Du roman au polar, une liste à déguster sans modération
Paolo et Luisa ne se connaissent pas. À bord du bateau qui les emmène sur l'île où sont détenus leurs proches, chacun ressasse la tragédie dont ils ont été victimes. Le fils de Paolo a été incarcéré pour des actes terroristes. Le mari de Luisa pour avoir tué deux hommes. Le vent se met à souffler trop fort, empêchant ces visiteurs d'un jour de regagner la côte. Ils deviennent pour une nuit les hôtes de Pierfrancesco, l'un des gardiens qui supporte de moins en moins cet univers carcéral si loin de ses préoccupations familiales. À la faveur de cet imprévu, Paolo et Luisa partagerons bien plus qu'une brève complicité amoureuse : tous deux parviendront à retrouver goût à la vie.
Un roman tout en subtilité et en émotion, doublé d'une puissante réflexion sur ces infimes moments de grâce qui font basculer les vies.
Du roman au polar, une liste à déguster sans modération
Ce jour-là de 1979, le mistral souffle fort sur le Détroit. Malgré l’avis de tempête, le ferry a quitté le port, emmenant ses passagers vers l’Île. Parmi ceux-ci, aucun touriste, uniquement des agents de la prison de haute sécurité construite sur l’Île, ainsi que Luisa et Paolo. Ils ne se connaissent pas, ou pas encore, ils viennent d’endroits et d’univers totalement différents. Lui est un intellectuel citadin, veuf, bourgeois aisé, ancien professeur de philosophie. Elle est une paysanne dans un village de montagne, habituée aux travaux des champs et du foyer depuis le plus jeune âge, et qui maintient sa ferme et élève ses cinq enfants, seule. Leur point commun est d’avoir un parent prisonnier dans l’Île. Paolo rend visite à son fils, membre des Brigades Rouges, avec des litres de sang sur les mains, répandu froidement, tandis que Luisa va voir son mari violent, criminel de droit commun, assassin de deux hommes sur des coups de sang.
Après la visite au parloir, le vent est tel qu’ils ne peuvent quitter l’Île. On met à leur disposition quelques pièces aménagées dans un bâtiment désaffecté de l’administration, où ils passent la nuit sous la surveillance de Nitti, agent carcéral. Au fil des heures se tisse alors entre eux une certaine complicité, fugace mais intense, de celles qui surgissent lorsque des âmes tourmentées se reconnaissent. Après cette nuit, ils sauront, chacun à sa façon, mettre des mots sur ce qui les oppresse, ce qu’ils ne se sont jamais avoué à eux-mêmes. Culpabilité, soulagement, libération, peur de sa propre part d’ombre violente, cette nuit de tempête a remué les âmes et les emporte vers un nouveau départ comme sur une vague de résilience.
Dans ce roman, dans l’Italie des années 70-80, la violence de la nature indomptable semble répondre à la violence des hommes « maîtrisée » en l’occurrence par une prison de haute sécurité. Dans ce contexte particulier, l’auteure dépeint une période troublée, où les attentats politiques s’ajoutent à la violence ordinaire, où la violence ne s’arrête pas à l’entrée de la prison, où elle atteint même l’intégrité de ceux chargés d’y maintenir l’ordre.
« Plus haut que la mer » est un roman touchant et délicat, qui décrit avec une grande justesse le ressenti des personnages, tout en laissant les non-dits exprimer beaucoup de poésie et de profonde humanité. Malgré un épilogue superflu, ce roman est à la fois doux et amer, déchirant et apaisé.
Je ne connaissais pas du tout cet auteur mais j'ai été attiré par la couverture du livre et le résumé. Très belle écriture où l'on découvre l'histoire des 2 personnages principaux malmenés par la vie de leur proche. Le fils de l'un et le mari de l'autre sont incarcérés sur cette ile et lors d'une visite vont se rencontrer et partager un moment de leur existence. Malgré l'ambiance froide et rude, il se dégage de cette lecture un moment de beauté, d'amour et d'affection.
Plus haut que la mer , Italie , 2012.
Un aventure au cœur même de l'Italie en Sardaigne d'ailleurs. La prison dont il est question se trouve très probablement de l'île sarde d'Asinara qui hébergeait une prison de haute sécurité où ont été emprisonnés des terroristes, des mafieux, et criminels de droit commun dangereux. Paolo, un professeur d'histoire et de philosophie, et Luisa, une paysanne mère de cinq enfants, vont rendre visite dans une prison de haute sécurité l'un à son fils, militant des Brigades rouges condamné pour meurtres politiques, l'autre à son mari, coupable de deux meurtres ordinaires mais perpétrés de manière extrêmement violente.
