Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Dans ce texte Ali Becheur invite le lecteur à le suivre pour une balade dans ses souvenirs. Au gré des ruelles de Tunis, il se remémore les instants lumineux qui ont enchanté son enfance et sa jeunesse.
Comme dans une rêverie éveillée, les petits bonheurs se succèdent sans souci de chronologie: les parfums des amies de sa mère, les filles qui sortent de l'école dans leurs tabliers roses, une bière bue en douce, son père qui se roule une cigarette et surtout les histoires fabuleuses racontées par sa tante. Ces contes lui ont fait découvrir le pouvoir magique des mots et ne doivent pas être étrangers à son talent d'écrivain.
Il revoit ces moments avec les yeux du souvenir mais essaie de faire resurgir intactes les sensations et les émotions pour les faire vivre à nouveau.
Le paradis d' Ali Becheur a un goût de nostalgie, celui des paradis perdus.
Ce livre est à savourer sans précipitation, tranquillement, comme toutes les bonnes choses
Ode à la femme et au désir surtout masculin. De la mère en passant par la voisine, la cousine, la couturière l’auteur revient sur son enfance, son adolescence, ses premiers émois, les premiers regards, les gestes furtifs… de la tendresse, de la douceur . Ses rencontres amoureuses le suivent jusqu’à la vieillesse. Un merveilleux livre écrit dans un français admirable, des phrases courtes, une ponctuation saccadée. Et puis les odeurs que l’on devine, les couleurs, cette sensualité qui se dégage tout au long de ce roman, cet amour pour ces femmes, pour la Femme.
Ali Bécheur nous offre un instantané de la Tunisie actuelle avec ses tenants de la tradition et ceux de la modernité et toute une faune qui tourne autour de cela. A travers les personnages de ce roman qui se croiseront à un moment ou un autre, il nous fait entendre cette voix tunisienne.
Il parle de la relation des tunisiens avec la liberté, la démocratie. « La raison n’est pas notre domaine. Nous, nous campons plus volontiers dans les marges du rationnel, dans l’avant et l’après, je ne sais, nous guettons des signes venus d’en haut, de très loin, de l’Autre Monde – avertissements ou sanctions – les yeux levés au ciel, le front contre les étoiles. Nous aimons les décrets : ils nous rassurent, nous exonèrent de l’écrasant fardeau de la liberté. »
Jamel, alias Jimmy, le Rebeu revenu de France entre deux gendarmes et continue ses trafics en tout genre plus son délire du samedi : brûler les voitures des nantis des beaux quartiers. Ismaïl, le juge, fils de cadhi, donc ancré dans la tradition ne supporte pas cette façon d’agir, de ne pas respecter les codes de la vie civile.
Les femmes sont sur tout autre registre. Lola, la voyante, de par ses origines, représente cette liberté et essaie de faire passer sa philosophie de la vie. C’est une personne aimable c’est-à-dire qu’on ne peut que l’aimer. Elle allège le fardeau des personnes qui viennent la voir. Elyssa, la femme d’un nanti qui a réussi échangerait bien son argent contre un peu de bonheur et de liberté.
Les femmes feront éclater cette dichotomie entre tradition et modernité, religion, liberté et démocratie. Elyssa en quittant ce mari qui a réussi dans les affaires qui voue un culte au dieu argent. Choucha, journaliste autonome et indépendante, est la plus avancée sur la route de la liberté, même si elle en paie le prix chaque jour. Tout en écoutant Louis Amstrong, dans un article qui ne sera jamais publié, elle ose cette longue déclaration
« Nous sommes emmurés. Tous, hommes et femmes, cloîtrés, nos esprits cadenassés, fermés à double tour et nous ne le savons même pas. Un confinement millénaire. Une réclusion aux barreaux invisibles nous tient prisonniers à perpétuité. C’est comme une condamnation que nous aurions rendue contre nous-mêmes, contre notre liberté. Un verdict sans appel. Et à longueur de temps, nous nous heurtons aux murs de la geôle que nous avons édifiée à seule fin de nous y terrer. Pour nous protéger de la vie, de ses appétits et de ses faims, de ses envolées et de ses bassesses. Pour nous protéger de nous-mêmes. Pourquoi ? Parce que la peur nous enchaîne, pieds et poings liés. Peur de nos corps, de nos désirs que, surtout, nous ne voulons pas connaître. Peur de nos sexes, des passions qui pourraient nous emporter au fil de leur courant, nous rouler dans leurs remous. Peur de notre liberté. Peur de l’appel de cet espace trop vaste pour nous, trop démesuré, sans bornes et sans repères, où il faudra s’inventer. Peur de s’aventurer, d’abandonner nos tuteurs, nos béquilles et de nous élancer. Peur de ce saut sans filet. On nous a appris à rogner les ailes qui nous empêcheraient de marcher dans le droit chemin, comme un troupeau tenu en lisière par des chiens de berger ».
Tout le livre est empli de cette dichotomie entre la tradition et la modernité, la religion et la liberté, la démocratie… A tous, il leur faudra dépasser les grandes blessures qu’ils portent en eux
« Maintenant, je sais qu’il faut la mériter, la liberté. Je sais que la seule loi qui vaille, c‘est la loi qu’on se donne à soi-même. » dit Ismaïl. A méditer.
