"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«- Thérèse... J'ai deviné, j'ai tout deviné. - Qu'est-ce que vous avez deviné ? - Vous... C'est le premier homme. - Vous avez bien deviné. C'est le premier homme. Il serra mes chevilles de toutes ses forces. L'idée qu'il me remerciait m'effleura. Marc se mit à songer par bribes à haute voix : - Le premier... Bien sûr le premier... Pourquoi... Il serra encore mes jambes : - Vous n'êtes pas de bois et vous n'aimez pas les hommes en particulier. - Je les aime, je les aime... Je le dis très vite parce que je me demandais si je mentais ou non.» Pour Thérèse qui aime Marc et Cécile d'une égale passion, tout sentiment est un couteau.
Amie de Simone de Beauvoir et auteure de plusieurs romans, Violette Leduc avait été oubliée. Je me souviens l’avoir découverte avec « La bâtarde » déniché chez un bouquiniste. (Que soient loués ici tous ceux qui offrent une seconde vie aux livres).
Ses romans d’inspiration autobiographiques ont subi la censure, c’est le cas de Ravages où elle raconte son avortement qui a failli lui couter la vie. Il faut se replacer à l’époque de sa parution, en 1955.
L’homosexualité était alors taboue et le récit du couple amoureux que forment Thérèse la narratrice et Cécile, héroïnes de fiction, évoque la liaison que Violette a eu avec Denise.
Thérèse est partagée entre deux amours, celui qu’elle voue à Cécile l’institutrice qui partage sa vie et celui qui nait et grandit entre elle et Marc, jeune homme romantique et aventurier à la petite semaine. Il est instable mais obstiné et elle tombera sous le charme.
Qui aimer de Cécile ou de Marc ? Thérèse est partagée, Thérèse ne sait plus, elle souffre, elle est malade.
Cette franchise de la part d’une femme fait scandale à l’époque, on n’est pas habitué à cette liberté de parole concernant les amours saphiques.
« Je m’abattis sur Cécile, je couvris son visage de baisers. J’espérais que j’obtiendrais un duel de baisers passionnés.
Tu pèses, dit Cécile.
L’hiver dans ma tête remplaça les fleurs, le gong, les carillons. Je l’embrassais, je l’embrassais »
Ce qui semble aller de soi aujourd’hui, une femme libre et bisexuelle, une femme qui parle de sa bâtardise et qui se fait avorter car elle ne veut pas d’enfant, dans les années cinquante, c’était choquant.
Violette Leduc raconte la fin d’un amour, la jalousie, la souffrance et la séparation avec une franchise émouvante.
« Je prenais son écharpe de laine qu’il avait laissée dans l’armoire, je l’enroulais autour de mon cou : un pan de misère tiède tombait sous la veste du pyjama, entre mes seins. Alors me balayait jusqu’aux délices amères la chevelure, le transparent argent de l’absent. »
L’écriture est fluide, élégante. Tout est d’un réalisme troublant, dialogues vivants et spontanés, scènes cruelles ou sensuelles.
Ce qui surprend, c’est cette modernité à décrire la souffrance, la peur, la jalousie et ce déchirement entre deux amours opposés.
L’histoire est sombre, elle pourrait être déprimante. Mais non, l’héroïne rebondit, toujours, se nourrit de ses peurs, de ses atermoiements.
J’ai été happée par la vivacité du récit, cette prose maitrisée aux allures fougueuses. L’histoire nous emporte, histoire de femmes, histoire d’amour aux accents de vérité. C’est fort, et c’est toujours d’actualité.
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