"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Souvenirs dormants suit la trace de six femmes, rencontrées puis perdues de vue, autour du début des années 60. La première et la deuxième, vagues relations de son père et de sa mère, sont surtout des prétextes de fugue, pour échapper à la tutelle de ses parents. La troisième se prénomme Geneviève Dalame. Elle appartient au milieu ésotérique et lui fait rencontrer Madeleine Péraud et Madame Hubersen qui fréquentent les mêmes cercles. Des trois, celle qui le marquera le plus est certainement Geneviève Dalame, la « somnambule », qui semblait marcher à « côté de sa vie ». C'est d'ailleurs la seule qu'il retrouve, six ans plus tard, au détour d'une rue, accompagnée d'un enfant.Le cas de la dernière, dont il tait le nom, est encore bien différent. Il l'a vu tirer sur un homme dans une soirée, et s'est rendu complice d'elle en organisant sa fuite, jetant son arme et lui servant de couverture pendant une sorte de cavale de plusieurs semaines. L'inquiétude d'une arrestation ne le quittera pas jusqu'à ce qu'il la recroise, vingt ans après, aux Buttes Chaumont.Parfaite illustration de « cet art de la mémoire » qui lui a valu le prix Nobel de littérature, Souvenirs dormants peut se lire comme un roman d'apprentissage, une éducation sentimentale, un précis sur le souvenir, un mystérieux traité d'ésotérisme. Un livre magnifique porté par une méditation troublante sur la répétition, les « éternels retours » dans la vie et l'écriture.
Lire un ouvrage de Patrick Modiano , c’est se promener dans un jardin anglais . C’est à la fois fantaisiste , coloré , poétique et surprenant ... tout cela dans la douceur d’un autre temps ... L’ambiance y est toujours dépaysante et le lecteur se laisse emmener au gré des phrases en toute confiance.
Je trouve que l'auteur n'a pas choisi ses meilleurs souvenirs.
Certes le livre est bien écrit, les histoires bien scindées mais ce ne sont pas , en ce qui me concerne, des histoires qui accrochent la lectrice que je suis.
C'est vrai que Patrick Modiano évoque des souvenirs lointains qu'il est lui même étonné de se les remémorer.
104 pages qui se lisent rapidement même si j'ai été obligée de me forcer pour terminer.
Il faut prendre ce petit livre de Patrick Modiano comme un bouquet délicieux puisque cet auteur nobélisé n’a pas son pareil pour puiser dans ses souvenirs, les reliant chaque fois à des lieux de sa bonne ville de Paris. Souvenirs dormants réveillent une époque lointaine. Il avait 14 ans et marchait dans les rues. C’était en 1959. Sa mère jouait au théâtre et son père vaquait à ses affaires…
« Paris, pour moi, est peuplé de fantômes » et les tableaux du métro avec des points lumineux qui s’allumaient lorsqu’on appuyait sur le bouton permettant de trouver une correspondance à ne pas manquer, lui rappellent cette femme, Mireille Ourousov et son mari, Eddie.
Plus loin, plus tard, en 1964, il continue à explorer Paris et Patrick Modiano (Dora Bruder) l’avoue : « Je m’étais inscrit à la Sorbonne juste pour prolonger mon sursis militaire, mais je n’assistais jamais aux cours. » Il travaillait pour quelques libraires et était inscrit à la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) en tant que parolier pour des chansons.
Les mystères de Paris l’attirent. Une certaine Geneviève Dalarme qui travaille pour les studios Polydor, lui présente son frère, un drôle d’olibrius dont il aura toutes les peines du monde à se débarrasser.
Des noms reviennent à sa mémoire. Une sombre histoire de meurtre, de revolver jeté dans une poubelle pour sauver cette Martine Hayward qui dit avoir tué Ludo F. Puis, le temps s’écoule, inexorable : « À mesure que passent les années, vous finissez sans doute par vous débarrasser de tous les poids que vous traîniez derrière vous et de tous les remords. »
Un petit détour par les sciences occultes, quelques titres de livres de chevet et ces Souvenirs dormants m’ont procuré un moment de grâce aux côtés d’un auteur dont la lecture repose et enchante.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Nouvel opus dans la recherche du temps de Patrick Modiano. Travail et sans doute devoir de mémoire de l'auteur qui envoûte toujours de la même manière son lecteur, tout comme l'est son personnage principal et alter-ego par les femmes qui traversent cette part de vie sans avant ni après vraiment visibles. Grande démonstration de littérature minimaliste mais magnifique de précision et d'émotion retenue.
