Des lectures conseillées par nos lecteurs, à ne pas manquer !
Le roman commence à Mindin, en face de Saint-Nazaire, au début des années 1960, dans un lazaret devenu hôpital psychiatrique : un enfant boiteux, dont le père est administrateur du lieu, se lie d'amitié avec un des internés, un ancien de la marine qui, se balançant d'arrière en avant, répète sans cesse la même formule énigmatique : Taba-Taba. À partir de là, Patrick Deville déroule le long ruban de l'Histoire, en variant le microscope et le macroscope. Car la France, ce n'est pas seulement l'Hexagone : le narrateur se promène autour de la planète, pour rappeler l'épopée coloniale avec ses désastres mais aussi ses entreprises audacieuses (canal de Suez, de Panamá).
Cette grande fresque romanesque va de Napoléon III aux attentats qui ont ensanglanté récemment le pays, en passant par la Grande Guerre et ses tranchées, puis par le Front populaire, la Débâcle, l'Occupation, la Résistance, le Vercors, la Libération.
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Magnifique roman où Patrick Deville se confronte à l’histoire de sa famille en partant des archives laissées à sa mort par Monne, sa tante. Un enfant se souvient…
C’est aussi une grande fresque romanesque sur la France, du Second empire aux attentats qui ont ensanglanté notre pays récemment.
On est porté par une narration bien maîtrisée avec de magnifiques digressions. On passe du microscope au macroscope. Un livre épique et beau.
Patrick Deville décide de marcher dans les pas de sa famille sur 5 générations, du Second Empire à 2017, soit un siècle et demi. Il va sillonner la France tout en se déplaçant aux quatre coins du monde pour nous livrer une actualité étonnante et détonnante.
Pour ce faire, il va s’appuyer sur des archives laissées en héritage par sa tante Monne qui avait conservé dans trois pièces de sa maison des piles de journaux (certains ayant appartenu à l’aïeul du Second Empire), des carnets de voyages, des articles de presse découpés, des journaux intimes, des agendas, des répertoires d’adresses, des liasses de courriers, des calepins, des factures, des reçus, des papiers administratifs, des relevés bancaires, des contrats de travail, des photos, des dessins, des affiches, des vêtements, des objets : « J’avais progressé dans ces trois pièces du fond avec la précaution d’un égyptologue, un peu penché en avant. »
Le récit s’enrichit des propres voyages de l’auteur, de ses rencontres, de ses propres souvenirs, de sa culture immense, et de nombreuses références littéraires ainsi que sa réflexion personnelle riche d'Humanité.
Le livre est autobiographique aussi. Il débute près de Saint Nazaire où, dû à une malformation d‘une jambe, Patrick Deville passe son enfance plâtré et cloîtré dans sa chambre au Lazaret, un hôpital psychiatrique où son père et son frère y sont administrateurs. Il lit un livre d’aventure et tout en promenant son doigt sur un Atlas, il sait déjà que sa vie sera celle d’un grand voyageur à la découverte de la planète, une fois sa jambe guérie.
Au Lazaret, il lie affection avec un des malades mentaux, Taba-Taba, qui le hantera tout au long de ses souvenirs sans pour autant jouer de rôle prépondérant dans le livre sinon qu’après avoir déposé le fardeau de l’héritage, Taba-Taba restera toujours accroché dans l’esprit de l’écrivain. Alors, Deville décida de retrouver sa trace dans le passé et enfin en être délivré bien que je me suis dit que l’hyperactivité de l’auteur prolifique allait rebondir sur la continuation d’une histoire comme le mouvement d’un métronome sans fin. Comme Taba-Taba n’avait de cesse de se balancer d’avant en arrière en ne prononçant que ces deux mots : « Taba-Taba » à qui Deville décida de tordre le cou, en subodorant son origine ce qui nous livre d’autres faits d’Histoire qui ont eu lieu à Madagascar, et ramener ce fantôme de là où il venait, comme un point final.
Bon… Moi, j’adore les écrivains qui m’embarquent dans leurs voyages et qui me gorgent d’Histoire et de connaissances bien qu’à vrai dire, j’étais parfois un peu essoufflée de suivre cet auteur d’un point à un autre du globe avec des allers et retours dans les dates et les distances géographiques, dans le temps et l’espace. Essoufflée mais époustouflée aussi, devant un tel travail d’écriture ! Un livre d’exception que je recommande à tous ceux friands de voyages et d’actualités.
