"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans une maternité, une femme épuisée, sous perfusion. Elle vient d'accoucher d'une fille, Adèle, et contemple le berceau, entre amour, colère et désespoir. Quelque chose la terrifie au point de la tenir éveillée, de s'interdire tout repos : la loi de la reproduction. De génération en génération, les femmes de sa lignée transportent la blessure de leur condition dans une chaîne désolidarisée, sans merci, où chacune paye l'ardoise de la précédente. Elle le sait, elle en résulte, faite de l'histoire et de la douleur de ses aînées. Elle voudrait que ça s'arrête. Qu'Adèle soit neuve, libre.
Alors comme on vide les armoires, comme on nettoie, elle raconte. Adressant à Adèle le récit de son enfance, elle explore la fabrique silencieuse de la haine de soi qui s'hérite aussi bien que les meubles et la vaisselle. Défiance du corps, diabolisation de la séduction, ravages discrets de la jalousie mère-fille... Elle offre à Adèle un portrait tourmenté de la condition féminine, où le tort fait aux femmes par les femmes apparaît dans sa violence ordinaire.
Et c'est véritablement un cadeau. Car en mettant à nu, rouage après rouage, la mécanique de la transmission, elle pourrait parvenir à la détruire.
Maria Pourchet est romancière. Elle a notamment signé Rome en un jour (Gallimard, 2013) et Champion (Gallimard, 2015).
La narratrice parle à sa fille qui vient de naître et qui brisera le cycle des femmes de la famille.
L'histoire de cette femme m'a rappelé ma propre histoire et les injonctions de ma propre mère (qui sont des titres de chapitres) : Je ne suis pas ta copine, tu me diras merci, débrouille-toi, tu ne seras pas la dernière...
J'ai aimé que ce roman raconte que l'on peut se sortir de la souffrance de sa génitrice et ne pas reproduire sur son propre enfant le cycle de la douleur.
Une lecture qui m'a parlé et dont j'ai noté pleins de passages.
Quelques citations :
En attendant la maison j'en profite, c'est quelqu'un sur qui compter. (p.30)
Silence, pense au Sahel, aux Yougoslaves et surtout à elle. Elle, son enfance de merde à elle, le monopole de la souffrance qui la dispense de m'épargner. (p.47)
Je me materne très bien toute seule. Parce que la mère, c'est moi. (p.132)
L'image que je retiendrai :
Celle des dames roses (les aide-soignantes) qui sont seules à apporter de l'aide à cette nouvelle maman.
C'est un livre violent aux phrasés à vif, ponctué de ces expressions sociales courtes et assassines comme des claques reçues en pleine figure. Elles viennent aussi bien de la mère de la narratrice que du personnel hospitalier et des femmes en général, en milieu professionnel inclus : "C'est pour ça se foutoir, Adèle [le bébé de la narratrice qui vient de naître]. Les hommes d'accord, les hommes sûrement. Mais la haine que les femmes vouent à leur genre, tu verras" (p.26)
Et tout ça, pour le bien de l'autre. "Evidemment" devrais-je ajouter.
De ce livre, Maria Pourchet dit : "J'écris pour qu'elle se taise [sa mère]" (p.119) et pour qu'Adèle échappe à cette ligne maternelle destructrice par le mot oral : "Toutes les femmes. Sauf toi" (p.19). Le mot écrit pour échapper, mettre à distance, crier, dire avant de se taire de nouveau versus l'oralité de ces femmes qui sont aigries et qui ont pourris leurs filles. Les fils et les hommes, eux, étaient épargnés. D'ailleurs, Maria Pourchet le résume ainsi : "Je risque encore pire que mourir : pourrir" (p.121)
Ce livre est particulier dans son oeuvre car son style sarcastique est laissé de côté. Pas de second degré, pas de coussin pour amortir les claques verbales, tout est pris de plein fouet.
Florilège des petites phrases assassines : "Mais qu'est-ce que tu crois ?" / "Tu sais que.." / "C'est grâce à moi si..." / "T'as intérêt à.." / "Vous êtes sûre que..." / "Vous devriez..." le tout en rafale. L'autre n'existe pas. Jamais. Il n'a pas intérêt !
Un récit percutant, touchant, où la colère s'étend en toute humilité sur les pages, comme pour faire le deuil de sa mère... L'auteure, Maria, vient tout juste de donner la vie à Adèle, et nous narre son histoire, son enfance compliquée entre sa génitrice toxique et elle, et le présent, auprès de sa fille qui vient tout juste de naître. À lire !
