esprit et l'obscurantisme d'une époque qui est capable de condamner à mort une femme pour rien.
Aujourd'hui et ici, comme cela nous semble loin (non pas si lointain, on assassine encore dans le monde des femmes sous prétexte qu'elles pensent!).
Dans la ville de Salem, on peut encore visiter les lieux qui ont été le théâtre de cette sombre histoire… C'est à faire froid dans le dos !
1692, la petite ville de Salem fait sa « chasse aux sorcières », de nombreuses personnes furent condamnées puis exécutées...
Comment la jeune Abigaïl, en arriva à accuser de sorcellerie les femmes de sa colonie? À une époque où on ne pardonnait déjà pas aux femmes d'être différentes ou même de lire trop de livres…
Hystérie collective, vengeance, crise de puritanisme aigu?
L'oeuvre d'Arthur Miller revisite le mythe et s'attaque aux réponses : c'est une pièce de théâtre haletante, pages après pages les femmes tombent et un sentiment de malaise ignoble se dégagent de la scène. « Cette oeuvre illustre de façon magistrale comment peut être franchie - à toute époque - la frontière entre raison et folie, justice et fanatisme. »
Miller en fît une allégorie du Maccarthysme dont il fût lui-même victime.
Marcel Aymé s'occupa de la traduction et de l'adaptation de la pièce (mise en scène en 1955 par Raymond Rouleau avec Montand, Signoret, Mondy...).
En 1996, Miller adapta la pièce au cinéma et reçu un oscar !
Je suis tombée par hasard sur une belle édition vintage (1961) des Misfits d’Arthur Miller dans une boite à livres. Sitôt trouvée, sitôt lue.
Je n’avais qu’un souvenir vague du film, je me demandais si je l’avais vraiment vu en entier mais il aura suffi de quelques pages pour que la pellicule se mette à défiler devant mes yeux.
1950 – Nevada – Reno, capitale du jeu et du divorce.
Roslyn va unir sa solitude de fraiche divorcée à celles d’un cow-boy vieillissant, d’un mécano paumé et d’un cavalier de rodéo usé par le temps. Un quatuor de personnages inadaptés, seuls dans un monde où ils ne trouvent plus leur place, tel les « misfits » , ces mustangs sauvages que l’on tue dorénavant pour en faire de la chair à pâtée pour chiens. C'est la fin d'une ère, celle du mythe du cow-boy libre dans la nature, du grand ouest américain et les idéalistes se heurtent à leur soif d’absolu, ils doivent rentrer dans le rang, accepter de rejoindre la nouvelle société qui se dessine.
L’écriture est rapide, au présent, entre roman et script, laissant beaucoup de place aux descriptions. La préface prévient le lecteur. Ce procédé est insolite mais le roman était dès le départ destiné à devenir un film. Le rôle de Roslyn a été écrit spécialement pour Marylin, dans ce qui sera son dernier film achevé. Ce sera également le dernier film de Clark Gable qui mourra quelques jours après la fin du tournage.
J’ai été frappée par la densité de ce roman malgré cette écriture si peu littéraire. Sans en avoir l’air, ça dégouline de désespoir. C’est d’une force que je ne soupçonnais absolument pas et dont je n’avais pas souvenir. Miller à inventer des personnages sublimes. Ils portent en eux-mêmes des contradictions qui sont symboliquement celles de la société américaine de l’époque.
Ces 4 solitudes qui s’additionnent découvrent que la liberté a un prix, que le cœur a ses règles… et moi ils m’ont chamboulée.
Traduit par René Masson
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