Sa réception en France a connu des périodes difficiles – trop grande proximité linguistique ou au contraire exotisme mal identifié ?
Toujours est-il que la littérature du Québec a longtemps souffert d’un manque d’attrait pour les lecteurs français. Depuis la fin des années 1990, un regain d’intérêt a permis à quelques-unes de ses meilleures plumes de traverser l’Atlantique. Avec leurs ciels immenses de nord-américains, leurs hivers aux froids sibériens, les hauts buildings de leurs centres villes et leur sensibilité toujours très vive sur la question de la langue française dont ils assurent, seuls, la permanence dans un immense continent anglophone, place aux écrivains québécois avec 9 romans qui font partie des incontournables de cette littérature encore largement à découvrir.
Catherine Pont-Humbert
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Que faut-il retenir de la littérature québécoise ?
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Kamouraska de Anne Hebert
Inspiré d’un fait divers qui se déroula en 1839, Kamouraska raconte la folle passion qui unit Elisabeth d’Aulnière et le Dr Georges Nelson dans une petite ville le long du fleuve Saint-Laurent. Achille Taché, le seigneur de Kamouraska, mari d’Elizabeth, est assassiné par le Dr Nelson. Raconté par bribes, au hasard des souvenirs d’Elisabeth qui se bousculent et se confondent dans le chaos de ses cauchemars et hallucinations, ce roman d’amour, de neige et de fureur, est une splendide mise en scène de la violence des sentiments qu’Anne Hébert maîtrise parfaitement dans une langue sublime. C’est un des grands classiques de la littérature québécoise.
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Une saison dans la vie d'Emmanuel de Marie-Claire Blais
Prix Médicis 1966, cette saison est celle d’Emmanuel, le dernier-né d'une famille québécoise de 16 enfants du début du XXè siècle. Elevé par une grand-mère toute puissante, Emmanuel voit évoluer autour de lui ses parents éreintés et abrutis par le travail de la terre et ses nombreux frères et sœurs, notamment Jean le Maigre, un surdoué, et le Septième qui s'adonnent à la boisson et à la masturbation, et Héloïse, sa sœur en proie à des crises de mysticisme… Homosexualité, inceste, pédophilie, décadence du clergé et de la société traditionnelle font de ce roman réaliste une dénonciation magistrale de la «Grande Noirceur» qui régna longtemps sur un pays dominé par un clergé omniprésent.
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L'avalée des avales de Réjean Ducharme
Mort en 2017, Rejean Ducharme s’est résolument tenu à l’écart de toute apparition publique, une absence de contact avec le monde extérieur qui a nourri un véritable mythe. Un écrivain n’existant que par son œuvre, il faut lire ce roman culte dont le titre en forme de jeu de mot en dit long sur le rapport de l’écrivain avec le langage. "Tout m'avale... Je suis avalée par le fleuve trop grand, par le ciel trop haut, par les fleurs trop fragiles, par les papillons trop craintifs, par le visage trop beau de ma mère." dit Bérénice Einberg, l’héroïne de 11 ans. Révoltée, anticonformiste, elle rejette le monde des adultes, l’ordre des choses et les valeurs traditionnelles et rend compte de sa relation conflictuelle avec ses parents et de son amour simulé pour son frère. Paru en 1966, ce premier roman de Ducharme est porté par une langue poétique magnifique. Réjean Ducharme "me semble vraiment un des très rares écrivains actuels ayant quelque chose à dire, et la volonté de le dire jusqu’au bout", écrivait JMG Le Clézio en 1968.
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Volkswagen blues de Jacques Poulin
Volkswagen Blues est un road novel où l’on peut croiser quelques fantômes des Clochards célestes. A la recherche de son frère Théo dont il est sans nouvelles depuis plusieurs années, Jack, écrivain, part de Gaspé, au Québec, au volant de son vieux minibus. Son voyage, en compagnie d’une jeune métisse surnommée la Grande Sauterelle, le conduira à travers l’Amérique profonde jusqu’à San Francisco.
Avec Volkswagen Blues, on voit se perpétuer l’un des grands motifs de l’imaginaire québécois : celui de l’aventure, des grands espaces et des découvertes dont l’emblème est Jack Kerouac. Jacques Poulin a été l’un des premiers à ouvrir la voie des regards portés vers les États-Unis, montrant à la littérature québécoise le chemin d’une américanité acceptée. -
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La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaetan Soucy
Plus proche du mythe et du conte que du roman à proprement parler, ce récit impossible à résumer, à la fois désopilant et grandiose, plein de surprises et d'enchantements, est porté par une langue éclatante. L'intrigue s'amorce sur la mort d’un père trouvé pendu, évènement qui perturbe l'existence de ses deux enfants que le défunt a maintenus jusque-là totalement isolés du monde, se contentant de leur dispenser un enseignement qu'il puisait essentiellement dans les livres saints. Ils doivent désormais apprendre à composer avec les autres, qu'ils appellent leurs « semblables » et avec le village tout entier, eux qui ont été́ condamnés à vivre loin de toute civilisation. D'une grande portée symbolique et métaphorique ce roman de Gaétan Soucy occupe une place aussi unique qu'incontestable.
