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Contenu du livre. Ce sont les frères Piccolo (un peintre et un poète, Casimiro et Lucio), amis intimes de la famille Lampedusa, qui ont laissé dans leurs papiers ces lettres imaginaires que l'auteur du Guépard leur a toutefois effectivement envoyées entre 1925 et 1930. Lampedusa (né en 1896 et mort en 1957) avait donc moins de trente ans. Ces textes facétieux et poétiques (signés le « Monstre ») révèlent de l'écrivain sicilien une facette inattendue, dans l'humour caustique, dans la verve. Moins inattendues sont son extrême érudition et sa curiosité. La grande découverte qu'apporte cette publication (le livre a paru en Italie en décembre 2006, c'est-à-dire près d'un demi-siècle après sa mort) est que Lampedusa n'est pas un écrivain de la maturité, mais que dès sa jeunesse, il avait une vocation littéraire profonde. On doit lire ces lettres comme un tableau de la Sicile, et de Palerme en particulier, à travers l'Europe : l'écrivain, en effet, feint d'être une sorte de Candide ou plutôt d'auteur des lettres persanes de Montesquieu qui décrit, pour des amis restés en Sicile, Londres, Paris, puis l'Allemagne, la Suisse et la Russie. Mais les références culturelles sont nombreuses : Proust qui vient de mourir, Dickens, Chesterton sont en quelque sorte les modèles plus ou moins conscients de cette série de portraits, situés dans le milieu des ambassades, mais aussi dans des milieux intellectuels ou populaires. La lecture très vivante annonce déjà le ton de certains passages du Guépard et l'on sent dans ces lettres un tempérament à la fois ironique et
désabusé et une grande poésie. La Sicile, on l'a souvent dit, est nourrie du xviiie siècle : aussi est-ce essentiellement aux écrivains anglais du « Grand Tour » que l'on pense. C'est également un document exceptionnel sur la période du début du fascisme et de celle qui annonce la montée du nazisme en Allemagne. Lampedusa était alors un aristocrate curieux, mais il était loin d'être antifasciste. Les comptes-rendus d'exposition ou les descriptions architecturales sont également très intéressantes : il ne s'agit jamais de simples analyses objectives, mais il y a, outre l'érudition, un esprit sarcastique, provoquant, avec d'innombrables plaisanteries et allusions à des personnages en vue (éclairées dans les notes) de la société palermitane.
En quelques mots. On sent combien Lampedusa s'est nourri de culture anglo-saxonne (Kipling, Wilde). C'est un livre qui aurait eu sa place naturelle dans la bibliothèque idéale de Borges, pour donner une idée générale de ce type d'ouvrage qui ne doit pas être lu comme une simple correspondance, mais plutôt comme une sorte de témoignage poétique et reconstruit, un peu aussi du type de la collection « Temps retrouvé » au Mercure.
L'auteur. Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896-1957) est l'auteur du Guépard.
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