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J'ai enfin lu Alice Munro !
Et ça a immédiatement matché entre nous ! À tel point que j'ai couru à la librairie Arthaud pour acheter 2 autres recueils d'elle alors que je n'avais lu que les premières pages de la première nouvelle.
Alice Munro est vraiment une nouvelliste de génie (selon Wikipedia, elle n'a écrit qu'un seul roman) ! Elle arrive à instiller du suspens dans chacune de ses nouvelles alors que les personnages (sauf peut-être dans le premier texte de ce recueil) ne font rien d'exceptionnel.
Chacune des nouvelles de "Trop de bonheur" a la force d'un roman et Alice Munro manie l'art de la phrase juste qui fait mouche ! Par exemple, dans la première nouvelle, "Dimensions", elle décrit le mécanisme d'une relation toxique en une économie de phrases qui en disent bien plus long qu'un discours :
P21-22 : Après quoi elle fit plus attention à ce qu'elle disait. Elle vit qu'il y avait des choses auxquelles elle était habituée qu'une autre personne pouvait ne pas comprendre.
P23 : Cela empira peu à peu. Pas d'interdiction directe, mais un surcroît de critiques.
Voilà ! Alice Munro dit en quatre phrases ce qu'une personne victime de manipulation arrive difficilement à exprimer.
En plus, Aline Munro est très drôle quand elle fait preuve de dérision envers elle-même... comme dans la nouvelle intitulée "Fiction" :
P69-70 : Un recueil de nouvelles. Pas un roman. Voilà qui est déjà une déception. L'autorité du livre en paraît diminuée ; cela fait passer l'auteur pour quelqu'un qui s'attarde à l'entrée de la littérature, au lieu d'être assurément installé à l'intérieur.
À croire qu'elle lit dans nos pensées françaises ! MDR
Certains fâcheux disent qu'Alice Munro a eu le Nobel parce que l'académie suédoise ne voulait pas le donner à Philip Roth... Et bien je ne suis pas d'accord !
J'adore Philip Roth pourtant je me sens peu concernée par ses histoires mais il me fait découvrir un monde que je ne connais pas.
En revanche, ce n'est pas le cas des nouvelles d'Alice Munro. Elle parle de choses de tous les jours qui font surgir des impressions de souvenirs, un peu comme la madeleine de Proust ! Ce sont des histoires universelles dans lesquelles la plupart des lecteurs.trices peuvent s'identifier.
Plus jeune, je ne n'aurais certainement pas apprécié les nouvelles d'Alice Munro mais aujourd'hui c'est un de mes plus gros coup de cœur de lectrice !
"Trop de bonheur" d'Alice Munro
Traduit par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso
Éditions de l'Olivier (Bibliothèque de l'Olivier)
Cette quinzaine de nouvelles se déroulent dans la campagne de l’Ontario, au Canada, dans les années quarante. Centrés sur des personnages féminins, très souvent une narratrice qui se remémore ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, les récits ont un net parfum autobiographique. Les protagonistes en sont des gens ordinaires, pris dans un quotidien plutôt morne où il ne se passe guère d’évènements notables. Plus qu’à l’action, l’auteur s’attache à l’étude psychologique de ses personnages, à leurs rêves et désillusions, à leurs mesquineries et regrets. Dans ces vies insignifiantes, les cruautés du destin paraissent d’autant plus dures qu’elles demeurent invisibles et discrètes, ne provoquant que des ravages intimes et souterrains.
Chaque nouvelle est extrêmement bien construite et réussit en quelques traits d’une parfaite précision à restituer l’univers et la complexité de personnages plus vrais que nature. Toutes ne m’ont pas passionnée, mais leur ensemble m’a laissé une impression douce-amère de tristesse nostalgique, celle qui vous étreint en feuilletant un vieil album photo empli de personnes inconnues et disparues. La vie y apparaît fragile et fugace, si ce n’est dérisoire, dans un monde indifférent qui ne garde aucune trace des états d’âme et des émotions qui ont pourtant empli toute l’existence de ces êtres oubliés. La leçon à en tirer semble en être la nécessité de parvenir à être soi pour vivre pleinement, et pour cela de refuser d’abdiquer et de se soumettre à une pression sociale et familiale, débilitante et absurde, pour les femmes de cette époque.
Avec ce premier recueil paru quarante-cinq ans avant son obtention du Prix Nobel de Littérature, Alice Munro montre d’emblée un indéniable talent : celui de savoir déceler la subtilité derrière la plus apparente simplicité.
Nouvelles d'une grande auteure de nouvelles! Ecriture et construction subtiles, ma préférée, "Fiction" est on ne peut plus délectable quand on s'intéresse un tant soit peu à l'écriture de... fiction.
roman mi autobiographie de la famille de l'auteur, depuis le départ d'Ecosse jusqu'au Canada. Il est en grande partie inventé, mais décrivant sa famille de façon parfois très détachée. C'est le seul roman de l'auteur et j'avoue préférer ses nouvelles. Néanmoins il faut le lire comme un témoignage de ce qui fait les racines d'une personne.
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