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La ballade d'Ali Baba de Catherine Mavrikakis
La Ballade d’Ali Baba est un hommage ébouriffant au père disparu, un père fantasque et séducteur, qui usa la patience de sa femme, et que sa fille, la narratrice, Erina, ne revit que sporadiquement après le divorce de ses parents. Le roman traverse les Etats-Unis en direction de l’enfance et de Key West où Vassili Papadopoulos conduit ses filles dans sa Buick Wildcat turquoise afin de saluer la naissance de l’année 1969. Plusieurs années après, devenue spécialiste de Shakespeare, c’est à peine si Erina s’étonne de retrouver son père, vieillard frêle et vêtu d’un léger pardessus, dans les rues de Montréal balayées par une tempête de neige, alors qu’il est mort neuf mois plus tôt… Sans avoir rien perdu de son aplomb, il lui explique doctement que son apparition lui permettra de comprendre enfin Hamlet. Un roman qui tutoie les fantômes et se joue de la chronologie.
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Nikolski de Nicolas Dickner
À l’aube de la vingtaine, Noah, Joyce et le narrateur, libraire spécialisé dans le voyage et possesseur d’une vieille boussole déréglée dont il ne se sépare jamais, quittent leurs lieux de naissance respectifs pour entamer un long périple. Débarqués à Montréal, ils se croient seuls, pourtant leurs chemins ne cessent de se croiser, laissant entrevoir une incontrôlable symétrie entre leurs existences. Parsemées d’erreurs de parcours, d’amours défectueuses, d’arbres généalogiques tordus, les destinées de ces trois personnages s’entremêlent tandis que surgissent au gré de leurs aventures des archéologues vidangeurs, des flibustiers, des serpents de mer, des grands thons rouges, des victimes du mal de terre, un scaphandrier analphabète, sans compter un mystérieux livre sans couverture… Un premier roman très remarqué et très original.
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Ce qu'il reste de moi de Monique Proulx
La ville de Montréal est le cœur battant de ce roman qui rassemble des juifs hassidiques en chemin vers la synagogue, un artiste qui donne une performance dans son atelier du quartier des spectacles et la foule rassemblée au centre Bell galvanisée par un but de l’équipe des «Canadiens ». De son regard généreux et attentif Monique Proulx embrasse la complexité du monde, avec une prédilection pour les plus faibles –les déséquilibrés, les itinérants, les exclus et les perdus. Tous ceux croisés dans ces pages n’ont rien en commun si ce n’est Montréal mais ils partagent une ferveur et une quête de transcendance entretenues, selon Monique Proulx, par un gisement mystique enfoui dans le sol montréalais. Un portrait de Montréal vibrant et singulier.
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Guyana de Elise Turcotte
De son écriture poétique, par petites touches délicates, superposant les non-dits, Elise Turcotte donne ici un roman sombre et inquiétant d’où surgit la lumière. Renouant avec la veine de son premier roman Le bruit des choses vivantes, elle raconte l’histoire d’Ana et de son fils, Philippe, bouleversés par la disparition de leur coiffeuse dont la mort a toutes les apparences d’un suicide. Philippe, demeuré inconsolé depuis la mort de son père, fait régner autour de lui, et contre le monde «ennemi», une propreté maniaque. Quant à Ana, obsédée par le décès de Kami, elle veut en apprendre d’avantage sur cette disparition. Au gré de son enquête, on apprend comment cette jeune guyanaise s’est trouvée impliquée malgré elle dans un commerce illicite. Un souvenir personnel d’Ana se réveille alors : celui du 18 novembre 1978, quand 914 membres de la secte du Temple du Peuple mouraient assassinés au Guyana. Le roman tisse des fils transparents entre les drames de la vie des uns et des autres, et le malheur d’une coiffeuse de Ville St-Laurent, où a pris racine une communauté guyanaise, devient celui d’Ana et de son fils Philippe. Un récit transparent où une histoire inspirée de faits réels prend la dimension des grands vertiges de la vie.
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Avez-vous déjà lu certains de ces auteurs, ou de ces titres ? Lequel avez-vous préféré ?
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