"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans Mokhtar et le figuier, roman, court, sobre, tout en délicatesse, Abdelkader Djemaï raconte l’histoire d’un enfant, Mokhtar, qui grandit dans l’Algérie des années 1950, nous suggérant et nous laissant entrevoir les signes annonciateurs de la guerre, jusqu’à l’indépendance en 1962.
L’enfant passe ses premières années dans une modeste maison auprès de ses parents et grands-parents dans un petit village, un douar. Il décrit cette vieille bâtisse, son puits, le four en boue séchée dans la courette, près du figuier. Ce figuier aux deux récoltes annuelles, sous lequel son grand-père Kouider fait la sieste et que sa grand-mère Aïchouche lui a présenté un matin comme un membre de la famille, pour sa bonté et sa générosité.
Lassé de louer çà et là ses bras, le père de Mokhtar décide de quitter le douar des Ouled Ahmed. C’est dans une charrette tirée par un mulet que Mokhtar et ses parents prennent donc la direction de la grande ville pour s’installer dans une pièce louée dans un haouch.
Toujours très observateur, le jeune garçon s’habitue rapidement à son nouvel environnement et sera le premier enfant de sa lignée à franchir le portail d’une école, découvrant alors, outre la mer, le cinéma ou le hammam, la lecture et l’écriture.
Un après-midi, alors que Mokhtar est dans ses cahiers, sa mère prend son stylo et aligne dans la paume de l’enfant les huit lettres de leur patronyme : un pacte silencieux venait d’être signé, celui d’y ajouter d’autres lettres, d’autres mots, d’autres phrases…
À hauteur d’enfant, Abdelkader Djemaï nous restitue l'Algérie à la veille de l'indépendance.
Il décrit le quotidien, l’extrême simplicité et sobriété de cette vie à la campagne avec ses fêtes et moult images odorantes. Très simplement et avec habileté, il fait cohabiter des scènes de vie très sombres, comme les hivers où les paysans doivent affronter la boue et le vent dans des conditions plus que difficiles avec d’autres très lumineuses comme celle où l’on découvre les remèdes utilisés par Aïchouche pour soigner la famille et le secret confié à Mokhtar…
À la vie rude, dure de ces fellahs qui doivent courber l’échine pour survivre, il brosse en parallèle le portrait de Manhès, le puissant propriétaire alsacien du domaine, qui en loge et en fait travailler une soixantaine sur les centaines d’hectares qui avaient appartenu à leurs aïeux avant la colonisation, qui parade, juché sur son pur-sang et qui reçoit régulièrement les notables de la région. Une colère sourde latente qui ne tardera pas à s’exprimer…
En ville, les habitants du quartier et les locataires du haouch ne trouvent pas vraiment leur place et restent entre eux quand ils ne sont pas sur leurs lieux de travail.
En plus d’un quotidien difficile, le renforcement des barrages sur les routes par l’armée, le bourdonnement des hélicoptères et la danse des convois militaires...
Sans trop savoir, sans trop comprendre, Mokhtar entend parler du maquis, des commentaires sur « La voix libre de l’Algérie libre et combattante », une émission que le FLN émettait en soirée, depuis la capitale égyptienne…
C’est à travers des images, des odeurs, des sons, des souvenirs, que sont évoquées, et le plus souvent seulement suggérées, ces années allant des prémices de la guerre jusqu’à l’indépendance. Une concentration de sensations dans un récit d’une extrême concision.
Inoubliable figuier, figure centrale du roman, personnage à part entière, dont Mokhtar imagine les racines courant sous la terre et se perdant dans son grand ventre, et ses branches pareilles à de longs bras aux coudes noueux et à la peau légèrement grise et devant sans doute toucher le ciel. Quelque peu effrayant pour le jeune enfant, mais rassurant par la saveur de ses délicieuses figues violettes !
Cet arbre est le témoin et en quelque sorte le socle de la famille, le gardien des souvenirs enterrés à son pied.
En honorant le pacte silencieux, Abdelkader Djemaï nous offre sans jamais tomber dans le pathos un roman touchant, sensible, émouvant, délicieux et poétique à souhait où tout est dans le détail, l’attention au quotidien.
