"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans toutes les histoires d'amour se rejouent les blessures de l'enfance : on guérit ou on creuse ses plaies.
Pour comprendre la nature de sa relation avec Guillaume, Clotilde Mélisse observe les souvenirs qu'elle sort de sa tête, le temps d'un voyage en train direction Heidelberg. Tandis que par la fenêtre défilent des paysages de fin du monde, Clotilde revient sur les événements saillants de son existence. La découverte de la poésie dans la bibliothèque maternelle, le féminicide parental, l'adolescence et ses pulsions suicidaires, le diagnostic posé sur sa bipolarité. Sa rencontre, dix ans plus tôt, avec Guillaume, leur lien épistolaire qui tenait de l'addiction, l'implosion de leur idylle au contact du réel.
Car Guillaume est revenu, et depuis dix-sept mois Clotilde perd la raison. Elle qui s'épanouissait au creux de son célibat voit son coeur et son âme ravagés par la résurgence de cet amour impossible. La décennie passée ne change en rien la donne : Guillaume est toujours gay, et qui plus est en couple. Aussi Clotilde espère, au gré des arrêts de gare, trouver une solution d'ici le terminus.
Chloé Delaume, Clothilde, Valérie... 3 personnages pour une seule figure (l'écrivaine, la protagoniste, la personne de la carte d'identité). On nous annonce une histoire d'amour insensée, on commence avec des fragments de vie autobiographiques. Si la poésie n'a pas pu sauver sa mère (tuer par son mari), est-ce qu'elle peut quand même sauver psychiquement ? Le titre, "pauvre folle" est à la fois ce qu'elle pense d'elle de temps en temps et à la fois ce que la société lui renvoie tout le temps. Mais ce n'est jamais employé ni même venu à l'esprit de celui avec qui elle vit une passion, étrange au commun des mortels il faut bien l'avouer.
Vu l'état de Clothilde, navigant entre psychotropes, ésotérisme, montagnes russes émotionnelles et écriture, l'identification à ce personnage et aux questions qu'elle se pose pourrait être un écran et laisser de marbre le lecteur. Or, il n'en est rien. Est-ce qu'on a besoin des mots d'un autre pour exister alors qu'on les manie soi-même très bien ? Est-ce qu'on a besoin de l'attention d'un autre en dehors de l'amitié pour pouvoir panser ses blessures ? Est-ce qu'on est folle de refuser le réel pour vivre l'insensé ?
Tout y passe avec un style pointu et mordant sans aucune moralité derrière la fiction : la sororité, la vie de couple quelque soit l'orientation sexuelle, la dépendance affective, le besoin de sublimer autrement, les pulsions charnelles du corps, l'envie d'être unique, la co-création, la banalité du réel. Mais aussi des thèmes sur la bipolarité, la dissonance cognitive (l'auteur est anti patriarcal et promeut la sororité face au couple hétéronormé alors qu'elle vie et meurt sans cesse pour un homme, Guillaume), la prostitution, etc.
C'est une histoire à dormir debout mais pour laquelle je n'ai eu aucun doute. La tristesse est en filigrane. Peut-être bien que la conclusion est celle-ci : les mots ne suffisent pas à sauver les gens physiquement ni leur psyché, parfois il faut s'extraire de la folie pour continuer à manier les mots avec autrui, autrement. Les images expressives, le style, la façon de penser hors des clous, tout est cohérent dans une forme de désespérance combative.
“Est-ce que la poésie suffit pour vivre une histoire d’amour ?”
C’est la seule question qui m’a poussé à poursuivre ce roman. Pour le reste, Chloé Delaume ne m’a pas emporté dans ses questionnements ; c’était décousu, maladroit et superficiel à mon goût. Beaucoup de forme, pour trop peu de fond. La mise en scène semblait si forcée que ses bouts de souvenirs ont fini par me donner le mal des transports.