Je ne vais pas vous dire qu'avec Modiano on lit toujours le même roman, tout simplement parce que j'ai lu très peu de textes de cet auteur. Je les ai aimés mais pour des raisons, je dirais, non objectives : parce qu'il parle de Paris qui correspond chez lui à une espèce de géographie mentale. Il y a ses repères : quartiers, noms de rues, de boulevards, squares, immeubles, hôtels, cinémas, théâtres, lieux qui aident sa mémoire à fonctionner, lieux de souvenirs qui se réveillent lorsqu'au détour d'une déambulation incertaine, il passe, par hasard ou bien guidé par une volonté inconsciente, devant une porte connue, un café familier.
Paris est, pour Modiano, le lieu de l'enfance et de l'adolescence, de sensations inscrites au plus profond de lui-même, d'impressions indélébiles à l'origine même de son écriture : sentiment d'errance solitaire, de peur, d'abandon certainement.
Et il se trouve que cette espèce de « communion » qu'il vit avec Paris, je la partage. Je ne vis pas à Paris, j'allais écrire hélas mais j'ai appris à ne plus le faire. Résignée ? Peut-être. Mais c'est comme ça. J'y suis née, j'y ai vécu petite, j'y ai traîné ado, j'y ai fait mes études et c'est dans ces lieux que j'ai fixé mes premières impressions, celles qui demeureront à jamais. Hasard des mutations, il m'a fallu quitter cette ville que j'aimais. J'y retourne régulièrement mais je n'y vis pas. Parfois, je déambule aussi sur Google Map, découvre des coins inconnus que je vais voir « en vrai » plus tard, dès que les vacances arrivent. J'ai donc ce rapport très fort à Paris. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas objective : aimerais-je Modiano s'il parlait de Toulouse ou de Rennes ? Franchement, je n'en suis pas certaine.
Souvenirs dormants retrace donc l'évocation de six rencontres, parfois des retrouvailles, six femmes que le narrateur a croisées alors qu'il avait entre 15 et 22 ans, était un étudiant qui n'étudiait pas, six femmes que des lieux semblent ressusciter, remonter à la surface de la mémoire « comme des noyés au détour d'une rue ». Six femmes ET leur adresse comme si Modiano avait besoin de repères fixes auxquels se raccrocher, comme si elles ne pouvaient exister qu'en étant inscrites dans une géographie parisienne précise : Mireille Ourousov, appartement de la mère quai de Conti, Geneviève Dalame, hôtel de la rue d'Armaillé, Madeleine Péraud, 9 rue du Val-de-Grâce, Madame Hubersen (le narrateur connaît son adresse), Martine Hayward, 2 avenue Rodin.
Si pour X raisons, elles changent d'arrondissement, elles sombrent dans l'oubli, n'existent plus, leur disparition est un mystère qu'il faut élucider. Chez Modiano, on ne se perd pas dans le monde mais dans les rues de Paris.
D'ailleurs, retrouver une adresse, c'est reprendre ancrage, retrouver ses marques, autrement dit, revivre : « Mais, en sortant de l'immeuble, je ne voyais plus vraiment la raison d'être triste. Pour quelques mois encore ou, qui sait ?, quelques années, malgré la fuite du temps et les disparitions successives des gens et des choses, il y avait un point fixe : Geneviève Dalame. Rue de Quatrefages. Au numéro 5. »
Que dit-il de ces femmes ? Pas grand-chose ou des choses qu'on oublie après les avoir lues...
Qui sont-elles d'ailleurs, qu'ont-elles été pour le narrateur ? On ne le sait pas. Cinq sont nommées, la dernière (qui loge à St-Maur) restera anonyme car elle a commis un meurtre et le narrateur l'a aidée à fuir. Il n'y a peut-être pas encore prescription alors, il vaut mieux cacher le nom.