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2019/02/toutes-les-femmes-sauf-une-de-maria.html
La narratrice vient d’accoucher d’une petite Adèle. A côté de cet enfant, toutes ses douleurs d'enfance remontent, toutes les phrases qui lui ont été assénées, toutes les injonctions qu'elle a subies toute sa vie, tous les "fais pas ci, fais pas ça". Elle s'adresse alors à Adèle et évoque le sentiment de douleur et d’impuissance qu'elle éprouve dans cette maternité mais aussi tout son propre manque d'amour et de reconnaissance maternels.
Elle était la gamine gênante jamais à sa place, une gamine à peine mieux considérée qu'un chien qu'on faisait taire d'un regard, élevée par une mère qui l'étouffait qui la rabaissait sans cesse
C'est par les mots, par la littérature que la narratrice veut rompre la chaîne de transmission entre toutes les femmes de sa famille. "Elles auraient pu se soulever. A défaut, elles parlent, parlaient. Et moi j'écris", c'est en écrivant qu'elle finit par prendre sa place.
À Adèle, sa mère espère transmettre la liberté de démonter la mécanique de la transmission familiale, lui transmettre la force de ne pas tout accepter, de rompre l'héritage familial.
Voilà un récit centré sur la femme, la femme dans tous ses états, de mère, de fille... l'homme n'est qu'en arrière-plan. L'écriture est puissante avec une accumulation de phrases choc qui donnent à réfléchir, les dernières phrases du texte sont particulièrement belles. Je reste plus mitigée sur les passages à charge contre le personnel médical qui manquent de nuances. Un texte fort, incisif sur le poids de la transmission, le poids social, l'héritage familial qui ne peut pas laisser indifférent.
En lisant le résumé de la quatrième couverture, c'était une évidence pour moi de découvrir ce roman.
Il est question de maternité et de transmission notamment de mère en fille...
De génération en génération.
Beau programme !
Sauf quand...la transmission, ancestrale et familiale, est néfaste et malsaine.
Une femme vient d'accoucher d'une petite fille Adèle.
Elle est seule et épuisée dans une chambre d'hôpital où le personnel de soins n'est guère disponible ni très avenant.
Cet événement a fait remonter en elle, des souvenirs d'enfance mais aussi, les relations conflictuelles qu'elle a avec sa mère car dans sa famille, les femmes ne sont pas maternelles ni aimantes.
Une prise de conscience, une explosion, une vérité qui ÉCLATE suite à la naissance de sa fille,.
Ne pas recopier ce schéma, ne pas reproduire les mêmes erreurs sont les seules certitudes qu'elle a en donnant la vie à ce bébé.
Une révélation qui va lui permettre de "vomir" et d'exorciser tous ces démons, les rancœurs et les blessures qui stagnent, qui l'écorchent depuis des années.
La maltraitance verbale qu'elle a subi de sa mère, son exigence, son manque d'affection, ses humiliations, ses mots violents, ses menaces l'ont profondément marqués.
De génération en génération, les femmes, les mères de sa famille se comportent ainsi et manquent cruellement de tendresse.
Etre mère à son tour, elle ne souhaite qu'une chose, se libérer de cette transmission, de cette hérédité nuisible
Une vraie libération ! Comme un second accouchement, dans la douleur, cette maman s'adresse à sa fille afin qu'elle entende ses mots, ses vérités et ses promesses et ainsi vivre ensemble sans non-dits, sans tabous et sans haine.
Lui promettre que tout ira bien...Qu'elle saura, elle, être mère !
Le commencement d'une nouvelle vie uniquement sur le signe d'un amour incommensurable !
L'amour le plus fort,
L'amour le plus important,
L'amour le plus beau,
L'amour MATERNEL.
Un roman fort, puissant et douloureux.
Un ouvrage saisissant, intimiste et d'une grande sensibilité.
Un sujet universel qui touche forcément beaucoup d'entre nous.
A lire sans aucun doute.