Mokhtar et le figuier se lit comme un conte dans lequel Mokhtar a survécu à la misère, au colonialisme, à la guerre et a appris à lire et à écrire, cette écriture qui le sauvera et nous enchantera.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/09/abdelkader-djemai-mokhtar-et-le-figuier.html
Déjà, parlons de la couverture qui est magnifique. Les couleurs, le graphisme, la superposition de ces figues que l’on s’imagine comme autant de petites madeleines de Proust. Et il y a en effet quelque chose de l’ordre du souvenir et de la nostalgie dans ce court roman d’une centaine de pages. Abdelkader Djemaï nous parle d’un enfant qui s’appelle Mokhtar et qui grandit dans l’Algérie des années 50. L’auteur est lui-même originaire d’Oran et est né en 1948. Je n’irai pas chercher plus loin des traces autobiographiques dans cette œuvre de fiction – même si les derniers paragraphes peuvent nous inciter à le faire –, mais j’ai été frappée, je dois le dire, par une impression très forte de sincérité. Dans une langue à la fois simple et poétique, le narrateur nous raconte l’enfance de Mokhtar à la campagne, évoque les coutumes familiales et se focalise sur l’infiniment petit et l’infiniment précieux : un chemin caillouteux, les lampes à pétrole, les osselets, les remèdes de sa mère Aïchouche et le figuier, bien sûr. Témoin imperturbable des événements, abritant sous sa terre les souvenirs sacrés de la famille, il est le symbole d’un enracinement profond qui perdurera même quand Mokhtar et les siens partiront pour la grande ville. Vraiment, c’est un roman très touchant que je suis contente d’avoir lu.
’est le genre de livre que l’on a envie de serrer fort sur son cœur. Voilà exactement ce que je me suis dit (et ce que j’ai fait) en terminant l’histoire de Mokhar. Une sensation difficile à expliquer mais sans doute liée à la candeur et la pureté qui se dégagent de ce texte.
A l'aube de l’indépendance algérienne, Mokhar quitte le douar où il est né, quitte ses grands-parents et quitte son figuier pour la ville. Ce figuier c’est l’arbre ancestral. Celui qui veille sur la famille. Celui où sont enterrés son placenta et son prépuce. Autour de cet arbre, il y a le désert, la misère et il y a surtout la fraternité du hameau.
La ville c’est une nouvelle vie, un immeuble, une école, des cinémas. Et la guerre bien plus proche…
La mémoire familiale et la mémoire de l’Algérie se mélangent à travers les yeux de ce gamin. Il ne se passe rien et il se passe tout. La banalité de deux styles de vie raconté d’une plume sans artifice mais où il ne manque aucun détail, aucune profondeur. On est au cœur de l’intime. C’est doux comme la nostalgie de l’enfance et dur comme les rapports entre l’Algérie et la France. C’est surtout d’une émouvante justesse.
Abdelkader Djemaï est un écrivain algérien réputé que je viens pourtant seulement de découvrir à travers ce court roman.
Un roman dont la lecture est apaisante et qui m’a changée après tous ces romans de la rentrée littéraire parlant de sujets graves.
Mokhtar est un jeune garçon dans les années 1950. Il vit en Algérie dans un petit village avec ses parents et grands-parents. Près de la cour où les femmes cuisinent pousse un figuier à l’ombre duquel son grand-père fait la sieste.
» Puis il leva la tête vers l’intérieur de l’arbre rempli d’ombres, de légers frémissements et de murmures indéfinissables. Il ressemblait à une sorte de puits végétal plein de fraîcheur où la lumière, comme une pluie fine et douce, tombait à travers les rameaux pareils à de longs bras aux coudes noueux et à la peau légèrement grise. »
Mais un jour Mokhtar devra quitter ce paisible village pour la ville où son père louera ses bras contre du travail.
Au fil des pages, il nous raconte l’école qu’il est le premier de sa famille à fréquenter, l’apprentissage de la lecture et la découverte du cinéma avec son père le dimanche après-midi, les prémices de la guerre.
Après l’indépendance, devenu adulte, il retournera dans le douar de son enfance, retrouvant son figuier.
» Sous son ombre verte, il repensa tout à coup à cette histoire du parachute et des enfants qui allaient voyager autour de la terre. (…) Il avait alors, comme les oiseaux et les insectes qui l’entouraient depuis son enfance, commencé à cueillir des brindilles de mots, des graines d’images et des grains de sons d’une langue qui n’était pas celle de sa mère. Une langue devenue son nid d’écriture. »
J’ai aimé l’écriture poétique d’Abdelkader Djemaï. Ce livre fut un excellent moment de lecture.
Je remercie Babelio, Masse Critique et les Editions Le Pommier pour cette belle découverte.
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