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Quand un flic dépressif s'invente un super-héros du nom de Suicide-Man pour traquer un sanguinaire serial killer amateur de jeunes filles, la traque s'annonce aussi infernale que baroque...
Le lieutenant Marco Benjamin vit la pire période de son existence.
Alors qu'il peine à se remettre d'un divorce douloureux, il est chargé d'enquêter sur un serial killer sanguinaire et barbare, assassin de jeunes filles. Quand l'une des victimes meurt dans les bras de Marco, il sombre dans une dépression profonde. Il s'invente alors un alter ego virtuel :
Suicide-Man, super-héros suicidaire qui, du fait de son invulnérabilité, connaît un sort tragique car il ne parvient jamais à mettre fin à sa vie.
En compagnie de ce double improbable, doté d'un solide sens de l'humour, Marco se lance sur la piste de l'impitoyable assassin tout en essayant au passage de recoller les morceaux de sa vie. Il fera ainsi la connaissance d'une superbe jeune femme qui saura lui remonter le moral, d'un énorme chien prénommé Simenon, et du gourou d'une secte qui se fait appeler Ismaël. Sceptique au départ, Marco doit admettre que les visions de l'illuminé trouvent un écho étrange dans la réalité, lui donnent des pistes pour retrouver le tueur et mettre fin alors au festin sanguinolent.
Un polar haletant, à l'univers baroque et détonnant.
J'avoue tout de suite un très gros coup de coeur pour ce polar, que j'aurais pu lire d'une seule traite si je l'avais commencé un peu plus tôt dans la journée, et qui représente une des découvertes que l'on fait un peu par hasard, en l'occurrence pour valider un item d'un challenge de lecture.
Alain Gagnol, dont je n'avais jamais lu ou entendu le nom, réalise dès les premières lignes une performance impressionnante, plaçant l'histoire sur un registre des plus sombres en détaillant ce qu'a subi une jeune femme victime d'un tueur en série particulièrement sadique, décrivant ensuite une première scène burlesque où les policiers reçoivent la bonne parole digne d'un film américain d'un psychologue spécialiste du profilage.
S'enchaînent alors sur un ton très humoristique des événements dont le lieutenant Marco Benjamin est toujours la pièce centrale. Il vit mal son divorce, son ex-femme l'ayant remplacé par un certain Julio, peintre de son état, ce qui nous vaut une deuxième scène d'anthologie dans l'atelier du barbouilleur. Il a également un sérieux problème avec les adolescentes, Chloé d'abord, sa fille de seize ans en pleine crise de maturité, Elsa ensuite, à peine plus âgée, qui trouve refuge auprès de lui après avoir fugué, et Jennifer, victime du tueur fou, qui ne quitte plus ses pensées. Cerise sur le gâteau, il croise la route d'un illuminé censé l'aider dans son enquête grâce à ses visions d'extralucide, fantasmant quant à lui, davantage sur celle, plus réelle, du petit short de l'assistante du gourou.
Marco fait tour à tour le désespoir de son commissaire de patron, d'un psy qui, ayant renoncé à avancer dans la thérapie de son patient, se trouve une passion pour les comics américains sur ses conseils, et la joie des membres de l'IGS qui se battent littéralement pour auditionner le lieutenant après l'un des ses multiples et déroutants faits d'armes.
L'humour est très présent, les dialogues incisifs et caustiques sont tout simplement époustouflants, et je ne me souviens pas avoir autant ri en lisant un polar dont l'intrigue est aussi noire. Car la traque du psychopathe n'est pas occultée pour autant par le côté déjanté du récit, et certains passages sont impressionnants d'intensité. Après un dernier acte où l'action atteint son point d'orgue, l'émotion est au rendez-vous pour clore un petit bijou que je ne peux que vous conseiller.
Autant prévenir tout de suite, il vaut mieux avoir l'estomac bien accroché pour résister à la description du cadavre de la quatrième victime, et ce, dès les premières pages. Mais, finalement, je ne sais pas par quel miracle l'auteur réussit l'exploit de faire passer cela assez aisément. Un peu comme ces gens qui savent raconter des blagues dégueulasses qui font rire tout le monde alors que si j'en raconte une à moitié moins sale, je vais me faire huer ! Sans doute, ce qui fait passer la cruauté, c'est l'humour -noir évidemment- présent dans ce bouquin. Certaines situations, très visualisables, sont irrésistibles, comme cette chevauchée de Marco dans un champ, poursuivi par une vache, voire même cette nuit où accoutré de son T-shirt de Superman -j'en ai un moi aussi, tout neuf, que j'arbore fièrement, mais je ne me sens pas l'âme d'un super héros, trop épuisant- il sauve une famille d'un détraqué. C'est ce que j'ai aimé dans ce roman, à la fois, une partie franchement glauque, terrible, des gens qui ne vont pas bien, tant le tueur, évidemment un grand malade que le flic, un peu dépressif voire beaucoup par moments, et tout cela est présenté avec une bonne dose d'humour, des situations décalées, des personnages loufoques. Ajoutons à cela une petite dose de paranormal, d'ésotérisme, bienvenue pour alléger encore le propos, une communauté post-hippie à l'hôtesse d'accueil charmante, une rivalité entre flics, et l'Inspection Générale des Services qui attend de Marco qu'il fasse les pires infractions au règlement, histoire d'entrer au Guinness autant lui qu'eux et de pouvoir dire : "je le connais, j'y étais !", ...
Lecture facile, texte très dialogué avec des réparties savoureuses, des situations très drôles, d'autres beaucoup moins, mais avec souvent un trait d'humour. Les chapitres sont courts, ça donne du rythme à un livre qui n'en manque déjà pas. L'écriture est efficace, à la fois glaçante mais avec toujours le mot ou les mots qu'il faut pour faire descendre la tension. En l'ouvrant, j'ai regardé comme je fais toujours, le nombre de pages, 354. Bon, quelques jours, je me suis dit. Tu parles Charles ! Une seule journée -bon d'accord un samedi peinard- et une longue soirée, jusque tard dans la nuit. Attention donc, risque de dépendance !
Ce formidable polar commence ainsi :
"La fille était morte quand elle a été violée. Et ça, c'était la bonne nouvelle. Quand l'information en provenance du bureau du médecin légiste s'est répandue dans les bureaux, les visages ont pris un air soulagé."(p. 11)
PS : Je découvre là en même temps, Le Passeur éditeur et Alain Gagnol qui n'en est pourtant pas à son premier roman, et qui multiplie les talents, figurez-vous qu'il est aussi le co-réalisateur d'un film d'animation que j'ai beaucoup apprécié -et que je vais sûrement revoir, ça m'a donné l'envie, il faut que je trouve le DVD-, Une vie de chat. Si vous hésitez, n'hésitez plus, lisez le roman et regardez le film !
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