"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quatre personnages sortent du silence pour raconter leur histoire.
Anatole, chassé de son pays natal, survit en errant d'usines désaffectées en marais orageux. jeanne, qui étouffait dans une famille mortifère, a pris la fuite. elisabeth s'étiole dans une maison de retraite indifférente au sort des pensionnaires et vincent, cadre sans cesse évalué, se retire peu à peu du monde de l'entreprise. tous sont exclus, tourmentés, pressés de rendre des comptes ou de s'effacer sans bruit.
Mais tous, aussi, ont le désir de résister, de ne pas se soumettre à ces sociétés qui tuent à petit feu, classent et traquent sans merci. la prose éblouissante de frédérique clémençon donne toute sa force à ces paroles de faibles. mélange de " rugueuse réalité " et de pur romanesque, traques fait résonner longtemps la portée politique de leur destin.
Les quatre personnages de ce roman de Frédérique Clémençon sont solitaires. Certains se croisent, comme Vincent et sa mère dans sa maison de retraite déshumanisée ou Jeanne la fugueuse qui rencontre Anatole l’exilé, le clandestin qui a tout perdu. Tous sont, à un moment de leur vie, exclus du monde, en fuite, en fugue, en retrait, en attente de la mort. Leur point commun, ils sont traqués dans ce monde hostile dans lequel ils tentent de survivre malgré tout
Les récits s’enchaînent avec fluidité, Le passage d’une vie l’autre se déroulant sans heurt. C’est comme un patchwork de vies tricotées, mais pas n’importe lesquelles. L’auteur a choisi des vies heurtées, des personnages malmenés et cabossés, qu ‘elle a lis aux lisières pour en un roman. Elle rassemble des morceaux éparts de ces histoires d’exil, de mort, de haine et de souffrance, et laisse, parfois, entrevoir quelques lueurs d’espoir.
Les paysages sont aussi à l’image des personnages, on ne sait trop à quoi les raccrocher. Les rues d’une ville, la mer et l’eau, le vent, des terres d’orage et de marais », des lieux qui ne sont pas nommés et dans lesquels on se perd un peu, comme dans les histoires dont les chapitres se succèdent sans numérotation ou titre.
Le récit est construit en alternant textes administratifs (bilans, évaluations administratives, protocoles de soins …) et paroles des traqués qui livrent leurs sensations. D’un côté la norme sociale qui exclue, broie, humilie et de l’autre des sensations inquiètes, des souvenirs, qui s’échappent aussi dans l’imaginaire.
Même si les récits de vie sont terrifiants, il y a toujours un peu d’espoir qui transparaît.
L’écriture, sobre et incisive jusqu’au tranchant, devient poétique dans les propos des personnages.
La tension est forte, le rythme maintenu et le lecteur suffoque et cherche l’air entre les chapitres.
C’est éblouissant. D’une beauté sobre et sombre.
Quatre récits se font échos : deux se répondent, deux vont en parallèle. Quatre personnages en fuite qui sortent du silence pour raconter leur histoire.
Jeanne d'abord qui étouffant dans une famille ou tout bonheur est proscrit a fui (sa grand-mère, sa mère, sa sœur) sur les conseils de son grand-père, bien décidée à ce que le chagrin n'infeste plus son esprit.
Elle confie son histoire à Anatole qui en retour et parce que chacun y trouve son compte, lui livre son histoire. Celle d'un exilé, d'un homme chassé de son pays natal avec tous les siens par une guerre volontairement laissée anonyme et atemporelle. Ayant perdu tous ses proches, il survit de marais infestés en usines désaffectées.
Vincent Collignon, lui, est un cadre usé par l'entreprise, sans cesse évalué, mesuré à l'aune de statistiques et de tests de performances et qui peu à peu, se retire du jeu.
Elizabeth, sa mère, attend la mort dans une maison de retraite où tout est codifié : la toilette, l'alimentation, les déplacements. Toutes les méthodes qui y sont employées pour aider les pensionnaires ont pour effet de précipiter leur dégradation physique et mentale.
Exclus, tourmentés, tous cherchent à échapper à l'enfermement, à lutter pour préserver leur intégrité constamment menacée et finalement entrent en résistance contre les carcans familiaux, les nouvelles méthodes de management et les dérives de la société qui tuent à petit feu, jugent, classent et traquent sans merci.
Une traque est-elle lancée contre ces gens là. Se sentent-ils eux traqués ?
Pour eux l'important, la première chose à faire est de partir. Et il y a de nombreuses façons de partir : l'oubli, la fuite, la mort, la résistance.
En tout cas, leur quatre vies s'étiolent dans ce monde où ils se sentent rejetés. Où trouver sa place, comment se faire entendre, comment exister dans un univers qui se fait hostile ?
Alternant les pages où s'étale d'un côté une écriture presque poétique et et de l'autre des fiches de note de compétences , des rapports administratifs autant d'écrits impersonnels que les nouveaux managers exploitent pour mieux déshumaniser les relations humaines, l'auteur nous offre son regard sur la société moderne.
Deux et deux font quatre... Quatre, anagramme de Traque ! Frédérique Clémençon mène un récit à quatre voix : deux paumés d’un côté, réunis par un lien filial et deux échappés de l’autre, réunis par le hasard d’une rencontre. Ce récit part d’une idée on ne peut plus sociétale, une idée universelle - pourrait-on dire, malheureusement : la traque par la société de l’individu. Vincent, rebelle à la discipline d’entreprise, est traqué par les méthodes d’évaluation que lui impose la sienne ; il est le second fils d’Elisabeth que son état de vieillard mène à une maison de retraite, où la traquent les grilles « psycho-comportementales » destinées à l’estimation de son état physique et mental.
Anatole, traqué par le racisme et la xénophobie, est chassé de son pays natal et croise dans son exil la route de Jeanne, traquée par le malheur qui s’est abattu sur sa famille. Ce sont des perdants, sauf - paradoxalement - Elisabeth Colignon qui a résisté aux manœuvres de son grand fils pourtant chéri, qui en voulait à son argent et qui résiste à l’infantilisation qu’inflige la société à ses aînés.
Force du concept fondateur, prose irréprochable, montage astucieux des séquences dans lesquelles s’expriment à tour de rôle les quatre « traqués »… Un bon livre auquel il manque de l’ambition : on aurait aimé passer du quatuor à l’orchestre symphonique, on aurait apprécié cent pages supplémentaires qui prolongent le destin de chacun, on aurait applaudi à une fin « virtuose » qui nouent les fils et s’échappe sur le thème de l’homme face aux systèmes qui le déshumanisent. Dommage… L’éditeur aurait dû mieux accompagner son poulain !
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