"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Mathis a perdu son père à l’adolescence, un homme à femmes, brillant et volage. Avec Vinciane, sa sœur, et Mireille, sa mère, il souffre de cette disparition accidentelle. La famille est dévastée. Chacun cherche à vivre sans tuteur pour les guider, sans véritablement y parvenir, sans accepter l’injustice de cette mort.
Le drame de ce décès a marqué également la vie de Thierry, l’auteur de l’accident, qui s’isole de la société et construit sa vie affective autour de sa petite chienne, Nénette. Il se réfugie dans l’alcool et n’est pas parvenu à vivre avec sa femme et ses enfants.
Le traumatisme de cet accident a ébranlé les vies de chacun des personnages qui, au fil du roman, déstabilisés, cherchent l’amour sans s’apercevoir qu’ensemble, celui-ci est à porter de main. Chacun s’abîme dans des chemins dévastateurs.
Par des voies détournées, pendant de longues années, à la faveur de multiples aventures féminines, grâce à de belles rencontres, en retrouvant seul son identité dans la campagne cévenole, Mathis parviendra à effacer le fantôme de son père pour vivre enfin en équilibre et heureux, bonheur qu’il cherchera à insuffler à sa mère et sa sœur, avec douceur.
Eluard écrivait un seul être vous manque et tout est dépeuplé. C’est un peu Mathis, Vinciane, Mireille, Béatrice aussi, cette perte de repère.
Franck Courtès est, comme son personnage principal, photographe. Avec Tout ressemblance avec le père, il révèle tout en finesse et subtilité, la difficulté de vivre, de se découvrir et de se construire. Il saisit l’instant qui permet de répondre aux questions : comment vivre avec les morts ? Comment s’émanciper de l’héritage encombrant des parents absents ou présents ? Comment tuer symboliquement le père, pour un fils, surtout quand il n’est plus que fantasme ? Chaque chapitre est un instant de vie, une photographie d’un épisode décisif et vital. Pourtant, cette structure du roman rend la lecture quelque peu monotone et languissante, à un moment du livre où l’on attend un regain d’énergie fondatrice. C’est peut-être la meilleure manière de dépeindre la difficulté de se reconstruire et le nécessaire besoin de temps ?
CHRONIQUE :
J’ai été très surprise par ce roman dont le rythme de lecture est traînant au départ comme pour mieux s’imprégner de la lente reconstruction des personnages suite à l'accident mortel de Jacques. Cet homme est mort dans un accident de voiture, laissant désemparés une épouse et deux enfants, mais aussi l’homme qui est à l’origine de l’accident.
J’aime beaucoup la plume et le style de l’auteur Franck Courtès, sa profession de photographe est vraiment mise à l’honneur par la richesse des personnages, des paysages, des scènes mises en gros plan très cruelles, mais réalistes. Parfois l’objectif se fixe sur la personnalité intérieure, des arrêts sur image, des retours sur le passé en insistant sur l'état d'esprit des personnages. Les déjeuners entre le fils, Mathis et sa mère Mireille, les changements de décors liés aux professions de Mathis et de sa soeur Vinciane donnent des bouffées d'oxygène et de dépaysement savamment orchestrés.
Tout au long de l'histoire, on sent la présence du spectre du défunt Jacques, ombre bienveillante ou imagination. J'ai eu du mal à suivre les aventures amoureuses de Mathis qui reproduisait celle de son père mais il faut poursuivre la lecture patiemment car les 300 autres pages se révèlent pleines de surprise et de suspense, révélant un changement manifeste et profond de la personnalité de Mathis. Que cherche celui-ci sinon à panser ses blessures, aimer et être aimé et transmettre son amour à son fils ? L'histoire en tant que telle n'est pas originale, mais le style de l'auteur le magnifie et je me suis laissée emporter par la magie des scènes et profondeurs des sentiments des êtres de ce drame familial.