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« Maintenant, ils se demandent tous d'où ils viennent, qui ils sont et ce qu'ils font ici, ils essaient de montrer qu'ils sont français ou, au contraire, qu'ils ne sont pas français, ils se raccrochent de plus en plus à leurs lois, leurs coutumes, leurs traditions ou leurs tribulations, leurs coiffures et leurs parlures, leurs régions, leurs religions. Ils sont fiers des empires de leurs pères et des serments de leurs frères. C'est le ramdam des mémoires, le grand tumulte mémoriel : l'une contre l'autre, elles s'épaulent tout en se poussant du coude, elles se soudoient mais elles se montrent du doigt... Plus personne ne sait comment se souvenir ou comment oublier, plus personne ne sait comment être français. »
Brouillage du message entre l’émetteur et le récepteur ! Si l’on applique cette loi de la communication à la chose littéraire, il appert que l’auteur écrit un livre quand le lecteur en lit un autre… Je ne suis pas très sûr de ce que j’ai lu avec “Sympathie pour le fantôme” : un roman à l’intrigue ténue, une farce grinçante sur les mœurs “colloqueuses” des universitaires, un brillant récit de la vie nocturne à Tokyo, et – introduit par le prologue – un essai décalé sur l’identité nationale.
Le narrateur (qui parle à la première personne) est Français professeur de littérature à l’université de Tokyo. Rompu à l’expression audio-visuelle, il est chargé d’écrire le script d’une émission spéciale à l’occasion du 150e anniversaire des relations franco-nippones ; elle sera diffusée dans le cadre d’un prime-time qui fait la réputation de la chaîne. Au grand dam de l’ambassade, il choisit – intellectuel français donc frondeur – trois personnages à la marge de son Histoire pour signifier l’identité française. D’abord, Ambroise Vollard marchand d’art : le plus connu, son nom est associé à l’éclatante période Impressionniste. Ensuite, une mulâtresse : Jeanne Duval, dont le rôle d’inspiratrice joué auprès de Baudelaire est oublié par la doxa. Le troisième est un inconnu, un orphelin fils d’esclave, initié à l’horticulture par son maître, il invente en 1841 à douze ans la procédure artificielle de fructification de la vanille. Découverte décisive rapidement détournée au profit de hauts personnages – vous pensez un petit Nègre !
Si la raison ne trouve pas son compte dans ce livre composé de bric et de broc, la passion prend plaisir à cheminer dans ce bric-à-brac subtilement “musiqué” – expression de l’auteur – et écrit d’une plume émoustillante.
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