Le voyage, à bord de ce train, m’a paru n’être qu’un décor. Il fallait un lieu symbolique, pour maquiller ces questionnements qui n’auraient pas mérité plus qu’une simple soirée à la Bridget Jones dans le canapé.
“Elle se disait que peut-être, il restait des batailles, que si la poésie n’avait pas fait plier le réel, pour autant elle n’avait pas perdu la guerre.”
Ses questionnements en vrac commençaient par attirer mon attention, pour leur universalité, puis me perdaient dans les pages qui suivaient. L’odeur de fin du monde, les retours à la réalité vaseux ; tout ça donnait presque l’impression que le lecteur dérangeait. 230 pages pour se complaire dans son malheur, voilà l’ampleur du spectacle.
“Le chagrin défigure, c’est son moindre défaut.”
Comme c’est dommage d’écrire avec tant de style, pour une histoire qui, à mon goût, n’en valait pas la peine. La seule chose qui a pu m’effleurer, c’est cette façon de voir l’amour comme un concept. Une histoire de personnages, fictifs, qui déguisaient la réalité, pour vivre le grand amour à travers les mots. Puis, même le feu du roman a fini par s’évanouir, couvert d’envolées grandiloquentes.
Je l’ai lu vite, voir trop vite, pour lui laisser sa chance mais aussi pour m’assurer de continuer à suivre son fil de pensées, quelque peu dispersé. Ça ne tenait qu’à un fil, et la magie n’a pas opéré.
"...l'époque s'appelle Trop Tard..."
Chloé Delaume est drôle, c'est elle qui le dit. Ses romans le sont de plus en plus. Elle est entrée dans la littérature par l'auto-fiction abrupte, mais son dernier roman* se donnait des faux airs de "chick litt" pour s'adresser aux filles d'aujourd'hui.
Ici, elle assemble les deux dans une auto-fiction de l'empowerement.
Clotilde Mélisse (avec un nom pareil, elle pourrait être une amie de Fantômette!) est une quinqua "zinzin" en mal d'amour à la recherche d'un partenaire "hors des clous". Un voyage en train sera prétexte à une auto-psy à grands coups de scalpel dans son cerveau.
Dans Clotilde il y a du Adélaïde, sa précédente héroïne, dans les deux, il y a du Chloé. Et c'est chouette.
Mon premier Delaume c'était il y a bien longtemps, nous avons le même âge, je nous épargne les chiffres. Cette rencontre littéraire fut compliquée, de son fait, elle se voulait difficile d'accès, avec succès.
Chloé (vous permettez que je l'appelle Chloé, prénom donné à ma fille pour la même raison qu'elle s'est baptisée ainsi) c'est la copine qu'on aimerait avoir. Une fille un peu paumée, cabossée, lettrée et pleine de contradictions qu'elle tente de faire coexister même s'il semble bien compliqué pour une féministe d'être pour autant une romantique.
Pauvre Folle revient une nouvelle fois sur le passé fondateur de Chloé, personnage de fiction, autrice, et surtout, sur son amour des mots.
(Là, nous pourrions avoir un point de friction, la poésie me laisse de glace, peut-être suis-je insensible aux virgules ?)
"C'est plus que le grand amour, c'est de la poésie."
*Le Coeur Synthétique vient de sortir en poche aux Editions Points.
Chloé Delaume est une écrivaine reconnue dont je ne n’avais pas encore rencontré la plume. Des retours que j’avais vu sur ses précédents livres, ressortait une originalité qui m’attirait fortement. Et je n’ai pas été déçu !
Malgré l’emploi de la troisième personne, l’autrice nous fait entrer dans la tête de Clotilde. Durant un voyage en train, elle nous expose le dilemme auquel elle est confrontée. Elle est amoureuse d’un homme mais leur amour est voué à l’échec. Elle connait les conditions qui le rendent impossible mais elle s’y accroche quand même.
