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« Comme moral et comme talent, ce Rimbaud est une monstruosité. Il a la mécanique des vers comme personne, seulement ses oeuvres sont absolument inintelligibles et repoussantes. » Voici comment Arthur Rimbaud est décrit dans un rapport policier de 1873. Arthur Rimbaud est ancré dans l'imaginaire collectif, mais son histoire réelle est méconnue du grand public. Il n'a jamais connu le succès, ses poèmes ne lui ont jamais rapporté le moindre sou, et il est pourtant aujourd'hui l'un des poètes les plus connus et reconnus dans le monde. Cette bande dessinée de 120 pages prend le parti de raconter les deux vies de Rimbaud : le jeune poète arriviste, en mal de reconnaissance, qui vit une liaison sulfureuse et destructrice avec Paul Verlaine, et le trentenaire fatigué d'écrire et de vivre, qui se tue à la tâche en Afrique.
J'ai souhaité dépeindre le poète tel qu'il était décrit par ses proches : tour à tour manipulateur, sans-gêne, parfois carrément grossier. Bien loin de l'image trop lisse et réductrice du jeune poète romantique... Romantique, celui qui poussa Verlaine à bout, jusqu'à ce que ce dernier craque et tire deux balles dans sa direction ?
Il s'agit ici (dans cette chronique) de la version reprise par Xavier Coste près de dix ans (donc en 2022) après sa première parution en 2013; et qu'il a remanié pour "mieux correspondre à son style actuel". A noter que la photo ci-dessus ne correspond pas à la version rééditée.
Effectivement la coloration devient plus brute, les traits parfois sont plus grossiers, des "frottis" peuvent donner l'impression d'une œuvre non finie, comme en suspension. Au final les dessins prennent en puissance ; planches et vignettes s'affirment comme des œuvres d'art. J'en afficherais volontiers dans ma bibliothèque ...
La première partie porte sur l'éclosion du jeune Rimbaud et sa rencontre avec Verlaine dont il deviendra effectivement "l'âme damnée" pour reprendre l'expression de la chronique de 2013 de Claude Stas. La deuxième partie montrera sa déchéance.
On connait un certain romantisme (de l'image) de Rimbaud et de sa puissance poétique. Un peu aussi de son histoire singulière avec Verlaine dans cet amour / attirance poussé dans tous ses retranchements. Mais Coste montre aussi que Rimbaud était vraiment un sale gosse, méchant, destructeur. Bref un mal être sous couvert affichée de pulsion de vie.
Cette mise à nu est aussi une marque de Xavier Coste qui avait dans son Schiele montré aussi la face sombre de cet autre créateur ; un peu comme si des artistes majeurs ont des travers aussi majeurs (on ne parlera pas de Gauguin avec les femmes, et d'autres ...).
Coste est un artiste qui se frotte à d'autres artistes et cela donne des œuvres marquantes. Alors il faut lire, relire, (re) découvrir.
Bien qu'il en avait la beauté, Arthur Rimbaud n'était pas un ange. Au contraire, cet homme au destin trop grand pour lui était bien un mauvais génie. Evidemment, il a écrit quelques-uns des poèmes les plus aventureux du XIXe siècle, initiant ainsi la poésie moderne. Mais, comme tout adolescent en rupture de ban, il a accumulé les esclandres, les insultes, les rixes, les scandales, les situations scabreuses. Rimbaud était l'artiste maudit par excellence, comme Vincent Van Gogh, dans un autre domaine. Incompris par sa mère, dégoutté de la vie étriquée en province, il trouva refuge chez Paul Verlaine dont il devint l'âme damnée, l'entraînant dans une relation presque sado-masochiste.
Après une époustouflante biographie du peintre Egon Schiele, Xavier Coste confirme son talent de narrateur et de dessinateur. Il n'hésite pas à nous décrire un personnage exécrable, arrogant, insupportable et destructeur. Rimbaud était un être hors normes, et par conséquent par bien des aspects, il était monstrueux. Et c'est en cela qu'il devient fascinant... Xavier Coste doit l'être également, fasciné, car il lui consacre un épais album, très luxueux, avec un graphisme teinté de romantisme, avec de larges aplats de couleur uniforme. Plusieurs pages, sans aucun phylactère, sont pleines, seulement visuelles. Elles ponctuent l'itinéraire de Rimbaud, en alternance avec d'importantes citations de ses écrits, de ses poèmes, de ses lettres. Pour se raréfier définitivement car Rimbaud avait eu des fulgurances littéraires (avant 20 ans) pour se dessécher ensuite, au propre comme au figuré ...
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