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C'est l'histoire d'un jour de solstice d'été au milieu de nulle part. C'est l'histoire de deux jeunes types qui zonent sur le parking d'un supermarché dans une vieille Clio, à se chambrer et à enchaîner les bières et les joints.
C'est l'histoire d'un médecin, dont la vie rangée et la famille modèle, construites dans une obsession de réussite, volent en éclats, un homme éméché qui ressasse, impuissant, ses échecs et s'enferme peu à peu dans un monologue paranoïaque et délirant.
C'est l'histoire d'une soirée qui n'en finit pas, d'un snack sur le bord de la route, d'un trip dans la nature et d'une petite cabane au bord de l'eau, de Max et de Théo, de Rombouts et du tenancier de Chez Moustache, d'un médecin à la dérive, de traînards, de la haine et de l'ennui, de ce qu'on ne regrette que parce que cela nous échappe, du besoin de possession et du constat amer que rien ne se contrôle, de l'ivresse et de la violence.
Théo, 18 ans depuis peu, vient de terminer sa rhéto. Il glande, fume des pétards et bois des coups sur le muret d'un parking de supermarché. Il attend son pote Max qui va arriver. Il se dit qu'il serait mieux chez lui mais il y a sa petite soeur, sa mère, alors il traîne là, tuant le temps. On partage ses pensées, ses peurs, ses angoisses. Que va-t-il faire plus tard, il aime la mythologie, on revit avec lui la naissance du monde - passage fabuleux - c'est sympa pense-t-il, il aime ça, pourquoi pas étudier l'histoire. Perdu dans ses pensées, dans la moiteur de l'été, l'asphalte dégouline (ou fond), le temps s'étire dans l'attente de son pote, l'ennui s'installe.
Max arrive, ils continuent à boire dans la voiture pourrie de son pote, sur ce parking à refaire le monde.
En parallèle on découvre, Rombouts, un toubib qui fait de longues journées de travail à l'hôpital. Il vient de faire dix heures de permanence, reprend sa voiture sur le coup de 20h. 45 minutes de route pour rentrer chez lui et retrouver son havre de paix. Rentrer, s'installer face à son jardin en bordure de la forêt, face au petit bois avec son étang qu'il vient d'acheter pour retrouver sa tranquillité, boire un verre de whisky puis un autre et un autre encore face à sa solitude. Faut dire qu'il a tout, qu'il mesure l'étendue de son patrimoine, la valeur des choses gagnées à la sueur de son travail mais l'essentiel, il l'a perdu, sa femme et se enfants l'ont quitté pour une petite infidélité.
La soirée est longue, interminable, c'est le premier soir d'été. Fin de la première partie !
Ces personnages vont bien entendu se croiser, on sent la tension, cela va mal se passer, la perte de contrôle est inéluctable. Un fait divers en somme, une violence, une folie passagère.
Céléstin de Meeûs nous propose un premier roman d'atmosphère, par sa narration, ses longues phrases dépourvues ou presque de ponctuation qui nous tiennent en haleine, la tension qui monte de ligne en ligne. Les phrases sont sans fin c'est comme une respiration - inspiration et expiration de plus en plus longue-, on lit en perdant son souffle, en apnée, les mains moites à la fin car la seconde partie particulièrement se lit d'une traite. Je l'ai terminée à voix haute accentuant ainsi la tension du récit.
Célestin est un poète avant tout et le choix des mots, du langage n'est pas laissé au hasard. On sent d'emblée que l'on va vers la tragédie, on sent le gouffre des générations, le désarroi des jeunes, la crainte de l'avenir, et la peur, la paranoia de perdre les acquis pour les plus anciens.
C'est un récit remarquable, d'une force incroyable, un premier roman déjà récompensé du Prix Stanislas délivré à Nancy en septembre dernier.
https://nathavh49.blogspot.com/2024/11/mythologie-du-12-celestin-de-meeus.html
La vie fait parfois se croiser des destins dont les trajectoires n’avaient aucune raison d’emprunter la même route, comme celle d’une cabane abandonnée au bord d’un étang.
En ce jour du solstice d’été, alors que le docteur Rombouts fait le bilan de sa vie passée, ses longues études de médecine, la réussite de sa carrière, sa propriété de luxe mais aussi sa femme partie avec leurs deux fils et au final le triste constat de sa solitude, Théo lui, pense à son avenir, ce qu’il va faire après le bac, peut-être des études d’histoire lui qui est passionné de mythologie, il repense à ce que lui a appris son père et sait qu’il doit va lui falloir quitter son quotidien d'adolescent oisif.
