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En 1896, Chunhe a quinze ans lorsqu’il entre au service de Qing Fu, l’administrateur du village de Dongzhao. Il s’agit pour lui d’entretenir son père dont la pauvreté n’a d’égale que l’honnêteté. Le maître est sévère mais juste et l’adolescent est bien traité. Seule ombre au tableau : Qing Deshun, le deuxième fils de la maison, un noceur invétéré, menteur, voleur et tricheur. Lorsque Deshun et Chunhe convoitent la même jeune fille et qu’elle dédaigne le noble pour se fiancer au miséreux, Chunhe n’a d’autre choix que de fuir sa région de naissance pour s’exiler à Pékin. Loin de chez lui, il tombe dans le piège d’un complice de Deshun qui a juré sa perte. Vendu contre son gré à un castrateur, il est délesté de ses parties intimes afin d’entrer au service de la famille impériale en qualité d’eunuque. Résigné, Chunhe commence par servir un eunuque de rang supérieur jusqu’à ce que son obéissance, sa servilité et son honnêteté soient remarquées par l’impératrice Xiaoding. Il la servira de jour comme de nuit, corvéable à merci, battu, humilié, rarement récompensé.
Des confidences de Chunhe, l’historien Shi Dan a tiré un roman sur le destin d’un eunuque à la fin du XIXè siècle. Un destin sombre mais hors du commun. Chunhe est un garçon résigné qui n’a jamais connu que la misère, la malchance, la souffrance. Résilient et servile, il ne se rebelle jamais, par manque de courage et par conscience de son humble position. Innocent et naïf, il ne se méfie pas des beaux parleurs et tombe facilement dans les pièges tendus. Modeste et discret, il effectue son travail le mieux possible, sans se faire remarquer. Introduit dans la mystérieuse Cité interdite, il ne se mêle ni des médisances, ni des intrigues, ni des complots.
Ce témoignage est édifiant sur la condition des eunuques de la cour impériale. Si quelques-uns étaient volontaires, la plupart étaient victimes de trafiquants peu scrupuleux. Les castrateurs en faisaient des monstres aux yeux de leur famille vers laquelle ils ne pouvaient plus se tourner. A noter que le chapitre où Chunhe raconte sa castration est particulièrement dur et poignant.
Au palais, certains se faisaient une place au soleil, accumulant pouvoir et richesse mais le gros des eunuques n’était que des esclaves maltraités et prisonniers des murs de la Cité interdite.
Ce roman émouvant se lit comme un document historique. On y rencontre la cruelle impératrice douairière Cixi, on suit l’exil à Xian de la cour chassée par les rumeurs de guerre avec les puissances occidentales, on y croise Pu Yi, le dernier empereur de la dynastie Qing.
Avec la chute de la maison impériale et l’avènement de la République, les eunuques n’ont eu d’autre solution que de se réfugier dans les monastères prêts à accueillir ces êtres ni femmes, ni hommes.
Un témoignage saisissant et instructif, à découvrir.
L’histoire est présentée somme toute de façon assez banale, celle d’un jeune homme et de la vie d’eunuque qu’il a mené dans la Cité Interdite dans laquelle il est entré en 1898, vers la fin de la dynastie donc. Là où cela devient intéressant, c’est la façon dont il nous décrit la manière par laquelle il devient eunuque au Palais Impérial. C’est tout un système qui est installé car deux hommes seulement dans la ville sont chargés de l’émasculation des futurs eunuques (souvent de force) et ils sont reconnus pour cela. C’est un métier en soi d’émasculer et personne ne se dit que c’est quand même un métier vachement étrange. Par la suite, il nous raconte comment se passe la vie au Palais et la hiérarchie qui règne aussi bien parmi la famille Impériale qu’au sein même de la caste des eunuques selon leur position et leur grade. Il n’oublie pas de parler de la décadence de certains des eunuques et des commérages qui avaient part dans la Cité. En effet, les eunuques avaient des femmes, aussi étrange que cela puisse paraître. Mais en lisant ce livre, malgré les jugements que l’on peut porter, en prenant du recul, on peut arriver à comprendre certaines choses. Le fait est que ce témoignage nous apprend énormément sur un sujet qui est vraiment méconnu, notamment dans le cas de la Cité Interdite baignant elle-même dans un mystère qui nous rend curieux. Alors bien sûr, il y a des ouvrages et des romans sur la Cité Interdite qui nous permet de satisfaire notre curiosité et ce livre fait partie de ceux-là.
Pour ma part, j’ai trouvé vraiment intéressant de lire ce témoignage de l’eunuque Xiaoding rapporté par l’auteur Dan Shi. Ce n’est pas un livre très long (aux éditions Picquier poche) et l’histoire ne tombe jamais dans le mélodrame. Elle ne s’attarde pas sur des choses qui auraient pu alourdir le livre et le sujet dont il traite qui n’est pas très joyeux en soi. Au contraire, l’ajout des ragots circulant dans la Cité Impériale et la décadence des eunuques donnent un peu de légèreté.
https://pauseearlgreyblog.wordpress.com/2016/04/30/memoires-dun-eunuque-dans-la-cite-interdite-dan-shi/
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