Patrick Deville nous livre une œuvre titanesque, un texte érudit comme une vague géante d’actualités nationales et internationales du Second Empire à 2017 avec des informations oubliées ou des explications absentes de nos livres scolaires et ce, avec un talent d’écrivain remarquable et remarqué. Il a reçu le Prix Ulysse 2014 pour l’ensemble de son œuvre.
Il est toujours difficile d’expliquer et surtout de résumer ces livres quand l’auteur vous parle au rythme de ses pensées, de son cerveau, de ses déplacements. Toujours est-il qu’après une semaine passée à l’écouter, je ressens un vide… Comme un ami conteur parti.
Ouvrir ce livre, c’est partir pour une longue quête sur les pas d’un Patrick Deville (Peste et Choléra) qui accumule les détails et les références historiques tout en suivant son parcours sur les traces de sa famille. Taba-Taba est son compagnon, son copain d’enfance, ce malade mental qui ne possédait plus que ces deux syllabes, victime d’un terrible traumatisme dont l’auteur ira chercher les explications jusqu’à Madagascar.
Tout part de Mindin, en face de Saint-Nazaire, près de Saint-Brévin-les-Pins, dans ce Lazaret dont l’auteur détaille toute l’histoire. Son père était l’administrateur de ce lieu prévu pour garder les malades contagieux en quarantaine lorsqu’ils arrivaient en bateau, puis devenu hôpital psychiatrique. Enfant boiteux à cause d’un problème à la hanche, l’auteur subit une greffe osseuse et reste un an et demi allongé, immobile, dans une coquille de plâtre : « Je menais l’existence d’un petit vieillard reclus. » Il en profite pour apprendre à lire et dévore tellement d’ouvrages de toutes sortes qu’il est dispensé de scolarité.
Dès que Patrick Deville évoque un lieu, un événement, il embraye aussitôt sur des souvenirs ou sur l’histoire de ceux qui sont passés par là. D’ailleurs, il peste contre ceux qui vivent dans un lieu sans s’intéresser à son histoire : « Mon étonnement est grand, souvent, qu’on puisse vivre devant un monument sans jamais s’interroger. » C’est souvent passionnant. Je voudrais tout retenir mais c’est un peu lassant lorsque cela devient systématique car l’auteur voyage énormément à travers le monde aussi bien en Asie qu’en Afrique ou en Amérique, sans oublier un beau chapitre sur le Vercors.
Il évoque aussi de nombreux artistes et écrivains comme « Roman Kacew, habitué des pseudonymes, de Shatan Bogat, plus tard d’Émile Ajar, avait publié son roman Direct Flight to Allah sous celui de René Deville. C’est sous celui de Romain Gary qu’il avait écrit cette phrase : « Je n’ai pas une seule goutte de sang français mais la France coule dans mes veines. » Plus loin, il cite une phrase d’un juif de Lituanie, phrase à mon avis essentielle : « Le patriotisme c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres. »
C’est grâce aux archives de sa famille, bien conservées par Monne, sa tante Simonne, que Patrick Deville peut retrouver le parcours des deux générations qui l’ont précédé mais il remonte aussi plus loin dans le passé. Tout y est, journaux, factures, courrier. Avec une infinie patience, il se plonge dedans, loue une voiture, refait le parcours, depuis la Première guerre mondiale jusqu’à nos jours, se replonge dans les documents attestant d’un passé riche et sans cesse bousculé par les aléas de la vie et de l’Histoire.
Poussés par les secousses tragiques des deux guerres et la recherche d’un travail, ses grands-parents ont vécu dans des lieux très différents, du nord au sud et d’est en ouest du pays.
La prose de l’auteur est dense, toujours très documentée, pleine de digressions, de réflexions toujours bien senties. L’actualité interfère aussi avec ces attentats qui se multiplient à travers le monde faisant de Taba-Taba un livre nécessaire aujourd’hui.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
On se perd un peu dans ce livre foisonnant d'un xénophile passionné par la période historique qui va du Second Empire à nos jours. Le titre du livre est le nom d'un malade mental du lazaret de Mindin, près de Saint-Nazaire où l'auteur a passé sa petite enfance, qui se balance doucement en disant "Taba Taba".
On voyage sans cesse avec l'auteur et dans le temps et dans l'espace et on apprend plein de choses passionnantes. Il faut se laisser bercer ...
Je qualifierais ce roman d’ode à l’hippocampe cérébral, cette structure du cerveau qui joue un rôle central dans la mémoire et la navigation spatiale.
