"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Jeune. Paresseux. Immature. Et veuf ! A 29 ans, Doug mène une vie écartelée entre une adolescence qu'il n'arrive pas à quitter et un deuil qui le plonge dans la dépression. Cela fait un an que Hailey, sa superbe femme, est morte et qu'il vit reclus chez lui, dans les vapeurs du Jack Daniel's. Mais dehors, la vie continue. Entre les femmes mariées qui lui tournent autour, sa soeur jumelle despotique, son père sénile et son beau-fils qui multiplie les appels au secours, Doug devra malgré lui sortir de sa tanière. Mais sera t-il prêt à redire oui au bonheur ?
« J’avais une femme. A présent elle est morte. Et je suis mort aussi. »
Veuf inconsolable, ça vous parle ? A moi un peu, et à Doug, le héros de Perte et Fracas beaucoup. Faut dire que Doug, il a commencé tôt, à vingt-huit ans exactement. Sa chérie « avait pris l’avion pour rendre visite à un client en Californie et quelque part au-dessus du Colorado, le pilote avait semble-t-il loupé le ciel. » Il ne lui reste que son chagrin : nous voici donc partis pour explorer les affres de la condition de veuf et les tourments qui assaillent le malheureux d’autant que sa défunte épouse lui a laissé le soin de veiller sur Russ, son fils né d’un premier mariage. « Russ est défoncé. Cela se voit au blanc de ses yeux, plutôt d’un rose vitreux sous les tremblements de la lampe jaunâtre du perron, aux deux disques sombres formés par ses pupilles dilatées, à ses paupières molles et à sa façon de s’appuyer nonchalamment contre le flic furibard qui vient de l’amener devant ma porte, comme s’ils étaient deux potes de beuverie sortis d’un bar en titubant. » Pauvre Doug ! Alcool, déprime et repli sur soi ! Ca ne va pas être drôle avec en plus un ado à problèmes !
En fait si, parce qu’il faut bien le dire, on est assez loin du veuvage classique. Pensez-y, si vous devenez veuf (ou veuve, je ne veux pas faire de discrimination), le crash de l’avion de ligne est, voyez-vous, une excellente solution. Bien sûr, vous n’avez pas le temps de vous préparer au pire comme dans le cas d’une longue et grave maladie, vous n’avez même pas le temps de comprendre ce qui se passe puisque vous n’êtes pas sur place, mais (essayons de positiver) d’un autre côté, les indemnités versées par la compagnie aérienne vont vous permettre de ne plus avoir de soucis financiers. Inutile de conserver votre job plus ou moins foireux, vous pouvez, à loisir, vous consacrer à vous saouler et à vous apitoyer sur votre triste sort. Notez aussi que si la présence d’un adolescent aussi déprimé que vous n’arrange rien, elle va quand même vous permettre de rencontrer la psychologue de son lycée, laquelle semble aussi avenante que possible. Je sais ce que vous allez me répondre : vous n’avez pas le cœur à vous en rendre compte, vous pleurez votre amour défunt, vous êtes mort. Je sais tout cela, mais il est de mon devoir de vous rappeler qu’il ne faut jamais dire jamais.
Votre statut de veuf même pas trentenaire présente un autre avantage. Les voisines, et donc amies de votre défunte épouse, s’inquiétant de votre santé, il n’est pas impossible que vous soyez l’objet de visites pour s’assurer de votre état psychique. Elles peuvent également mettre en place, pour soigner votre physique, un système de portage de repas à domicile, un peu comme celui dont vous bénéficierez à soixante-dix ans quand l’employé du service municipal vous livrera chaque jour votre repas sans sel. Doug, lui n’en est pas encore là, il a droit au sel… et lorsque «Laney passe en fin d’après-midi m’apporter son fameux hachis de bœuf pour le dîner … elle met son hachis au frigo et me prend dans ses bras pour me dire bonjour. Elle m’étreint de tout son corps – pas vraiment comme devrait le faire une femme mariée avec un homme seul – me touche quand elle me parle, me demande si je vais bien et adorerait me voir m’effondrer devant elle pour le simple plaisir de pouvoir me consoler. Laney est une belle rousse rutilante, dotée d’un corps à la fois robuste et tout en rondeurs, de lèvres gonflées comme une star du X et d’un mari âgé de quinze ans de plus que moi.» Oui, je sais, vous n’avez pas le cœur à plaisanter. Alors soyez sympa, dégustez simplement ce hachis de bœuf, comme dit un personnage « C’est une tuerie ! ». Pensez à tous ces petits vieux qui ne sont pas livrés par des « rousses rutilantes » et cessez un peu de gémir !
Bien sûr, il y a votre famille des plus excentriques, un mariage mouvementé et de nombreuses autres péripéties. Avec des dialogues et des situations franchement drôles, on referme ce roman en se disant qu’on a passé un bon moment et qu’on a pas mal souri à propos d’un sujet qui, à priori, ne s’y prêtait pas. On redécouvre, comme l’indique la bande annonce du roman, qu’il vaut toujours mieux être jeune et beau quand on est veuf, ce qui vous rend irrésistible ! Lisez le donc tout de suite, car il n’est pas impossible que vous le trouviez moins à votre goût lorsque sera venu le temps du régime sans sel. Carpe Diem !
Je suis une grande adepte de Jonathan Tropper. J’aime son cynisme et sa délicatesse entremêlés, la fragilité de ses personnages et son humour.
Une fois encore, je n’ai pas été déçue.
https://metoile.wordpress.com/2015/05/01/perte-et-fracas/
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