Le Caire, 1912. Vêtue d'un complet trois pièces - un ensemble blanc du plus bel effet sur sa peau cuivrée -, Fatma lisse sa cravate couleur d'or en veillant à exhiber les boutons de manchette scintillant aux poignets de sa chemise bleu nuit. Puis elle pose son chapeau melon sur sa courte crinière bouclée.
Oui, Fatma el-Sha'arawi est une redoutable sapeuse. C'est aussi une énergique et compétente enquêtrice du ministère de l'Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles. Et la voici en charge de l'assassinat collectif de la Fraternité d'al-Jahiz par un inconnu qui se prétend... al-Jahiz lui-même, le puissant mystique qui a ouvert la porte de l'Égypte à la magie et aux djinns cinquante ans plus tôt.
Imposture ? Ça ne fait aucun doute pour Fatma. Mais encore faut-il identifier et traquer ce mystérieux terroriste que des pouvoirs inouïs rendent, semble-t-il, invulnérable. Une enquête à tiroirs à l'issue de quoi on dirait bien que notre héroïne devra encore sauver le monde.
Avec Maître des Djinns, Phenderson Djèlí Clark signe son premier roman et nous entraîne au coeur d'une Égypte uchronique flamboyante.
Maître des djinns est mon quatrième ouvrage de l’auteur et il confirme mon intuition que P. Djèli Clark est l'auteur à suivre en ce moment. Son écriture est au top, ces personnages sont construits avec une finesse rare qui crée une ambiance criante de vérité d’autant plus qu’il ose les mettre dans des situations un poil risqué pour éviter de tomber dans la caricature. Maître des djinns est le premier roman de l’auteur, ces textes précédents sont des nouvelles/novellas. Attention avant de lire le roman, il faut au moins avoir lu la novella L'Étrange Affaire du djinn du Caire qui est incluse dans les Tambours du dieu noir. Cette novella pose les bases du système de magie, de l'univers et du fonctionnement du pays. Tout est présenté dedans. La deuxième novella qui se passe dans le même univers est le mystère du tramway hanté. Même si elle se déroule avant l’histoire du roman, on peut se permettre de la lire après.
On est au Caire début 1900, un Caire alternatif où l’Egypte a renoué avec les djinns et toutes les créatures mythologiques historiques. Cette collaboration êtres surnaturels et hommes a pour conséquence le fait que l'Égypte a une place prédominante dans le monde et l’Europe une place plus insignifiante. On va suivre une enquêtrice aux petits oignons à qui on va mettre dans les pâtes seconde enquêtrice à l’aspect plus traditionnel. Là où Fatma est très avant-gardiste, Hadia est musulmane pratiquante. Comment ce duo va s’entendre et fonctionner ? La finesse et la justesse de ce duo est juste dingue. Le coeur de l’histoire tourne autour de l'enquête au sujet d’une tuerie de masse sous fond de société secrète et de mysticisme. Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui a été relâché dans le monde ? Quels sont les liens avec les reliques ? L’enquête est une excuse pour découvrir le cœur de la société de l'époque, pour se familiariser de plus en plus avec toutes les catégories surnaturelles qui cohabitent et surtout pour questionner sur la position et les droits des femmes. En effet, tout se passe avec en bruit de fond le manifestation pour obtenir le droit de vote… C’est hyper agréable à lire, addictif, difficile à poser, plein de sujets de société traité avec une finesse dingue. Le récit est bien construit, l’univers est hop et les personnages sont tout en nuances, il faut découvrir cet auteur et ce roman. J’ai hâte de pouvoir me replonger dans ce Caire début 20ème siècle.
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