L’héroïne en profite pour nous parler de sa jeunesse traumatisante, de sa vie d’adulte partagée entre joie, folie et tristesse, et des conditions de sa rencontre avec cet idylle insensée. Mais derrière cette histoire mouvementée, l’écrivaine met en lumière la mécanique mise en place par ce Guillaume pour prendre Clotilde dans ses filets. Sa fragilité, sa bipolarité est un terreau plutôt propice à un pervers narcissique et celui-ci s’en donner à cœur joie. On découvre tous les stratagèmes utilisés afin de la rendre accroc.
L’esprit torturé du personnage principal est bien illustré par la forme du récit. Les chapitres se succèdent tous azimut. L’autrice brasse les époques, les scènes, comme elles viennent. Le lecteur est vraiment emporté dans la tempête des souvenirs et des émotions de Chloé.
Plus que l’histoire elle-même, je retiendrai surtout un style littéraire hors du commun. La plume de Chloé Delaume est à l’image de son texte, déstructurée. Mélange d’envolées chaotiques et de phrases puissantes, son style est pour le moins singulier. La lecture est parfois déroutante mais la magie des mots est toujours agréable à voir fonctionner. Certains passages sont des pépites de littérature qui méritent d’être relues. Et juste pour cette raison, je suis content d’avoir enfin sauter le pas !
https://leslivresdek79.wordpress.com/2023/10/26/888-chloe-delaume-pauvre-folle/
Un livre totalement déroutant, et chose rare de ma part je peux dire que j'ai vraiment détesté, un véritable calvaire à lire, mais je suis allée jusqu'au bout, un grand ouf à la fin. Avant toute polémique cela reste mon ressenti, et vous laisse le découvrir. J'ai du passer à travers quelque chose.
Clothilde, entame, un long voyage en train pour essayer de reconstruire sa vie, tel un puzzle. Orpheline trés jeune, son côte psychique est atteint, elle vient d'être diagnostiquée bipolaire., une relation toxique avec Guillaume qui est gay .Une vie qui part en vrille, et moi aussi je me suis perdue dans l'histoire et impossible de me reconnecter.
Il ressort que des points négatifs de cette lecture, c'est vraiment difficile de faire un retour.
Choisir le train pour s'isoler dans ses pensées et étudier ses relations amoureuses est le projet de Clotilde ce week-end-là, imaginée par Chloé Delaume dans son roman Pauvre folle. Son objectif est d'arrêter de tourner en rond en décortiquant, tel un chirurgien, tous les souvenirs pour reconstituer le puzzle de sa vie.
Et puis dès la page dix-huit, le mot “truie” qui single au moment du premier choc esthétique littéraire de la jeune Clotilde. Et, son choc littéraire, le lecteur l'éprouve physiquement avec la langue qui nomme, happe, frappe et émerveille de précision et de poésie à la fois.
Clotilde, le double
Clotilde est orpheline depuis l'âge de ses 10 ans et 3 mois. Un “uxoricide”, autre mot, qui dit la faute sur la femme qui part, que l'homme tue avant l'apparition du mot féminicide que Clotilde s'approprie. Car, pour Clotilde les mots ont leurs importances, ils lui sont même essentiels !
Ainsi dire sa bipolarité fait partie de cette recherche. Nommer pour se faire comprendre et reconnaître à la fois. Clotilde se définit aussi comme “misandre”, développant une aversion envers toute personne exerçant un pouvoir patriarcal. Et puis, il y a sa Violette et sa 4 ème vague de féminisme va se heurter à un coup de foudre devenu relation nocive au fil des jours.
Chloé Delaume développe le récit du déni de l'emprise. L'amour d'une reine/Clotilde rencontre Guillaume/monstre au cours d'une résidence à la Villa Médicis. Puis, leur relation devient épistolaire. Seulement, en entrant dans le réel, elle s'y cogne, à faire très mal. Alors, plutôt que de souffrir, le déni opère, jusqu'à ne plus pouvoir respirer. Et Clotilde doit compter sur ses amis pour retrouver la maîtrise de sa vie.
