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Il y a dans ce livre tout ce que je n'aime pas : un type (l'auteur) qui picole et raconte ses histoires de cul, beaucoup d'égotisme et de petites histoires qui tentent de rencontre la grande.
Pourtant... je me laisse avoir à chaque fois par Emmanuel Carrère. Son narrateur (que je distingue à dessein de l'auteur) est touchant par l'exposé même de ses (nombreux) défauts et travers. Sa fragilité ne cherche pas à se dissimuler et put atteindre le lecteur.
Et oui, finalement, ses petites histoires rejoignent la Grande Histoire.
Cela fait plusieurs années que je ne m'étais pas attardé sur un texte d'Emmanuel Carrère. Il faut avouer que je connais mieux l'auteur publiquement que textuellement. À vrai dire, je n'ai lu de lui que "La moustache", dont l'idée de départ m'avait séduit et "D'autres vies que la mienne", que j'avais trouvé proprement bouleversant.
"Un roman russe" est paru en 2007 et présente, tout comme ses œuvres suivantes, "Limonov", "Le royaume", les attributs d'un récit. Bien que le secret qui entoure la vie de son grand-père maternel serve de fil conducteur dans ce "Roman russe", il n'y a pas un seul récit, mais plusieurs imbriqués. Durant ces quelque 356 pages, l'auteur passe régulièrement de sa vie personnelle à sa vie professionnelle, mélangeant avec plus ou moins de bonheur l'apogée puis la déchéance d'un amour impossible, aux affres de la création et à un héritage familial lourd à porter.
Rythmé par les différents voyages en Russie, le récit séduit lorsqu'il évoque les doutes et les aspirations du créatif, notamment lors de la réalisation laborieuse du documentaire sur la vie à Kotelnitch, mais lasse lorsque l'auteur se fait trop introspectif dans sa relation avec Sophie. Dans ce besoin d'analyser sa vie sexuelle, l'auteur impose à son lecteur un changement de registre de langue brutal, quasiment animal, qui dessert, à mon sens, le propos du livre. Ainsi, l'espace accordé à la nouvelle érotique du Monde dans le récit est trop important de même que le recours immodéré au mot "bite" que certains pourraient trouver un peu trop récurrent à leur goût.
Si l'on comprend bien l'enjeu que la nouvelle représente dans la déchéance de leur relation amoureuse, ce coup de folie romantique est voué dès le départ à l'échec du fait du nombre de variables qu'il suppose. Celui-ci s'inscrit toutefois dans la continuité de cette auto-critique permanente, de cette distanciation un brin moqueuse de ce mode de vie privilégié et de ce regard condescendant envers les moeurs de sa compagne "prolétaire". Ces réflexes de classe sociale avec lesquels il entretient une relation paradoxale, mélange de honte et de fascination, nourrissent le récit tout en créant chez le lecteur un léger malaise.
Lorsque la dernière page se termine, "Un roman russe" donne l'impression que l'auteur vient de passer en notre compagnie plus de trois cent pages d'auto-analyses, qu'il a découvert des failles et des forces, des origines à ces dernières mais qu'il n'en sort pas transformé, seulement confirmé dans ce méandre inextricable qu'est son esprit. Certains pourraient trouver l'exercice trop égocentrique, mais il faut, me semble-t-il, regarder "Un roman russe" comme une étape nécessaire dans l'œuvre d'Emmanuel Carrère, un regard en arrière sur ce qu'il a déjà accompli – les nombreuses références à "La moustache" ou à "L'adversaire" – et sur ce qu'il construira par la suite. On trouve en effet dans ce récit quelques bases, des éléments, des ponts vers ce que seront quelques années plus tard "D'autres vies que la mienne" ou "Limonov".
Très bon
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