Ce livre va être le théâtre de la rencontre de Luisa et Paolo.
Tout en douceur et subtilité, ce livre ne vous lâche pas, entêtant et humain.
Plein d humanité
Un homme, une femme, un bateau et les voila déposés sur une ile-prison. Il vient voir son fils condamné pour terrorisme, elle vient voir son mari condamné pour avoir tué deux hommes. Le vent, le mistral et les voilà bloqués sur l'ile, pour une nuit.
24 h de deux vies qui vont basculer vers "autre chose", éloignés de tout, sous l'oeil bienveillant d'un gardien de prison et de sa femme (institutrice de l'ile). Chacun arrivera à percer l'armure de l'autre, avec une pudeur rare.
L'approche sensible d'un sujet douloureux (comment vivre quand un proche est en prison, pour faits qui vous dépassent et sont hautement condamnables) est sans doute le point fort du livre. Aucun jugement, aucune mièvrerie qui pourraient rendre ce roman indigeste. Bien au contraire, l'auteur se tient toujours sur la corde raide entre détachement et émotion. Le fait de créer une distance permet au lecteur de suivre avec attention les chemins de tous les personnages.
Un traitement chronologique permet de situer le roman dans le contexte d'une époque (Italie, fin des années 70) avec tout ce que cela implique de recul nécessaire par rapport à l'Histoire (avec grand H).
L'auteur maîtrise parfaitement son récit, son rythme, sa construction, avec un style sobre, épuré qui permet également au lecteur de faire sa place dans l'histoire. Un très beau roman.
Ca commence un peu rudement : tabassages, menaces, gardiens.
Puis le récit commence et entremêle trois vies : celle de Luisa, femme de paysan avec 4 enfants qu’il faut nourrir ; Paolo, ancien professeur de philosophie qui a perdu la relation si particulière qu’il avait avec son fils ; Pierfrancesco le gardien qui se laisse peu à peu rattraper par la violence de son travail.
Au gré des paragraphes, se dévoilent la vie de chacun, par petites touches, en même temps que se déroule le récit.
Et, par opposition aux actes violents qui ont conduits les personnages secondaires en prison, les personnages principaux vivent des instants qui leur ouvriront un monde de douceur.
Une lecture poignante, une fois le livre refermé, par tout ce qu’elle contient sans le dire. Il y a encore des êtres de bonne volonté dans ce monde.
L’image que je retiendrai :
Celle de Paolo et Luisa se tenant par la main, sans rien se dire, comme une évidence.
http://alexmotamots.fr/?p=1911
Italie. 1979. Les années de plomb. Paolo et Luisa se rendent tous deux au même endroit : la prison de l’Île.
Paolo va voir son fils et Luisa son mari. Elle, c’est la première fois qu’elle voit la mer et lui ne supporte pas qu’un lieu qui tient son fils enfermé soit si beau : « Il détestait son odeur, les oursins noirs qui mouchetaient les rochers à fleur d’eau, les couleurs pastel des maisons. Etait-il possible que les visiteurs d’une prison spéciale soient accueillis par la beauté de la nature ? »
Il se souvient de son fils, enfant, sur la plage de Framura. Il avait trois ans. Aujourd’hui, ce fils est adulte et a tué des hommes pour des raisons politiques, pour faire la révolution. Peut-être, est-ce parce qu’un jour, son père, professeur de philosophie, lui a expliqué la plus belle phrase de Kant : « Deux choses remplissent mon cœur d’admiration et de vénération : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. » Le fils a écouté le père. Plus tard, le père s’est demandé si ce qu’il avait enseigné à son fils avait un sens, s’il n’était pas, finalement, un peu responsable de tout cela.
Luisa a apporté à son mari des raviolis qu’elle a fabriqués avec ses enfants. Cinq enfants qu’elle élève seule. Lui aussi a tué, à deux reprises, et il l’a frappée, plusieurs fois, mais elle n’a rien dit. L’a-t-elle d’ailleurs jamais aimé, cet homme, cet inconnu ?
Pour le moment, elle prend plaisir à regarder la mer et Paolo le voit.
Or, la tempête qui se lève va les empêcher de rentrer : Nitti Pierfrancesco, agent carcéral, sera chargé de leur surveillance. Le directeur de la prison veut qu’ils soient conduits au Palais de Verre : « Où est le verre ? » demande Paolo, « Il n’y en a pas. Il manque beaucoup de choses ici, il n’y a que le mot. » répond Nitti. Il faudra s’en contenter.