Car ce livre condense la mémoire de l’Histoire des 19e, 20e et 21e siècle en résumant les grands événements mondiaux ; en effectuant des rapprochements avec l’actualité.
De plus, le narrateur voyage au fil des pages : Lafrançaise (dans le Tarn-et-Garonne), les Vosges, mais aussi Saigon ou Antananarivo, et j’en oublie tellement.
Pourtant, le narrateur ne peut oublier celui qu’il a baptisé Taba-Taba et auprès de qui il s’asseyait, enfant, sur les marches de l’asile psychiatrique. Taba-Taba répétait cet alexandrin : Taba-taba-taba / Taba-taba-taba. Jamais il ne bougea, jamais il ne dit autre chose. Ainsi, l’auteur embrasse dans cette somme les deux pôles de l’humanité.
Je dois confesser que ce roman (mais je pose la question : est-ce réellement un roman ?) est parfois ardu à lire : tant de détails historiques, tant de pays dans une seule page, j’ai failli en perdre mon latin.
J’aurais aimé plus de romanesque : en apprendre plus sur la vie du narrateur au temps de Taba-Taba, sur les amours de ses parents, sur sa propre relation avec Yersin.
Une lecture en demi-teinte, donc, dans laquelle si je n’ai pas trouvé de souffle romanesque, j’ai au moins trouvé un souffle historique.
L’image que je retiendrai :
Celle du gymnaste, comprenez le grand-père du narrateur, sur les routes tout au long de sa vie pour fuir la guerre.
Quelques citations :
« Les livres sont des rapaces qui survolent les siècles, changent parfois en chemin de langue et de plumage et fondent sur le crâne des enfants éblouis. Des années encore et je lirai cette phrase du Journal d’un lecteur d’Alberto Mangel : « Pour Machado de Assis, de même que pour Diderot et Borges, la page-titre d’un livre devrait comporter les deux noms de l’auteur et du lecteur, puisque tous deux en partage la paternité.’ (p.26-27)
« (…) je tentais de saisir la simultanéité du monde pendant ces quelques journées. » (p.204)
« Les maquis ne cessent de harceler les Allemands qui ne cessent de martyriser les civils. C’est la grande question de la violence dans l’Histoire résolue depuis la Révolution française. Le droit ne s’installe pas par les moyens du droit. L’action terroriste illégale peut n’être pas illégitime. » (p.262)
http://alexmotamots.fr/taba-taba-patrick-deville/
Etrange titre, qui ne dévoile absolument pas le contenu du livre.
Taba-Taba est simplement le nom d'un homme (dont au final on ne sait rien), qui se balance toute la journée dans un établissement de santé (lazaret) au rythme de ce mantra. Taba-Taba c'est le compagnon de Patrick Deville enfant, dont le père dirigeait cette institution.
Taba-Taba est le point de départ, le prétexte, pour dérouler sur plus de 400 pages l'histoire de la famille Deville, de Napoleon III à nos jours.
Voila le livre; enfin, voila le sujet du livre. On se doute bien que, sur plus plus de 400 pages, le lecteur va aller un peu plus loin que l'évocation d'une histoire familiale sur les dernières génération. Patrick Deville brosse le portrait de la France, se positionne entre historien et biographe, se promène dans les décennies avec une facilité époustouflante.
De pages en pages, de chapitres en chapitres se déroule sous nos yeux le "roman national", et ses ramifications internationales. C'est une immense toile d'araignée, un livre aux multiples entrées et à plusieurs niveaux de lectures. On peut y voir une chronique personnelle, mais également une appréhension de la mondialisation, un témoignage de notre temps à la lumière de notre passé.
Avec ce roman, Patrick Deville se place dans une tendance actuelle des auteurs qui "font mémoire" d'un passé et qui s'appuient soit sur leur propre histoire comme ici, soit sur du romanesque comme chez d'autres auteurs (dans un style très différent on pense à Hélène Gestern, Anne-Marie Garat, Eric Vuillard)
Petit bémol à trop vouloir brouiller les frontières entre histoire intime et histoire nationale, l'auteur oublie un peu son lecteur, comme si le sujet même du roman n'avait plus d'importance, comme si les chapitres étaient des pages de son journal intime. Sur la longueur le livre, de fait, se traine et laisse un sentiment mitigé. Reste bien sur le style impeccable, irréprochable et si bien utilisé pour restituer l'intime et la sensibilité de l'auteur.
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