"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Michael Ferrier relate le cataclysme qui a frappé le Japon le 11 mars 2011 et ses conséquences. À coups de chiffres et de témoignages, il nous aide à mieux appréhender ce désastre. La poésie et l'espoir sont malgré tout très présents dans ce livre.
Michaël Ferrier vit à Tokyo où il enseigne la littérature ; les livres que lui inspire son pays d'adoption sont remarquables. Fin connaisseur de la littérature japonaise, il s'inspire de Notes d'Hiroshima de Kenzaburō Ōe pour exprimer à coup de notations rapides le désastre qui s'est abattu sur le Japon à partir du 11 mars 2011.
De cette tragédie en trois actes, il tire la structure de son texte : le séisme qu'il a ressenti depuis la capitale, le tsunami dont il découvre l’œuvre de destruction en se rendant sur place au Tōhoku , la catastrophe nucléaire sur laquelle il poursuit son enquête pendant quelques mois. Observations, rencontres, témoignages, anecdotes, explications, commentaires font l'objet de courts paragraphes dont l'enchaînement serré crée un rythme haletant qui restitue le contexte dramatique. Des allusions à la double culture de l'auteur élèvent le débat et enlèvent le récit sur un mode incantatoire qui m'a bouleversé.
La dernière partie élargit la réflexion aux apprentis-sorciers qui manipulent l'atome contre toute sagesse. Il l'intitule la demi-vie, jouant de ce vocable indicateur de désintégration des produits et déchets nucléaires ; dans lequel il voit une métaphore de la menace qui plane sur le Japon désormais, avec "[son] citoyen lambda, qui deviendra bientôt citoyen gamma." Message adressé en deçà et au delà des frontières nippones !
Brouillage du message entre l’émetteur et le récepteur ! Si l’on applique cette loi de la communication à la chose littéraire, il appert que l’auteur écrit un livre quand le lecteur en lit un autre… Je ne suis pas très sûr de ce que j’ai lu avec “Sympathie pour le fantôme” : un roman à l’intrigue ténue, une farce grinçante sur les mœurs “colloqueuses” des universitaires, un brillant récit de la vie nocturne à Tokyo, et – introduit par le prologue – un essai décalé sur l’identité nationale.
Le narrateur (qui parle à la première personne) est Français professeur de littérature à l’université de Tokyo. Rompu à l’expression audio-visuelle, il est chargé d’écrire le script d’une émission spéciale à l’occasion du 150e anniversaire des relations franco-nippones ; elle sera diffusée dans le cadre d’un prime-time qui fait la réputation de la chaîne. Au grand dam de l’ambassade, il choisit – intellectuel français donc frondeur – trois personnages à la marge de son Histoire pour signifier l’identité française. D’abord, Ambroise Vollard marchand d’art : le plus connu, son nom est associé à l’éclatante période Impressionniste. Ensuite, une mulâtresse : Jeanne Duval, dont le rôle d’inspiratrice joué auprès de Baudelaire est oublié par la doxa. Le troisième est un inconnu, un orphelin fils d’esclave, initié à l’horticulture par son maître, il invente en 1841 à douze ans la procédure artificielle de fructification de la vanille. Découverte décisive rapidement détournée au profit de hauts personnages – vous pensez un petit Nègre !
Si la raison ne trouve pas son compte dans ce livre composé de bric et de broc, la passion prend plaisir à cheminer dans ce bric-à-brac subtilement “musiqué” – expression de l’auteur – et écrit d’une plume émoustillante.
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