Mais pour le moment, Rombouts est seul dans sa belle maison à boire du whisky et Théo traîne en voiture avec son ami Max, en fumant des pétards et en buvant de la bière.
Et c‘est le contraste de ces deux étapes de la vie, de ces deux milieux, de ces deux éducations qui fait l’âme du premier roman de Célestin de Meeûs.
Seulement deux points dans tout ce court texte que l’on ne sait où arrêter, deux longues phrases qui nous happent parce que l’on veut savoir où elles nous conduisent, on veut arriver à cette rencontre improbable que l’on sait déjà inévitable.
De son écriture rythmée et très maîtrisée, Célestin de Meeûs nous entraîne dans une histoire envoûtante et sombre, qui parle des questionnements de l’adolescence et des bilans de l’âge mûr et qui interroge sur les choix de vie, faisant se percuter les projets passés et ceux qui sont à venir.
Un premier roman dense et touchant que j’ai lu d'un seul souffle.
Une très belle découverte
« Les grandes fenêtres bleues renvoyaient les rayons obliques du soleil et l’asphalte du parking fondait, formant de petites flaques de goudron noir, nauséabondes, auréolées de halos jaunes, verts et violets, comme si l’été qui commençait à peine avait pris corps avec ces lourdes, inexorables odeurs d’asphalte gras et de friture, d’essence, de relents de parfums qu’ici et là traînaient les couples et les familles, assis aux tables du McDo, profitant de ce premier jour d’été, de l’approche des vacances, pour manger au grand air »
C’est le jour du solstice, le 21 juin 2023. Théo est au zoning. Il passe le temps avec bière et pétard. Il attend que Max le rejoigne. Le docteur Rombouts termine sa journée et s’apprête à rentrer chez lui pour savourer son traditionnel whisky glace sur la terrasse, au calme.
Mythologie du .12 c’est deux histoires enchâssées : celle d’une jeunesse qui fait la fête, fume, boit, vit… et celle d’un docteur aux principes et valeurs à l’ancienne. C’est la confrontation inéluctable de deux mondes qui semblent inconciliables si ce n’est l’alcool et les femmes.
« il entendit Max dire que c’était un truc de malade, que pour la première fois de sa vie il avait l’impression d’avoir découvert la beauté, comme si pendant dix-huit années il avait vécu au milieu d’une immense décharge de toc de pourriture et de laideur »
Il est question de ruptures pour les uns, de fantasme pour d’autre, d’espoir et de colère, d’incompréhension et de rancœur, d’ivresse, de possession.
Le récit se déroule sur quelques heures, jusqu’au grain de sable, jusqu’à « la goutte de trop ».
Mythologie du .12 regorge de thèmes très contemporains : l’ennui, la violence, les excès et l’absence de communication en sont les fils rouges. Cela résonne fortement avec l’actualité. Est-ce le fruit d’une pure coïncidence ?
« c’était sans conteste par les livres, par sa scolarité latine, que le docteur s’était forgé un esprit critique, une tête bien faite, érigeant le courage et l’ambition et la rigueur en vertus cardinales, mais eux, ses fils et cette génération, avaient accès au monde entier et au savoir comme autre auparavant, comme aucun autre oui, et pourtant ils n’en faisaient rien, non, cette génération était exagérément gâtée, dans tous les sens du terme, se dit Rombouts »
Mythologie du .12 c’est surtout et avant tout une narration atypique et singulière. Les phrases sont longues à très longues, à la ponctuation non conventionnelle. Le lecteur a l’impression d’un long monologue, avec les explications entre parenthèse pour renforcer la compréhension. Point d’inquiétude, la lecture est d’une grande fluidité, le plaisir averé.
L’écriture est très descriptive : visuelle, olfactive, cinématographique. Elle frôle la caricature parfois tant les détails sont nombreux.
Elle est populaire dans la « bouche de Max ou Théo », elle est adaptée à leur âge. Elle est plus littéraire et travaillée dans celle du docteur.
Elle est rythmée, poétique.
« déjà gamin il aimait les bouquins sur la mythologie grecque, et il se rappela comment ceux-ci (les Grecs) avaient défini l’origine du monde par le chaos, principe de commencement (et de fin ? se demanda Théo en regardant l’asphalte moite) de toute chose, où tout prenait naissance, donc, un trou béant, une nuit aveugle inextricable et infinie qui englobait toute chose, ou plutôt dans laquelle toute chose tombait, si paradoxal que cela puisse paraitre »
Mythologie du .12 est l’histoire d’un jour qui vire au chaos, servi par une narration renversante et convaincante. Une des belles surprises de la rentrée littéraire, la découverte d’une nouvelle voix dont on va entendre parler.
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