Alors, lorsque de nouveau, cette relation par l'échange des mots renaît, Clotilde veut prendre le temps de l'étudier pour savoir si elle s'y replonge ou non. le voyage en train doit apporter la réponse, avec un clin d'oeil vers Goethe et la ville de Heidelberg, pour savoir guérir de ses souffrances.
Cet amour est représenté littérairement par la formule “elleetlui”. Seulement, le déni de la part toxique de cette relation n'est pas feint. Clotilde analyse, à partir de cette relation épistolaire, les liens entre la Reine, le Monstre et “elleetlui”, l'emprise d'une relation amoureuse dangereuse qui isole et contraint dans l'attente et l'insatisfaction.
De l'enfance à l'adulte
Entre la première partie (décrire les fêlures) et la seconde (elleetlui), Chloe Delaume offre une promenade littéraire faite d'inventivités et de plaisir à manier les mots autant que de se confier sur tous les sujets d'actualité, sonorité, féminisme etc. Ses dix-sept portraits d'hommes que Clotilde appelle ses “couillidés” sont savoureux tant ils disent mieux qu'une conférence l'attitude de certains hommes actuellement.
Quittant l'autofiction, en s'inventant un double, Chloé Delaume offre une nouvelle étude des relations avec les hommes au lendemain de ce #MeToo qui ne cesse d'agiter chacun. Seulement, avec humour et dérision, elle rappelle que même au nom du féminisme, il n'est jamais interdit de rêver à l'amour, sauf à garder clairvoyance pour éviter de se laisser emprisonner dans la souffrance, terrain dont l'enfance a déjà fait l'expérience !
La chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/09/17/chloe-delaume-pauvre-folle/
Une femme, la cinquantaine se rend en train à Heidelberg, en Allemagne, elle a choisit un voyage au long cours, avec moult correspondances, lui laissant le temps de reconstituer le puzzle de sa vie. Brutalement orpheline à 10 ans, traumatisée, elle parvient, aidée par la lecture et en particulier par la poésie à survivre malgré une bipolarité diagnostiquée. Le patriarcat peut trembler, tant elle le secoue en revendiquant son féminisme, mais cela n’est pas aussi simple qu’elle voulait le croire, ses diverses expériences personnelles en sont la preuve !
L’histoire pourrait être terriblement banale : une jeune femme égrène dans le train qui l’emmène à Heidenfeld les souvenirs de ses amours passées, tout en attendant la fin du monde.
"Trop tard, chacun est au courant, alors elle se demande comment font toutes ses bouches pour prononcer encore sérieusement le mot Avenir.",
avec mélancolie, avec colère, avec désespoir, avec toute une gamme de sentiments négatifs. Décrit de cette façon, on a déjà perdu une partie des lecteurs potentiels. Mais voilà : c’est sans compter la magie qui imprègne chaque mot, chaque phrase de ce récit enchanteur.
Car tous ces malheurs, ces bleus à l’âme que ne manquent pas de générer un sentiment de tristesse, se transforment par le langage en un récit plein d’humour, de poésie, de joutes oratoires jubilatoires, qui font sourire, et parfois, même rire pour ce qu’il ose dire (je n’écouterai plus jamais Wannabe des Spice girls de la même façon !)
Le propos se permet même de devenir sérieux, faisant appel à la neurophysiologie :
Ça vaut le coup d'attendre au mieux vaut-il tout de suite arrêter les conneries ? L'amygdale basolatérale et le cortex préfrontal dorsomédian s’apprêtaient à lancer le choix de l'évitement, quand une vague d'entêtement balaya à leur message. Ce qui se passait complètement au sein de son ciboulot, les neuroscientifiques n’en n’ont peut-être pas la clé.
Ce qui n’empêche pas Chloé Delaume d’aborder sans concession les thèmes porteurs de la littérature et de la vie en société de notre époque : #meetoo, sexualité, et statut de la femme.
C’est brillant, drôle, déjanté. Un vrai bonheur.
233 pages Seuil Août 2023
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