"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Elle va avoir seize ans. Elle habite avec sa grand-mère un petit village d'une région montagneuse du sud de la France. Il a dix sept ans, bientôt dix huit. Il s'est enfui du Foyer où il était hébergé pour se réfugier dans une cabane de chasseurs. Ils se croisent sur la route conduisant au village, et cette brève rencontre va déclencher chez elle un ébranlement qui ne la laissera plus en repos. Et si ce garçon était l'envoyé du destin ? Elle veut absolument le revoir, savoir qui il est, ce qu'il cache, ce qu'il fuit. De son côté, la grand-mère ne s'est pas contentée de recueillir sa petite fille. Peintre, elle l'a initiée à son art, lui faisant découvrir les grands maîtres de la peinture. Ainsi ce Michelangelo Merisi, alias Le Caravage, un voyou, disent certains. Mais surtout le quatrième personnage du roman.
« Noces de givre » est d’emblée la prononciation d’un roman inoubliable
Étourdissant de puissance, la langue nouvelle, admirable et rigoureuse.
La maturité du style laisse sans voix.
Nous sommes dans le cœur de l’épiphanie hivernale. Un livre qui accroche ses bras autour de votre cou. La sensibilité d’un texte pétri de sentiments.
« J’ai tout de suite été frappée par sa démarche, par sa façon de projeter son buste en avant. Comme s’il voulait échapper aux regards.. »
Elle est ici. La jeune narratrice d’à peine seize ans. Elle le regarde, dans cette intrigue passagère. Il marche sur le chemin, le poids lourd du monde sur ses épaules frêles.
Biche traquée, l’enfance fusillée. Il frôle les dix-huit ans et pas à pas, il se fond dans le paysage. Mimétisme, cache, il est le radeau de Géricault. La terreur exacerbée. La hantise des injustices, l’horizon hostile.
Le sud de la France, les montagnes sont dans cette mystique des regards. Elles ne lâchent rien, observent et tout est relié au vivant. L’histoire s’élève, douloureuse et sublime, tant le don d’exaucement est omniprésent.
Cette femme-enfant, grandissante, à peine-née, et déjà, elle pressent l’évidence du vertige. Ce qui pourrait traduire sa vie, autrement. Son double cornélien, ce jeune homme en fuite dans l’abîme des engloutis. Sauvage et énigmatique, il va et vient, disparaît de la vue de la jeune fille.
Mais c’est sans compter sur la ténacité de cette adolescente qui va honorer la véritable rencontre avec la spontanéité des écorchés vifs qui se savent.
« C’est à ça que je songe en cet instant qu’il existe des choses, des lieux, des êtres, et que tous possèdent un cœur secret auquel on aura pas accès. »
Elle vit chez Mamé, sa grand-mère. Elle se love dans sa tendresse, berceau de quiétude, dans cet apaisement crépusculaire de la connivence. Mamé, peintre-bohème, qui a glissé un pinceau dans la main de cette enfant orpheline et dont le père vivant est un mystère pour elle. L’horizon qui se cogne en ses regards. Les faillites parentales et la chute d’Icare. On aime Mamé, intuitive, brillante de finesse, qui laisse la jeune fille vagabonder, étreindre les couleurs, le pictural salvateur. Une grand-mère artiste dans l’âme qui fait œuvre d’initier l’enfant aux grands maîtres de la peinture, tel Michelangelo Merisi, (le Caravage).
« Mamé est penchée sur la toile, tellement absorbée que je pourrais passer derrière elle sans qu’elle s’en rende compte. Un tel don de soi, un tel degré de concentration ne sont pas pour rien dans l’idée que je me fais de sa démarche, de son caractère sacré. »
L’éducation spéculative, l’art exutoire, la jeune fille est dans la réconciliation , l’élixir intense qui console sans attente de retour. Ce livre des explorations de l’âme humaine est l’apothéose de l’inné. Raymond Penblanc peint la spontanéité de l’amour, le point d’ancrage sentimental. Ces deux oisillons tombés du nid, bien trop vite, bien trop tôt. Otages des faillites des grandes personnes. Ce livre bleu-nuit est la beauté .Tout simplement.
Ce qui se cache sous l’écorce de la pureté et de la grandeur. Le jeune garçon, gavroche-poulbot, abandonné du monde, va se réfugier dans la cabane des chasseurs.
La vulnérabilité d’un antre qui coopère avec ce jeune homme, en fuite, du foyer, accusé à tort, bouc-émissaire. Un gosse perdu dans les limbes, accusé de vol. La cabane, Alcazar, matrice, accueille ces deux jeunes-lianes. Referme en elle la sauvagerie, l’hostilité. Dresse la table des dimanches et illumine les confidences, les approches, les premiers gestes, gammes maladroites encore. Le pouvoir du virginal, de la beauté pure, entre pommes et bières, cigarettes et caresses. Les paroles brèves dans cette émancipation de l’écoute d’urgence.
Mamé est dans sa bulle. Laisse l’enfant aller et venir. Ou bien est-elle complice de ce bouleversement et ne dit rien et observe en silence. « Peut-être a-t-elle su lire dans mes yeux. »
Mais le village pressent un changement d’heure. Les regards lourds derrière les persiennes.
On retient notre souffle dans cette transmission créatrice. Elle lui apprend les couleurs, les passages-gué, et les retenues prêtes à éclore. Elle nomme Michelangelo, elle élève son frère de cœur dans ce puits de lumière.
L’étymologie pastorale qui excelle dans cet antre de bois, de mousse et de givre. Les souffrances dans l’ombre des sous-bois endormis, pour un instant encore.
Ils sont ici, dans cet havre, en sursis encore.
« Noces de givre » de Raymond Penblanc est l’éminente littérature. Un récit tragique, sublime, crépusculaire. Le dixième roman de cet auteur de génie.
Un roman engagé, fascinant et bouleversant, puissamment réaliste.
Un livre qui a du bleu au fond des yeux.
Publié par les majeures Éditions Le Réalgar.
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