"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«C'est pas la Corse ici. On te tue pas. C'est plus subtil. C'est sournois. La peur...» Depuis les années 1960, le «système» agro-industriel fait naître des empires transnationaux et des baronnies rurales. Il crée des usines et des emplois. Il entraîne la disparition progressive des paysans, l'asservissement de nombreux salariés de l'agroalimentaire, l'altération des écosystèmes et la généralisation de la nourriture en boîte. Il s'impose au nom de la realpolitik économique et de la foi dans une certaine idée du « progrès ». Il prospère grâce à la bienveillance, l'impuissance ou la lâcheté des autorités. Il engendre ses propres mythes, capables de façonner durablement les mentalités. Il enrichit considérablement une minorité, alors que certains se contentent de survivre grâce aux subventions ou doivent s'estimer heureux parce qu'ils ont un travail. Il fait taire des récalcitrants à coups de menaces, de pressions, d'intimidations, de calomnies ou de sabotages. La violence est son corollaire. Le silence, son assurance-vie. Comment le définir ? «Féodalité», répondent les uns. «Esclavage moderne», disent les autres. «Oligarchie» ou «mafia», jurent certains... Enquête au long cours jalonnée de témoignages saisissants, Silence dans les champs est une immersion glaçante dans le principal territoire agro-industriel de France : la Bretagne.
Le système agro-industriel et ses baronnies rurales.
L’auteur tient ses engagements ; les mots en 4ème de couv sont minutieusement développés dans le livre. On plonge la tête du lecteur dans l’asservissement mais aussi la disparition des paysans, dans l’altération des écosystèmes autant que dans la généralisation de la nourriture en boites. Pressions, calomnies autant que sabotages sont à l’oeuvre sous couvert du progrès. Mais à l’envers de la face violente de cette médaille il y a le silence, celui qui fait de lui une assurance vie.
Nicolas Legendre nous balade dans un monde que beaucoup d’entre nous suspectent mais ne connaissent pas. L’auteur démontre à quel point les sociétés actuelles sont ligotées par le système agro-alimentaire qu’elles ont créent. Oui, ligotées elles le sont et c’est nous qui sommes obligés de faire avec. Que nous en soyons conscients ou pas encore suffisamment, le retour en arrière est peu probable. Si seulement nous pouvions ne serait-ce que stopper cette machine infernale, là, de suite. Mais même cela ne semble plus réalisable. En lieu et place on nous vend un monde en roue libre.
Les lobbies sont-ils vraiment inarrêtables ? Le mouvement « Soulèvements de la terre » ferait mieux de s’attaquer à eux plutôt qu’aux stèles de nos résistants. Courageux comme ils le sont, ils pourraient enfin réveiller les consciences en attaquant par là où ça fait mal, au porte-feuille plutôt qu'aux monuments culturels.
La pointe bretonne est particulièrement ciblée, mais ça on s’y attendait. J’adore cette région, sa culture, ses racines mais elle a hélas, aussi, ce côté obscur.
Les promesses de la technologie y ont été particulièrement mises à profit. Tout doit y pousser, y proliférer le plus vite possible ; animaux, légumes, fruits et donc argent et capitaux.
A part quelques témoignages un peu redondants et une écriture narrative plutôt moyenne, ce livre a sa place auprès des jeunes afin que ceux-ci puissent se faire une meilleure idée du système que celle rencontrée via les réseaux sociaux. Il leur permettrait de se faire une opinion plus juste de l’état des lieux. L’angle mafieux de ce système y est largement développé et rendu intelligible. L’analyse donne parfois la nausée. Les noms des grands pontes cités ont pignon sur rue dans leurs communes ou fonctions. Ça plait ou pas, mais je crois qu’on se doit de regarder la vérité en face. Ne pas gémir, mais être au courant des détails, du moins ceux que l’auteur a réussi à faire émerger.
A mon sens, les qualificatifs d’ ‘’édifiant’’ et ‘’courageux’’ conviennent au livre-enquête de Nicolas Legendre. L’auteur a cité, listé, nommé : même pas peur.
Il faut cependant s’accrocher pour aller jusqu’au bout de ce que je nomme ‘’une réalité pessimiste’’. Disons qu’il est bon de connaitre un peu plus précisément le rouage et les conséquences de la mondialisation sur le secteur agricole. N’en lire ne serait-ce que quelques chapitres, apportera au lecteur une culture juste des noms et des données relatives à ce secteur.
Citations :
« Les ‘’gagneurs’’ ne sont pas nécessairement ceux qui vivent le plus confortablement ni les plus heureux. Agrandissement et endettement, présentés comme des buts ultimes, vont souvent de pair avec des marges de manoeuvre réduites… ils font l’expérience du Struggle for Life (lutte pour la vie) cher aux économistes libéraux et aux biologistes darwiniens (=productivisme agricole) »
« C’est un cercle vicieux, jusqu’au moment ou ça disjoncte. Je connais plusieurs grandes fermes de 150 hectares où il y a beaucoup de souffrance. Les gens sont bousillés par le principe de Peters : ils sont allés au-delà de leurs capacités. Le meilleur éleveur que j’ai il a seulement 25 hectares et quarante vaches…il a une meilleur maîtrise ….et il a beaucoup de temps libre.»
« Le sponsoring de clubs sportifs et le mécénat artistique témoignent aussi de la force de frappe financière des grands noms de l’agro-industrie. Les trois équipent de football bretonnes évoluant en ligue 1 durant la saison 2022-2023 arborent le logo d’au moins un acteur agroalimentaire du cru. Le président du Stade brestois, Denis Le Saint, est à la tête du leader français de la distribution de produits frais… »
Sans doute ma plus belle lecture de l'année 2023 !
Le sujet est très sérieux, très grave aussi. Nicolas LEGENDRE m'a emmené dans un monde que je croyais bien connaître, disons que je suis comme beaucoup je constate les dégâts que l'oeil nu peut voir, l'oreille peut entendre et le nez sentir... Alors, c'est une enquête qu'a menée Nicolas LEGENDRE qui met en exergue tout ce qui ne se voit pas, ne s'entend et ne sent pas. Page-turner, bien écrit, ce livre est une véritable nourriture que j'aurais aimée voir à la devanture de toutes les bonnes librairies en milieu rural et milieu urbain. Là, par les temps qui courent, j'ai bien conscience que c'est utopie.
Véritable découverte. Un gros coup de cœur pour ce documentaire, écrit par un Breton, véritable coup de poing en découvrant l'envers du décor, la face cachée de cette industrie agroalimentaire, de cette agriculture.
Nicolas LEGENDRE a réalisé un vrai travail d'enquête, a ouvert les portes, les usines, a fait parler les agriculteurs, a réussi à les mettre en valeur, à leur faire exprimer leur mal-être, la pression subie par les grands groupes, les coopératives, les banques.
La lecture nous divulgue des noms, des moments importants de l'agriculture bretonne, des manifestations, les conséquences de telles ou telles décisions prisent par ces acteurs de l'ombre, qui travaillent pour nous nourrir, jusqu'à en laisser leur vie.
Merci Nicolas LEGENDRE de nous faire ouvrir les yeux à travers ces quelques lignes.
Chapeau bas à vous tous, agriculteurs, cultivateurs, éleveurs.
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