"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En lien avec l'oeuvre oubliée de JC Deane, instigateur de la grande exposition d'art, en 1857, au coeur de la ville ouvrière de Manchester, Dominique Memmi imagine la genèse de la construction du musée Guggenheim à Bilbao, inauguré en 1997, mêlant habilement le projet de Franck Gehry à la réalisation historique de cet autre visionnaire. À partir de son imagination, l'autrice nous fait découvrir la créativité généreuse de ces deux amoureux de l'art et des humains, la profondeur des sentiments et des réflexions qui les animent lorsqu'ils pensent à fabriquer du beau, du grand, du transcendant. Dans ce roman social, captivant et émouvant, l'autrice interroge notre rapport à l'art et défend l'accès pour tous à la beauté. Manchester Dream est pétri d'intelligence et de rêves en vue d'un monde meilleur, où la création transcende la trivialité de la vie ordinaire. Plein de rebondissements, il se lit aussi comme un roman d'aventures. Extraits : « Faire revivre Bilbao, rien que ça ! Leur ville, à les écouter, c'était quelque chose ! C'était là où ils étaient nés, où ils vivaient, où ils élevaient leurs enfants et où leurs parents étaient morts. Une ancienne capitale de la métallurgie, de l'effervescence et du labeur, disaient-ils avec ferveur. Ils voulaient mettre de l'art où tout n'était que ruines. Parce que l'art est le seul à faire renaître la vie, voilà qu'ils ne s'arrêtaient plus. Le pouvoir de l'art, répétaient-ils, c'est la résurrection. C'était fou cette conversation ! » Frank écoute attentivement. Il s'amuse intérieurement à l'évocation du nom de l'architecte Josef Holbein. Il sait que c'est une tactique de Théo, une façon de faire planer la concurrence comme une ombre au-dessus de lui. Mais Frank aime le challenge, ça stimule sa créativité. Il ne dit rien à Théo, se contente d'observer la route qui défile, les hangars, les terre-pleins et les innombrables panneaux indicatifs. Il fait provision d'espaces. Son attention se fixe sur les panneaux, il ne peut s'empêcher de penser combien ils sont hideux, efficaces certes, mais hideux. Il faudrait inventer autre chose pour indiquer une direction, une ville, un lieu. Les hommes méritent mieux, les paysages et les lieux aussi. Puis son esprit revient à Théo, à ses paroles, à celles des Basques qui s'imprègnent en lui. Lorsqu'ils parviennent enfin à l'entrée de la ville, il comprend immédiatement le désir de ces hommes. De grands ensembles à l'esthétique carcérale ont été construits aux abords de Bilbao. De hautes tours avec des meurtrières pour fenêtres dominent la route Maurice Ravel. Frank note combien une fois de plus on associe un nom d'artiste aux horreurs de l'espace capitaliste, combien on organise le désenchantement de façon habile et sournoise. C'est un véritable cauchemar. Jusqu'où va se nicher la perfidie des hommes politiques, sous prétexte de priorités. Mais ces hommes venus leur rendre visite, à Théo et à lui, ne veulent pas cesser de rêver. S'il y a bien une chose dont Frank Gehry est convaincu, c'est que rien n'arrête l'homme qui habite un rêve.
Vous est-il déjà arrivé de vous interroger sur ce qui a poussé un architecte à réaliser l’œuvre telle que nous la voyons ? Que ce soit dans le passé, châteaux ou monuments, ou plus récemment avec quelques fantastiques musées dont l’architecture est parfois aussi riche et somptueuse que les collections qui y sont présentées. Moi, oui, souvent ? Et en particulier à propos du magnifique musée Guggenheim de Bilbao, au Pays-Basque espagnol.
Bilbao, ville industrielle sur le déclin, dont le dynamisme a été brisé par le terrorisme et l’évolution des sciences et techniques de notre siècle. Bilbao, ville qui se mourrait et qui renaît de ses cendres à partir de 1997 grâce au bâtiment emblématique construit sur les rives de la Ria de Bilbao par Franck Gehry.
Si j’ai visité plusieurs fois ce musée depuis son ouverture jusqu’à ces derniers mois, je ne m’étais pas trop posé la question du pourquoi et comment avait pu émerger l’idée de le construire à cet endroit précisément. Il faut dire que l’environnement dans lequel il était implanté à la fin des années 90 aurait pu faire peur à plus d’un. Depuis, la ville et les rives se sont transformées.
Comment, quand, pourquoi et pour qui Franck Gehry a-t-il accepté de construire le musée de Bilbao. Qui l’a inspiré, lui a donné envie de réaliser ce projet fou, et qui aurait pu le décourager, voilà ce que nous allons découvrir dans ce roman que l’on appréhende comme tel et qui nous fait poser de nombreuses questions.
L’art, la créativité, la beauté, y ont toute leur place, mais l’humanité des personnages rencontrés donne au roman toute sa force. L’autrice évoque d’ailleurs le désir de faire évoluer les populations ouvrières des cités industrielles pour leur permettre d’accéder au beau, parce que l’art ne doit pas être réservé seulement à une élite.
Dans Manchester Dream, Dominique Memmi fait revivre pour nous deux événements majeurs.
La demande à Franck Gehry de construire ce musée et le cheminent intellectuel qui aurait pu le mener à sa réalisation, et l’exposition de beaux-arts Les trésors d’art de la Grande-Bretagnequi s’est tenue à Manchester, en Angleterre, du 5 mai au 17 octobre 1857. Tout en l’associant à l’incroyable construction du Crystal Palace, édifié à Hyde Park pour abriter en 1851 la première des expositions universelles.
Mais elle les fait revivre à sa façon, c’est à dire avec l’imagination dont savent faire preuve les auteurs pour nous entraîner à leur suite dans les histoires qu’ils veulent nous raconter. Entre New-York, Bilbao et Manchester, je vous laisse découvrir quel est ce Manchester Dream qui nous transporte au delà du rêve.
Alors oui, j’ai passé la nuit avec Franck Gehry, car je voulais tout connaître, tout savoir de son cheminement, de ses pensées, de ce qui l’avait incité à créer ce musée, poisson de titane posé au bord du fleuve. Un roman que je n’ai pas lâché avant de l’avoir terminé et qui m’a donné envie d’aller voir une fois de plus ce magnifique musée.
https://domiclire.wordpress.com/2024/03/09/manchester-dream-le-coeur-de-larchitecte-dominique-memmi/
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