Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Quand l'été n'est plus que cendres, Tunis a le blues. et le monde n'est plus qu'un piano désaccordé.
Le temps d'une saison, Jimmy, le déraciné, oiseau de nuit en quête d'aventures, croise le chemin d'Ismaïl, le juge solitaire et rigoriste, exaspéré par le comportement de ses concitoyens et leurs moeurs ostentatoires. Le destin les guidera vers des amours improbables avec Lola, la voyante au grand coeur, Elyssa la jeune bourgeoise passionnée, et Choucha, la journaliste, femme libre et intransigeante.
Une partition à cinq voix où vibrent, du vieux quartier de La Fayette à la colline de Sidi Bou Saïd, l'âme de la ville, les blessures de la vie et l'appel d'un monde à inventer.
À lire comme on écoute du Miles Davis...
Ali Bécheur nous offre un instantané de la Tunisie actuelle avec ses tenants de la tradition et ceux de la modernité et toute une faune qui tourne autour de cela. A travers les personnages de ce roman qui se croiseront à un moment ou un autre, il nous fait entendre cette voix tunisienne.
Il parle de la relation des tunisiens avec la liberté, la démocratie. « La raison n’est pas notre domaine. Nous, nous campons plus volontiers dans les marges du rationnel, dans l’avant et l’après, je ne sais, nous guettons des signes venus d’en haut, de très loin, de l’Autre Monde – avertissements ou sanctions – les yeux levés au ciel, le front contre les étoiles. Nous aimons les décrets : ils nous rassurent, nous exonèrent de l’écrasant fardeau de la liberté. »
Jamel, alias Jimmy, le Rebeu revenu de France entre deux gendarmes et continue ses trafics en tout genre plus son délire du samedi : brûler les voitures des nantis des beaux quartiers. Ismaïl, le juge, fils de cadhi, donc ancré dans la tradition ne supporte pas cette façon d’agir, de ne pas respecter les codes de la vie civile.
Les femmes sont sur tout autre registre. Lola, la voyante, de par ses origines, représente cette liberté et essaie de faire passer sa philosophie de la vie. C’est une personne aimable c’est-à-dire qu’on ne peut que l’aimer. Elle allège le fardeau des personnes qui viennent la voir. Elyssa, la femme d’un nanti qui a réussi échangerait bien son argent contre un peu de bonheur et de liberté.
Les femmes feront éclater cette dichotomie entre tradition et modernité, religion, liberté et démocratie. Elyssa en quittant ce mari qui a réussi dans les affaires qui voue un culte au dieu argent. Choucha, journaliste autonome et indépendante, est la plus avancée sur la route de la liberté, même si elle en paie le prix chaque jour. Tout en écoutant Louis Amstrong, dans un article qui ne sera jamais publié, elle ose cette longue déclaration
« Nous sommes emmurés. Tous, hommes et femmes, cloîtrés, nos esprits cadenassés, fermés à double tour et nous ne le savons même pas. Un confinement millénaire. Une réclusion aux barreaux invisibles nous tient prisonniers à perpétuité. C’est comme une condamnation que nous aurions rendue contre nous-mêmes, contre notre liberté. Un verdict sans appel. Et à longueur de temps, nous nous heurtons aux murs de la geôle que nous avons édifiée à seule fin de nous y terrer. Pour nous protéger de la vie, de ses appétits et de ses faims, de ses envolées et de ses bassesses. Pour nous protéger de nous-mêmes. Pourquoi ? Parce que la peur nous enchaîne, pieds et poings liés. Peur de nos corps, de nos désirs que, surtout, nous ne voulons pas connaître. Peur de nos sexes, des passions qui pourraient nous emporter au fil de leur courant, nous rouler dans leurs remous. Peur de notre liberté. Peur de l’appel de cet espace trop vaste pour nous, trop démesuré, sans bornes et sans repères, où il faudra s’inventer. Peur de s’aventurer, d’abandonner nos tuteurs, nos béquilles et de nous élancer. Peur de ce saut sans filet. On nous a appris à rogner les ailes qui nous empêcheraient de marcher dans le droit chemin, comme un troupeau tenu en lisière par des chiens de berger ».
Tout le livre est empli de cette dichotomie entre la tradition et la modernité, la religion et la liberté, la démocratie… A tous, il leur faudra dépasser les grandes blessures qu’ils portent en eux
« Maintenant, je sais qu’il faut la mériter, la liberté. Je sais que la seule loi qui vaille, c‘est la loi qu’on se donne à soi-même. » dit Ismaïl. A méditer.
Un livre superbe servi par une écriture classique éblouissante avec quelques mots délicieusement suranné qui ont fait mon bonheur. J’avais déjà eu un coup de cœur pour Chems palace. Tunis blues le rejoint. Quel auteur, quelle écriture !
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