Merci aux maisons d'Edition et à NetGalley.fr
https://leslecturesdeclaudia.blogspot.com/2019/01/toutes-les-femmes-sauf-une.html
Lien : https://www.livresselitteraire.com/2018/11/toutes-les-femmes-sauf-une-de-maria-pourchet.html
Elle vient d'enfanter. Elle l'a appelé Adèle. Elle ne se souvient pas de l'accouchement. Elle était dans un état second. Mais dès lors qu'Adèle est là, à ses côtés, à ne pas dormir, à pleurer, parfois hurler, toutes les douleurs reviennent. Celle d'un corps qu'elle voit bousiller. Celle d'un cœur qui n'a connu que les fais pas ci, fais pas ça, on aurait presque envie d'ajouter Viens ici, mets-toi là / Attention prends pas froid / Ou sinon gare à toi / Mange ta soupe, allez, brosse toi les dents... vous connaissez la chanson. Mais Dutronc n’est rien comparé à sa mère à Elle. À ces femmes de la famille. Pour elle, c'était plus encore. On réfléchit avant de parler, T’as pas intérêt à me ramener un type, Tu feras ça quand tu auras ta vie, ta maison, Fous-moi le camp, T’es encore allée fouiller, piquer des choses, Regarde où tu mets les pieds, Tu fais exprès ? Ne réclame pas, Ne te fais pas remarquer, Tu la vois celle-là, T’avais qu’à travailler…
Alors elle écrit parce que c’est tout ce qu’elle sait faire. La littérature comme refuge quand on n’a rien d’autre. Les mots qu’on griffonne à défaut de savoir les prononcer. Elle expulse, comme un second accouchement. Elle revisite ce passé, cette famille. Pour Adèle, pour sa construction. Pour qu’elle connaisse un jour ce qu’elle ne doit pas vivre, pas accepter.
Être mère, elle n’est pas certaine de savoir faire. Comme sa mère avant elle qui n’était pas faite pour ça. Comprenez, pas faite pour Elle.
Ici la femme est au centre de tout, la mère nourricière, la mère tyran, la fille de la mère, la petite-fille de la mère de sa mère. La mère dans des milliers d’autres femmes. Les femmes qui portent le poids de la transmission, le poids social, le poids d’une recherche d’émancipation jamais acquise complètement.
Ici l’homme est en filigrane, une ombre qui n’a pas sa place. Relégué au second plan par ces femmes tragiques qui pensent savoir, connaître, posséder en elles la force. Celle qu’Elle n’a pas. À leurs yeux. Car elle possède une force bien plus grande, celle des mots, de la littérature. Celle de vouloir s’échapper de cela « les femmes entre elles font l’objet de méprises. C’est pour ça ce foutoir, Adèle. Les hommes d’accord, les hommes sûrement. Mais la haine que les femmes vouent à leur genre, tu verras. »
Alors grâce à Adèle, grâce à la douceur de sa naissance, grâce à la souffrance engendrée de sa naissance, elle (é)crie la maternité, le corps médical, l’absence de considération, le regard porté, la vengeance de femmes et leur jalousie. Laisser une trace.
Si j’avoue avoir été parfois gênée par l’image donné de l’environnement médical, extrêmement dure, Toutes les femmes sauf une n’est pas un règlement de compte, il est une vision, une balafre, une naissance, un espoir, une prière pour une génération future. Il est un moyen d’extraire le mal, l’angoisse pour un bout de ciel bleu. Il contient le poids de l’héritage et sa violence.
J’ai corné les pages, j’ai eu envie d’apprendre certaines phrases par cœur, ces phrases qui renferment tant de justesse, qui viennent du ventre, nous collent au mur. Je l’ai lu d’un souffle. Coupé. Si coupé que cela me fait dire que j’ai rarement eu l’occasion de lire un livre aussi fort, un livre qui ne tait rien. Aussi sauvage, brut que cru. Sans hiérarchie particulière, Maria Pourchet taille dans le vif pour créer un rempart.
Ce livre ne prend pas aux tripes, non, il fouille, agrippe, tire. Incisif. Il n’attend pas que nous fassions le premier pas, il vient nous chercher, même planquer, il traque. Il fait sauter tous les verrous. Il nous met l’uppercut dont les femmes sont capables. Et ce dès la première page où se dessine l’évidence de la claque à venir. Celle qui vous fait dire « bordel ». L’évidence qu’on sera mis au tapis. Nous, femme, fille, petite-fille, mère ou future mère.
