"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Nathalie Granger est le titre d'un film que Marguerite Duras a tourné en avril 1972 dans un village des Yvelines. Le texte publié en volume en est le scénario : minutieuse description des mouvements de caméra, rares dialogues, indications d'atmosphère.
Il ne se passe rien, pourrait-on croire, dans la maison isolée en bordure d'un parc, en cette journée de printemps humide et blanche. Deux femmes vont et viennent, elles s'occupent du ménage, de la vaisselle, elles attendent. La violence, néanmoins, habite le silence, le calme artificiel des heures.
Nul dénouement : une attente indéfiniment suspendue. Et l'impression, à la fin, d'un univers hanté, celui-là même que Marguerite Duras, de livre en film, s'emploie à restituer.
Nathalie GRANGER comme La Femme du Gange sont des scénarii. Ce qui les relie aussi c'est la musique (mélodie) de fond : Blue Moon (1961).
Je m'attendais à ce que Nathalie GRANGER soit une adulte. Il n'en est rien. C'est une enfant de 8 ans, transparente aux yeux de tous : sa mère, sa soeur aînée parfaite (excellente en piano, charmante, proche de l'Amie...), l'Amie de sa mère, son père. Du côté lecteur, elle n'existe quasiment pas non plus car on suit l'apathie de la mère perdue pour elle-même, loin de tout et qui pourtant dit craindre la séparation avec sa fille (Nathalie) qui doit entrer dans un pensionnat privé. En effet, Nathalie est exclue de l'école publique pour violence sur autrui et non investissement scolaire. Toute cette nouvelle est en tension, on perçoit cette violence sourde, froide non pas de l'enfant mais du monde des adultes sur l'enfant. Elle rode et les deux femmes, la mère et l'Amie, sont complètement à l'Ouest et même méchantes / cruelles (cf. l'épisode avec le vendeur de machine à laver à domicile). Nathalie est laissé à l'abandon.
Certains passages font penser à Moderato Cantabile par rapport à l'enfant et le piano.
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La Femme du Gange est difficile à lire, complexe. C'est "la maladie de la douleur" (p. 173) à l'état brut où seule la folie semble être l'issue ou bien de pourrir dans la mort. C'est une réécriture de "Le Ravissement de Lol V. Stein" qui s'appuie sur son roman "L'Amour". Il y a L.V.S. qui erre, absente à elle-même, dans la ville de S. Thala. Elle a bien essayé de survivre à l'amour de son fiancé Michael Richardson - qui l'abandonne soudainement pour Anne-Marie Stretter - en se mariant deux fois mais la folie l'a rattrapé. L'amour de ces deux amants (sic dans le livre) qui l'ont exclue violemment lors du bal de S. Thala n'est pas possible. La folie est son seul moyen d'annuler l'issue du bal de S. Thala : l'abandon de son fiancé.
Le Fou, un amoureux éperdu de L.V.S. qui a connu l'époque du bal, a aussi sombré dans la folie pour ne pas voir que Lola ne l'aimera jamais. Le Voyageur est Michael Richardson qui s'aperçoit que son amour pour Anne-Marie Stretter n'était que le désir transposé de Lola. Il n'arrive pas à ce suicider et il rejoint la Folie.
Et puis La Femme, cette âme revenante, l'âme échappée du corps de L.V.S probablement, celle qui agit comme un Choeur antique grec, comme celle qui révèle, celle qui n'a pas de repos.
C'est complexe, terriblement triste. J'ai l'impression d'entendre tout le chagrin que Marguerite Duras n'arrivera pas à verbaliser concernant la perte de son Amant. La folie aurait pu aussi être son issue : l'envahir.
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