Réalité, fiction ? Que sont ces vagues souvenirs vieux de cinquante ans, images des années 50, 60 qui le hantent, qu'il essaie de comprendre ? Pourquoi ces obsessions, pourquoi ces mêmes noms qui reviennent dans les mêmes livres comme s'ils nous menaient (le menaient) vers une même énigme à élucider : une jeunesse douloureuse (sentiment d'abandon, volonté de fuir), une mère absente (elle est actrice, à Pigalle, au théâtre Fontaine ; est-elle celle qu'il recherche à travers toutes ces femmes ?), un père occupé à des affaires plus ou moins louches ? « Et vos parents ? » lui demande une de ces jeunes femmes « Je me suis brusquement rendu compte qu'à mon âge j'aurais pu avoir des parents qui m'auraient apporté une aide morale, affective ou matérielle. » Oui, il « aurait pu »…
Ces femmes semblent des repères auxquels le narrateur s'accroche, des points fixes dans une vie où le temps a effacé les visages et les paroles. De même qu'il est fasciné par ces anciens plans de métro où il suffisait d'appuyer sur une touche pour voir notre trajet éclairé par des petites ampoules colorées, trajet qui soudain semblait clair et limpide (ce que ne fut pas sa vie, loin de là), ces femmes sont des points fixes dans un passé qui s'efface chaque jour de plus en plus.
« J'ai pensé de nouveau à ces tableaux près des guichets du métro. A chaque station correspondait un bouton sur le clavier . Et il vous fallait presser le bouton pour savoir où vous deviez changer de ligne. Les trajets s'inscrivaient sur le plan en traits lumineux de couleurs différentes. J'étais sûr que dans l'avenir, il suffirait d'inscrire sur un écran le nom d'une personne que vous aviez croisée autrefois et un point rouge indiquerait l'endroit de Paris où vous pourriez la retrouver. »
« l'endroit de Paris » : chez Modiano, on ne quitte pas Paris et si on se risque à mettre un pied en dehors de la capitale, on tombe définitivement dans l'oubli. (Il m'énerve parfois et en même temps, c'est exactement pour ce genre de déclarations que je l'aime!)
Madeleine Péraud (une des femmes évoquées) dit en parlant de son amie, Geneviève Dalame, qu'elle est « absente de sa vie », qu'elle « marche à côté de sa vie » « Elle ne vous a jamais fait penser à une somnambule ? » demande-t-elle au narrateur.
C'est aussi l'impression que le narrateur (Modiano?) me donne à travers cette errance récurrente, obsessionnelle et follement inquiète, cette recherche sans fin et très incertaine, ces oublis douloureux, ces absences malgré les repères auxquels il s'accroche, les traces qu'il recherche mais qu'il ne retrouve pas nécessairement tellement Paris change.
Il dit souhaiter vivre une espèce de rêve éveillé que l'on pourrait diriger à sa guise, de « rêve lucide » à la manière d'Hervey de Saint-Denys dont il dit aimer le livre : Les Rêves et les moyens de les diriger; vivre une espèce de « rêve éveillé » dans des lieux qui gardent l'empreinte de ceux qui y sont passés autrefois et de leurs mystères (mystères des origines pour Modiano).
Cela revient-il à refuser sa vraie vie, à se protéger en restant à côté, en se retenant de fuir ou de basculer dans l'abîme ? Il y a comme une impossibilité chez Modiano d'adhérer complètement au moment présent comme s'il vivait toujours un autrefois, un avant, comme si les voix qui lui parvenaient n'étaient pas celles des gens vivants. C'est peut-être pour cela qu'il lui faudrait peut-être une deuxième vie, semblable à la première pour enfin parvenir à « en profiter » et éventuellement, être heureux : « si l'on pouvait revivre aux mêmes heures, aux mêmes endroits et dans les mêmes circonstances ce qu'on avait déjà vécu, mais le vivre beaucoup mieux que la première fois, sans les erreurs, les accrocs et les temps morts… ce serait comme de recopier au propre un manuscrit couvert de ratures… »
Recommencer la même chose autrement ?
Pas sûr que je le suivrais sur ce chemin-là...