Le fils de Paolo n’avait pas voulu se contenter des mots, il avait pris les armes. En vain : « le mot révolution avait beau être scandé, polycopié, écrit sur les murs de façon presque obsessionnelle, la chose non, la chose n’existait pas. Les gens n’avaient pas empoigné leurs fourches, les électeurs n’avaient pas cessé de voter, les citoyens ne mettaient pas le feu au Parlement. » Ainsi, résumait son père, « quand la chose correspond au mot, on fait de l’Histoire. Mais s’il n’y a que le mot, alors c’est de la folie. » Folie qui l’avait conduit en prison…
Nitti, quant à lui, ne sait pas utiliser les mots. Il se tait, ne dit pas à sa femme, Maria Caterina, l’institutrice de l’Île, ce qu’il vit au quotidien, ce qu’il voit. Alors, elle imagine. Le pire parfois. Son mari frappe-t-il ? Est-il frappé ? Qui est-il au fond cet homme qui rentre les vêtements maculés de sang et dont elle finit par avoir peur ?
Ce texte poétique met en présence des êtres qui souffrent et qui se taisent. Cette rencontre totalement improbable d’un professeur de philosophie, d’une agricultrice, d’un gardien de prison et d’une institutrice, rencontre pleine de non-dits, de silences, d’hésitations, de quiproquos parfois, va les faire réfléchir à ce qu’ils sont et à ce qu’au fond ils sont venus chercher sur cette île.
La tempête rugit autour d’eux, en eux aussi certainement, parce qu’ils ont senti que le moment était venu de savoir, de se dire la vérité, d’accepter de pleurer.
Les éléments sont déchaînés. Eux sont là comme des personnages tragiques enfermés dans leur douleur, leur mutisme. Et pourtant, ce huis-clos presque shakespearien, cette nuit de tempête, les conduira à s’ouvrir à l’autre, à créer des liens de tendresse qu’ils avaient oubliés, perdus peut-être, à comprendre et à retrouver une certaine forme de paix, celle qui fait tenir debout et avancer. De cette nuit étrange naîtra une lumière qui les réchauffera et les guidera de nouveau sur le chemin de l’existence.
Un très beau roman tendre et humain sur les longs tunnels que la vie nous fait parfois traverser et dont on ne connaît pas toujours la longueur jusqu’à ce que, tout à coup, on perçoive l’éclaircie. Alors, on sait qu’on est sauvé, on respire, l’air est encore un peu frais mais l’on va vite s’y habituer…
http://lireaulit.blogspot.fr/
J'avais adoré le premier roman de Francesca Melandri, Eva dort, je suis aussi emballée par son deuxième, Plus haut que la mer, qui évoque subtilement les années de plomb en Italie, ces années 70 ensanglantées par la violence de l'ultra gauche.
Au large de la péninsule italienne, deux personnages que tout oppose se rendent en ferry sur une île pour y visiter deux détenus dans une prison de haute sécurité.
Paolo, ancien professeur de philosophie, va voir son fils, condamné pour faits de terrorisme et d'homicide. Luisa, agricultrice luttant pour élever seule ses cinq enfants, va voir son mari qui a tué un compagnon de beuverie et un gardien dans une autre prison.
Paolo est hanté par les meurtres que son fils a commis au nom de l'idéal de justice sociale qu'il a cherché toute son enfance à lui transmettre. Luisa, elle, est secrètement soulagée d'avoir échappé à ce mari violent qu'elle vient pourtant voir fidèlement.
Après la traversée en ferry et la visite au parloir, le mistral se lève, rendant impossible le retour sur le continent…
Paolo et Luisa vont devoir passer la nuit sur l'île, sous la surveillance d'un gardien, Pierfrancesco, jeune homme rongé intérieurement par la violence qui règne là. Pour chacune de ces trois personnes, cette parenthèse hors du temps va marquer un tournant.
Insensiblement, des liens vont se tisser entre ces trois personnages qui sont obligés de passer une nuit dans la même pièce, trois personnages otages d' une violence qui a bouleversé leur vie et qui vont, en une nuit redécouvrir un peu de douceur.
Un très beau roman qui parvient, sans excuser personne, à ne rien laisser dans l'ombre, ni les victimes, ni les prisonniers, ni les familles.
Et pour la petite histoire, il y eut effectivement une prison de haute sécurité au nord-ouest de la Sardaigne, sur l'île d'Asinara dans les années 70.
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