"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je suis né, dans cette vallée de la montagne des boeufs sauvages étroitement serrée par les hauteurs rondes aux couleurs délavées, rousses et bleuies, comme des ressacs pétrifiés de vagues écumées.
Vosges.
Pays de vent, de rivières à eaux d'ambre, de forêts profondes, de montagnes au sommet fatigué, les Vosges sont l'âme et le coeur de l'oeuvre de Pierre Pelot.
Elles s'incarnent ici au fil des souvenirs d'enfance lumineux de l'auteur. Il y raconte les siens, le quartier ouvrier du tissage où ses parents se sont rencontrés, ses rêveries, sa maison au bord de l'eau, dans un récit qui se savoure comme une invitation au voyage au plus près d'une nature rugueuse, secrète, et d'hommes et de femmes forgés par des histoires qui n'appartiennent qu'à eux.
Une mémoire et une terre partagées avec les mots magnifiques de Pierre Pelot.
Tous les articles parus sur Pierre Pelot soulignent l’écrivain au plus de 200 ouvrages et la « puissance de son écriture, son génie stylistique et poétique inouï » Mickaël Demeaux Vosges Matin, avis que je partage.
Alors, quand la France peut s’enorgueillir d’avoir un grand écrivain, pourquoi diable le lecteur passionné n’arrive plus à trouver ces ouvrages, heureusement que les bouquinistes existent mais malgré tout certains livres restent introuvables. Alors n’y a-t-il pas une maison d’édition pour rassembler ces fameux livres ?
Ici c’est la réédition de La montagne des bœufs sauvages donc l’idée est bonne.
Ma France, un brin de nostalgie au coin des lèvres !
Vous parlez de ce livre c’est se livrer un peu, car le lecteur met ses pas dans ceux de l’auteur. J’alentis ma lecture pour mieux savourer les réminiscences d’un temps qui avait des odeurs et de la saveur…
Pierre Pelot nous parle des Vosges, son terroir. Son enfance dans cette maison près de la rivière, à côté de l’usine de tissage où les parents et la grande sœur travaillent.
Il vous parle de la transmission :
« Mine de rien, il m’en avait donné le goût très tôt, sans ostentation, par son exemple tranquille, les gestes lents et sûrs qui ne pouvaient être autres, allaient de soi avec ce genre d’occupation. »
Et là je me dis, tout fout le camp, aujourd’hui cette transmission existe-t-elle encore ?
Il nous dit attention : « Tous les noms que portent les endroits viennent des gens qui les ont traversés, qui sont passés. Viennent d’une histoire. Les noms des lieux ne tombent pas tout rôtis dans l’oreille. Ce qui apparaît à nos yeux aujourd’hui sont les habits que porte le temps ; la vêture cache le corps de ce qu’il est, de quoi il est irrigué, ce qui constitue sa peau. Le temps est le maître, il est à la source et au devenir de tout. »
Les titres des parties sont des joyaux, dans Théâtral, c’est une ode à la nature.
« Les gens sont liés aux saisons. Leurs épousailles noueuses élevées au-dessus du sol comme un tronc sans âge. C’est le théâtre, depuis toujours, bien avant qu’on l’attrape et le nomme. Rien de moins, rien de mieux que leur parole à écouter et transmettre et répéter pour qu’on s’en souvienne — leur répéter pour qu’ils s’en souviennent. »
Alors, j’ai mis mes pas dans ceux de l’auteur, à ses paysages se sont superposés mes paysages, mes souvenirs d’enfance, car il vous offre des mots et des images.
Des mots parlons-en, il en a plein dans sa gibecière, de ceux qui ont vécu et qui ne sont plus dans le dictionnaire ni papier ni électronique, un exemple erluise.
Pierre Pelot croque de beaux portraits, de tous les âges, souvent avec drôlerie, toujours avec tendresse et bienveillance.
Arrivée à la dernière ligne je me dis que ce livre va rejoindre mes « essentiels » ceux que je relis, ceux dans lesquels je peux me perdre quand je veux car ils disent la vie.
La France avec ses trésors à ceux qui savent encore voir, écouter, sentir, ressentir. Ceux qui sont comme les arbres, la sève coule en eux et les nourrisse.
A ceux-là Pierre Pelot adressent un clin d’œil :
« D’ici où j’ai poussé je ne me suis guère éloigné et n’en partirai vraiment qu’une bonne fois (et encore, si c’est partir…), je n’ai jamais quitté ces méandres où l’on m’a dit, en matière de titre de gloire, que jadis un empereur y venait chasser l’ours et l’aurochs, comme un rare exploit que les raconteurs se trouvaient sous la dent.
Les corbeaux qu’aujourd’hui nul ne prend la peine d’écouter sont messagers des fantômes, erluises des mémoires flottant dans les airs au-dessus des ramures, et qu’ils savent attraper.
Je ne suis pas parti. »
Encore merci monsieur Pelot pour cette France, je sais écouter les corbeaux, voir détaler les lièvres dans les vignes, repérer les faisans dans les bois, apercevoir cette vie qui est là et résiste encore à la folie des hommes. Et j’aime la retrouver sous votre plume à la source de laquelle je peux revenir quand je veux, à cette poésie qui vous est naturelle, celle de votre respiration parfois rugueuse mais juste. Je crois à la puissance des mots contre la folie des hommes qui ne savent pas, où qui ont oublié ce qui les constitue et d’où ils viennent.
©Chantal Lafon
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