Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Comme tous les poètes décisifs, Serge Pey ne ressemble à personne. Il a inventé sa voix verticale, cet aplomb du verbe qui ne tombe pas de haut, mais passe d'horizon en horizon, et au delà. Il a inventé son rythme, cette pulsation qui jette le sang des talons à la tête. Il a inventé sa parole qui est, sans distance aucune, une action, qui est un souffle, une énergie, un feu incarné. Car avec lui, la poésie tape du pied, devient vertige, envoûtement et libération de chaque fibre du corps.
Accroché à ses bâtons d'écriture comme à des mâts naufragés, Serge Pey tangue et danse, flambe et profère. Il est le troubadour voué à la marche ascendante, le chaman des révélations violentes, celui qui énonce et relie l'ensemble des destins foudroyés, des murmures étouffés, des secrets bannis. Sa scansion accueille toutes les migrations du sens, toutes les métamorphoses du chant. Il est l'homme que le cri des origines et la rumeur des âges engagent au présent. Il entend et répercute ce qui d'ordinaire se tait : de l'exaltation massacrée au lancinant retour des suicidés de la société, de la jubilation d'être à l'irradiante tendresse des dépossédés.
À la lecture de ses poèmes, on perçoit combien Serge Pey empoigne le monde, combien son univers mental et sonore requiert une bouche en transe, des expirations inspirées, des rondes rauques ou extatiques. Dans son sillage, les échos, les tempos sans fin, les éclats, sont ceux d'un semeur de syllabes qui serait également un oracle de grand vent.
Mathématique générale de l'infini est un ensemble de poèmes inédits.
Serge Pey est un poète qui n’entre pas dans les cases de la poésie classique. Adepte de la poésie performance ou poésie action, il déclame ses textes en nomade qui parcoure le monde et tous ces territoires d’où la poésie est absente.
Il faut le voir, l’entendre sur scène ou dans la rue, car sa poésie ne se laisse pas enfermée. Aussi est-il difficile de la découvrir à travers les pages d’un recueil de poésie car il y manquera toujours une dimension et cette exaltation qui lui est propre.
Dans sa préface, André Velter écrit :
« Il y a là, par exercice d’incantations martelées, une pratique du dévoilement, de la déchirure, de la blessure vocalisée, qui accroit infiniment le champ du réel tout en le forçant à trembler sur ses bases. »
Dans Mathématique générale de l’infini, les poèmes se nomment « bâtons », comme le bâton de pluie qui scande le texte, et ils sont numérotés.
« Bâton III
Nous avions oublié
que notre marche
sur cette terre fragile
ne laissait pas d’empreintes. »
Il faut suivre ces bâtons d’écriture qui marquent le monde comme un chemin de croix, qui racontent. L’explication de « la parole des bâtons » se trouve dans la bio de Serge Pey : « Le poète rédige ses textes sur des bâtons avec lesquels il manifeste ses scansions et ses performances, et met en place des installations qu’il nomme pièges à infini »
Dans « La barque de Pierre. Poème pour un pêcheur de Sant Cebrià » Serge Pey évoque sa famille immigrée, il y a l’oncle pêcheur, dont la barque se nommait « Le bel Ange ». Les tantes étaient couturières, cardaient la laine, grillaient les sardines. Et c’est cette famille de gens simples qui accompagne le poète et nourrit son histoire, lui qui toujours s etourne vers les opprimés, les révoltés, les oubliés.
« Je le répète dans mes généalogies
d’oiseaux ivrognes
et d’abeilles vaincues
Parfois les morts se lèvent
et tirent sur le sommeil
avec de vieux fusils
et écrasent toutes les boussoles
pour perdre la direction
des roses et des rosées. »
Dans « poésie et liberté », c’est un dialogue qui s’instaure avec le poète. Il nous donne son sentiment profond sur ce qu’est la poésie, cette poésie qui appartient au monde et qui » doit être faite par tous ». Serge Pey est le chantre d’une poésie populaire, universelle, une poésie liberté dont chacun d’entre nous peut s’emparer. C’est la poésie du réel, débarrassée de ses affèteries et autres colifichets et qui revient à l’origine de la langue.
« La poésie doit rester
sans imagination
Voir n’est pas imaginer
mais trouer le réel
pour voir le mot qu’il nous cache
mais que nous devons inventer. »
Lecture ardue que la lecture de ces 400 pages de poésie-action, et j’ai fragmenté m lecture tout en tentant de remonter à la genèse de l’écriture.
Poète action, poète de la mise en espace de la langue, mais aussi artiste plasticien, Serge Pey est un auteur à découvrir absolument.
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