LIRE AU LIT : http://lireaulit.blogspot.fr/
Souvenirs fragmentés. Réminiscence des années 60. Toujours à Paris bien qu’on va aussi à Boulogne, à Versailles, à Saint Maur. Des allers-retours. Rapides. Éternelle errance parisienne « Je passais la plupart de mes journées dehors, dans les rues et dans les lieux publics, cafés, métros, chambres d’hôtel, salle de cinéma. »
Fuite, solitude. « Tant de mensonges déjà pour me débarrasser des gens, tant d’immeubles à double issue pour les abandonner sur un trottoir, tant de rendez-vous auxquels je n’allais pas. »
Des femmes. Mireille Ouroussov, Geneviève Delame, Madeleine Péraud, Martine Hayward, Madame Hubersen…
« Il faut que je rentre chez moi, lui ai-je dit. C’est juste ici à droite…
« Soyez gentil de m’accompagner jusqu’à Versailles.
J’ai été tenté d’ouvrir la portière et de prendre congé. Mais je me suis dit que j’avais tout le temps de le faire pendant le trajet jusqu’à Versailles. (…) Nous avons fait halte à un autre feu rouge tout près du restaurant La Passée. Sur le parcours –me suis-je dit- d’autres feux rouges me permettraient de quitter cette voiture. »
« (…) Depuis l’âge de onze ans, les fugues ont joué un grand rôle. Fugues des pensionnats, fuite de Paris par un train de nuit(…) rendez-vous auxquels je ne me rendais pas ou phrases rituelles pour m’esquiver (…) et cette promesse que j’ai dû faire des dizaines et des dizaines de fois, sans jamais la tenir : Je reviens tout de suite. »
Un mort… Un revolver aussi… jeté au fond d’une poubelle, devant le musée de la Marine, place du Trocadéro. « Quelque temps encore après cet événement, j’étais souvent réveillé en sursaut par des coups de feu et, au bout d’un instant, je me rendais compte que ces coups de feu n’avaient pas été tirés dans la vraie vie mais dans mon rêve. Chaque jour, à la sortie de l’hôtel Alsina, j’allais acheter les journaux dans un petit magasin de la rue Caulaincourt – France-Soir, L’Aurore, ceux où l’on trouvait les faits divers-, et je les lisais sans qu’elle le sache, pour ne pas l’inquiéter. Rien au sujet de Ludo F. Apparemment, il n’intéressait personne. » Rêve, réalité, mémoire fragile…
« Geneviève Delame m’a dit : ‘C’est mon frère.’(. ..) Il m’a demandé ce que je faisais dans la vie et je lui ai répondu de manière évasive (…) Il a voulu accompagner Geneviève Delame à son bureau, et nous avons longé le terre-plein du boulevard. .. Puis elle nous a laissé devant la porte des Studios Polydor… Je me suis donc retrouvé seul avec cet individu en blouson léopard. La neige avait commencé à tomber en flocons très mouillés, presque des gouttes de pluie (….) J’ai eu envie de le semer en courant jusqu’à la bouche du métro Chevaleret à quelques centaines de mètres. J’ai descendu l’escalier sans lui dire au revoir et sans me retourner et je me suis glissé sur le quai de la station à l’instant où le portillon se refermait. »
Sauf que la station Chevaleret se trouve sur une des lignes aériennes du métro parisien et que l’on doit monter l’escalier pour rejoindre le quai… Et cela m’a rappelé que j’étais dans le vaste monde de l’imaginaire de Patrick Modiano et du grand flou de sa mémoire mais se rappelle-t-on cinquante ans après, des escaliers d’une station de métro, du nom des gens qu’on a rencontrés, des visages sur les noms d’ un vieux répertoire, d’une maison dont avait noté le trajet sur une carte… Il y a si longtemps… Tout s’estompe avec le temps mais des personnes qu’on aurait oubliées, qu’on aurait voulu oublier, peuvent ressurgir... «… comme des noyés, au détour d’une rue, à certaines heures de la journée. »
« Dans vos souvenirs, se mêlent des images de routes que vous avez prises et dont vous ne savez plus quelles provinces elles traversaient. »
Hôtels, garnis, boulevards, places, métros, taxis, femmes, enfance, jeunesse, toujours le drôle de père et ses amis bizarres, les bribes de phrases qui ne donnent aucune réponse au mystère sinon attiser l’imagination, marché noir et fausse identité, rêves, quartiers, Paris et ses quat’ saisons, carnets de notes, encre bleue... Souvenirs éveillés, réveillés, endormis… « Souvenirs dormants » c’est du grand Modiano ! Un caviar pur jus !! Une luxueuse gourmandise.
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