#Explolectrice 2017
Le titre est tiré du chapitre 7 de La Promesse de l’Aube, l’autobiographie romancée de Romain Gary. Ce M. Piekielny est donc un personnage qui a réellement existé, si l’on en croit Gary – et, connaissant sa formidable capacité à fabuler, on peut tout de même en douter. Cet...
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#Explolectrice 2017
Le titre est tiré du chapitre 7 de La Promesse de l’Aube, l’autobiographie romancée de Romain Gary. Ce M. Piekielny est donc un personnage qui a réellement existé, si l’on en croit Gary – et, connaissant sa formidable capacité à fabuler, on peut tout de même en douter. Cet incertain Piekielny habite le même immeuble que le futur écrivain (alors enfant) et de sa mère, Mina Kacew. On se souvient du beau portrait que Gary fait de cette mère aimante, qui a une telle foi en son fils qu’elle lui prédit un grand avenir d’écrivain de musicien ou d’ambassadeur... Mina clame à qui veut l’entendre que son fils deviendra célèbre. M. Piekelny, lui, ne sourit pas et fait promettre au futur écrivain de citer son nom à tous les futurs « grands personnages » qu’il rencontrera, accréditant ainsi la prédiction de Mina. De ce M. Piekielny, il ne reste que le nom et le chapitre que lui consacre Gary, qui dit s’être toujours acquitté de sa promesse. On s’attendrait donc à ce que ce personnage soit central sinon principal. Or, la bonne idée de départ ne tient pas ses promesses.
François-Henri Désérable, qui se met en scène comme écrivain narrateur de ce récit, se propose de nous raconter l’enquête qu’il a menée pour retrouver la trace de ce très incertain M. Piekielny. Sauf que l’enquête piétine très vite et au lieu de construire un nouveau M. Piekielny, comme il le fait poétiquement avec la scène du violon joué silencieusement sous les étoiles, l’auteur de ce roman digresse sur sa propre vie, ses rapports avec sa mère, son amour de la littérature et de Gary et sa vocation d’écrivain. Je me dis qu’il s’agit en fait d’une autobiographie et non du roman annoncé.
En fait, ce roman s’avère un objet inclassable aux confins du récit intime, de la biographie, de l’hagiographie, du manuel de littérature et de l’essai sur le motif du « mentir-vrai ». Et cela ne me dérangerait pas, d’autant que c’est plutôt bien écrit. Cependant, on sent trop la posture du personnage écrivain, admirateur de Gary, et sa complaisance à trouver des liens et points communs avec lui. En outre, de trop nombreuses facilités ou banalités affaiblissent le récit et m’agacent prodigieusement. Ainsi, quand Gary rencontre Lesley Blanch à Londres pendant la 2e Guerre mondiale, on peut lire : « Une bombe, allemande, est tombée sur le toit ; une autre, anglaise, sous le charme d’un Français. » On trouve aussi des calembours approximatifs (« croire au père Nobel ») ou des références déjà datées quand à propos de Gary espérant recevoir un jour le prix Nobel, il écrit : « il y pense, bien sûr, pas simplement quand il se rase. »
Désérable a lu, c’est indéniable, de la littérature populaire (Dumas) à l’écriture la plus contemporaine (Michon) mais quel besoin de nous résumer l’intrigue du Comte de Monte-Cristo ou de nous décrire le tableau inventé par Michon dans les Onze ? Il va même jusqu’à retranscrire le chapitre où figure cet incertain M. Piekielny de la Promesse de l’aube. C’est peut-être ça le plus gros problème dans ce livre, me semble-t-il, Désérable en fait trop, il mâche le travail du lecteur, m’empêche d’aller vérifier par moi-même le passage en question. Enfin, c’est mon humble avis, certains aiment peut-être… Pour être honnête, j’ai tout de même appris des choses sur Gary et si réussite il y a, dans ce faux roman, elle réside dans la lecture oblique de l’écrivain aux multiples visages.
Le rendez-vous de la page 100 Un certain M. Piekielny de François-Henri Désérable
Un livre qui avait tout pour me plaire et qui m’agace prodigieusement.
L’histoire s’annonce comme celle d’un personnage cité par Romain Gary dans son autobiographie, La Promesse de l’Aube. Un personnage réel donc si l’on en croit Romain Gary – et, connaissant sa formidable capacité à fabuler l’on peut en douter – qui selon le titre, serait le personnage principal de ce roman. Or, de ce M. Piekielny, il ne reste rien que le nom. L’auteur, qui se met avantageusement en scène comme écrivain narrateur de ce récit, est en fait le véritable personnage principal ; il se propose de nous raconter l’enquête qu’il a menée pour retrouver la trace de ce M. Piekielny. À la manière de Gary auquel il s’identifie jusqu’à sa relation avec sa propre mère, Désérable multiplie les citations littéraires et digressions qui nous éloignent hélas un peu trop de Gary et de ce Piekielny auquel il ne consacre que deux scènes, lui imaginant un métier de barbier et une distraction, la pratique du air-violon – peut-être la plus belle scène de ces 100 premières pages. Mais Désérable n’a pas poursuivi la veine de la fiction et opté pour l’enquête, ce qui pourrait être tout aussi passionnant s’il ne multipliait les poses et les effets littéraires… Regardez comme je suis érudit, regardez comme j’écris bien, semble-t-il nous dire tout au long de ces pages. C’est vrai, je le reconnais, mais il en fait un peu trop. C’est une question de mesure je pense.
D’une très bonne idée de départ, on aboutit à un livre bavard sur le rapport entre la fiction et la vérité. Je suis peut-être méchante car m’attendent deux livres avec d’autres promesses…
Après avoir lu ta chronique et relu la mienne, je me dis que j'ai peut-être été trop sévère... Je pense que tu as raison quand tu parles de la part du réel dans la fiction, mais Delecroix qui mêle également les deux le fait plus subtilement et avec plus d'autodérision, me semble-t-il. Tu as lu "Ascension"?