Elle vient d'accoucher, elle a mal, sa vie a pris soudain un virage en épingle à cheveux, elle n'a plus aucun repère. Tout est bouleversé par ce bébé qui hurle jour et nuit. La fatigue la terrasse, la douleur la ronge, elle a besoin de paroles douces, réconfortantes, d'entendre qu'elle y arrivera elle aussi, qu'il n'y a pas de raison. Infirmières et aides-soignantes entrent et sortent de sa chambre. Elle n'allaite pas ? Elle est sûre ? Elle ne veut pas essayer ? C'est pourtant tellement bon pour l'enfant ! Pourquoi n'a-t-elle pas de visites ? Elle a des amis, de la famille ? Est-ce qu'elle pense pouvoir tenir le coup ?
La narratrice n'a plus que l'écriture pour dire ce sentiment profond de solitude, d'abandon, cette absence de compassion, d'empathie entre femmes, entre celles qui auraient dû se serrer les coudes, s'entraider, se rassurer. Mais non, rien de tout cela. Au contraire.
Elle écrit pour prévenir sa fille, Adèle, pour la protéger de ce que la vie lui réserve. Pour la mettre en garde contre « la haine que les femmes vouent à leur genre. » Peut-être Adèle sera-t-elle ainsi mieux armée pour affronter le monde...
Il faut qu'elle sache, pense-t-elle, ce que les femmes sont capables de faire aux femmes : « Elles sont méchantes avec toutes les excuses de la Terre. Tu les entendras répéter les mêmes sentences, s'adressant à la défaite les unes après les autres, sans merci, sans relâche. »
Ici, ce sont les femmes de l'hôpital - même si la narratrice trouve tout de même quelque réconfort auprès de certaines - mais les plus dangereuses, ce sont celles de la famille, les mères, les grands-mères, les tantes.
« Regarde où tu mets les pieds, Ne réclame pas, Ne te fais pas remarquer, Tu la vois celle-là ?, Tu l'as pas volée, Ça t'apprendra… Qu'est-ce que tu crois ? » Ces phrases que sa mémoire n'a pas oubliées ont accompagné l'enfance de la narratrice. « Je suis depuis trop longtemps déjà la somme de leurs phrases» regrette amèrement celle qui se souvient encore des vêtements démodés, des moqueries de ses camarades, des garçons qu'il ne fallait pas fréquenter, des ami(e)s manqué(e)s, de l'adolescence gâchée.
Et depuis qu'Adèle est née, la jeune mère sait une chose : sa fille n'entendra pas ces mots, elle ne sera pas l'héritière de cette tradition violente et destructrice qui se transmet de génération en génération dans sa famille.
Ce texte, qu'écrit la narratrice, cette longue lettre qu'elle adresse à sa fille, est le rempart qui la protégera. Non, Adèle n'aura pas cette enfance ravagée par une mère froide, d'une exigence, certes louable sur certains aspects, mais dont on ne retient que la quasi-inhumanité.
Non, elle ne fera pas partie des pauvres femmes qui « sont penchées sur les éviers, la terre, les bites, les bassines, les mômes, les poules. »
« Une femme penchée sur un cahier, c'est un homme. C'est un homme et personne ne l'emmerde. Ainsi, depuis trop longtemps pour pouvoir désormais en guérir, je conçois ma vie dans une ahurissante limite qui, presque, m'interdit d'habiter ma propre chair. Mais toi, Adèle, mon enfant de la fin de l'hiver, tu sauras : une femme penchée sur son art, c'est naturel. » Elle ne sera pas soumise aux hommes, elle ne paiera pas pour les autres, elle ne vivra pas avec un sentiment de culpabilité permanent et un sens aigu du dévouement.
Comment ne pas transmettre ce que l'on a reçu ? Comment empêcher un héritage que l'on juge malsain, nuisible ? Comment ne pas reproduire, perpétuer ce que l'on hait? A-t-on cette liberté, ce choix ?
Ce texte puissant, incisif, tendu est un véritable cri du coeur : les mots sont crus, directs, violents. Ils dénoncent ce qu'au nom de la tradition, plus ou moins consciemment, les femmes subissent et font subir à leur tour à leurs filles - pensant même agir pour leur bien - dans un cercle horriblement vicieux. Or, la narratrice veut couper court à cela. Elle détruira, par les mots, cette chaîne infernale et fera don à sa fille d'un immense cadeau : la liberté.
Je viens de découvrir un grand auteur dont le propos très engagé, sans demi-mesure, servi par une écriture vive et nerveuse m'a profondément touchée.
Un indispensable !
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