Un livre superbe servi par une écriture classique éblouissante avec quelques mots délicieusement suranné qui ont fait mon bonheur. J’avais déjà eu un coup de cœur pour Chems palace. Tunis blues le rejoint. Quel auteur, quelle écriture !
« C’est l’aube d’un jour parmi les jours qui point sur le grand erg oriental. Une lueur d’incendie dévore le fil de l’horizon émergeant de la nuit, étoffe exténuée de lessives, qui s’embrase. Un ressac de feu engloutit les derniers lambeaux d’ombre.
Je prends mon essor dans une mer de nacre et d’or.
Lève les yeux. Tu me vois ? C’est moi, là-haut, l’épervier. Planant – armaturé d’acier, pennes et rémiges frottés à la fournaise, pailletées d’éclats de vif-argent -, dérivant à travers l’océan d’incandescence.
Je suis celui qui voit. »
Ainsi débute le livre d’Ali Bécheur. Vous comprenez pourquoi ce livre m’a envouté ?
Comment résumer un livre où j’ai noté presque chaque page, où la poésie est présente, où les mots, choisis sont une invitation ? Comment faire alors que Hebelin et Pasdel ont écrit des commentaires superbes ?
Un vieil instituteur décide de retourner dans l’oasis qui a vu débuter sa carrière. La vie y est douce, le temps s’y écoule lentement ; il est dans la contemplation et la réflexion. Puis, il y a Nadir, Si Nadir, depuis qu’il a fait fortune dans l’hôtellerie. De son importance, il veut garder trace et désire que le Moâllem écrive sa biographie. Nous saurons de son existence ce qu’il a raconté sur les cassettes qu’il envoie à son Maître, le vieil instituteur. « Moâllemi, s’écria-t-il, c’est une baraka de Dieu de vous revoir après tant d’années, enchaînant sur sa lancée qu’il ne m’avait jamais oublié, comment oublier son maître ? »
« J’éprouvais le sentiment d’une liberté inconnue, sans plus de limite qu’un vertige vacillant dans les profondeurs du corps, me disant que oui, puisqu’il le voulait, j’écrirais son histoire et que l’écrivant c’est on histoire que j’écrirais, celle de la source, de l’oasis et des palmiers et de ceux qui y vivaient et en vivaient, eux qui n’avaient pas voix au chapitre, que je leur donnerais la mienne à eux qui m’avaient tout donné sas que je ne leur eusse rien demandé »
C’est ainsi que, comme l’écrit Ali Bécheur, le vieil homme a fait sien « les mots du père Hugo en les inversant. Quand je vous parle de moi, je parle de vous. »
Le Moâllem raconte son oasis luxuriante et fragile sujette aux intérêts financiers et hôteliers. Il se sert du désir de Nadir pour raconter la vie quotidienne. Le temps n’est plus le même, n’a plus la même valeur. Vous vous posez au pied du caroubier et vous lisez en mobilisant tous vos sens. Vous écoutez Al Môallem raconter la vie qui s’écoule dans son oasis. Tout est calme et sensualité. Pourtant, la vie n’est pas rose dans l’oasis, les jeunes, les uns après les autres partent. « Mais rien ne survivra à l’adolescence, à l’appel des sirènes de l’ailleurs ».
Les gadoues rythment la vie agricole. Les femmes préparent la oûla et le Moâllem se trouve face à un tableau de Delacroix se terminant en danse païenne et érotique. La « Banque Populaire » derrière son étal donne les dernnières nouvelles. Les joueurs de dames lancent le débat entre les modernes et les anciens, entre les tenants du culte et les tenants de la culture.
Ali Bécheur magnifie la vie calme de l’oasis. Il nous oppose l’histoire de Nadir, parti sans le sou, devenant gigolo pour survivre et partir suivre sa belle à Paris. Devenu riche, il revient dans son pays pour créer des hôtels pour touristes riches. Dans sa mégalomanie, il entreprend la construction d’un palace, le Chems palace dans l’oasis qui l’a vu naître. Plus, toujours plus, vite, toujours plus vite. Partir pour mieux revenir et imprimer sa marque sur le sable de l’oasis… et le sable ne retient pas les traces.
Ce livre est un oasis entouré d’un désert. Il est tout aussi luxuriant, fragile et vivant. Les mots, les phrases d’Ali Bécheur ont coulé en moi comme le jus des figues trop mûres, comme le miel. Elles étaient la vapeur s’échappant des théières, le feu sous le kanoun. Comme le Moâllem, je me suis étourdie à regarder danser Taous, comme l’épervier, j’ai survolé l’erg, vu le soleil s’embraser, le vent s’engouffrer. J’ai vu le sacré de cet oasis.
Les palmiers nous invitent à entrer dans l’oasis et à suivre les mots d’Ali Bécheur. Ne regimbez pas, laissez-vous guider par les mots, par les phrases, par les bruits, par les odeurs, par les couleurs, par la sensualité, par l’amour, par les raisonnements, par la fatalité, caressez le sable, cueillez les dattes…. Enfin tout ce qui fait ce beau livre. Quelle écriture ! Tous ce vocabulaire arabe qui, tels des petits cailloux, ponctue les phrases et ajoute à la poésie.
Laissez-vous bercer par les phrases ondulantes d’Ali Bécheur et je vous promets un grand moment de lecture.
Les Editions Elyzad, fidèles à leur ligne éditoriale, nous offrent un roman d’une très grande qualité aussi bien littéraire qu’esthétique.
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