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Avec Ascanio Celestini, l'écriture est une féerie de la création. Son roman Lutte des classes en est un magistral exemple. Quatre personnes qui vivent dans le même immeuble, où se mêlent loufoquerie et désastre, nous racontent leurs histoires entremêlées.
Ascanio Celestini est né en 1972 et vit à Rome. Cinéaste, dramaturge, écrivain, il est l´un des acteurs les plus connus du théâtre narratif en Italie. Son film La pecora nera, adaptation cinématographique de La brebis galeuse (éditions du Sonneur, 2010), a été remarqué à la Mostra de Venise en 2011 et a reçu le prix spécial du festival du film italien d´Annecy. Il a écrit cinq livres, tous publiés en Italie par les éditions Einaudi.
Chaque personnage est le narrateur d'une partie du livre. Salvatore débute, suivi de Marinella, Nicola et Patrizia. Chacun raconte selon son âge, son sexe, son histoire ce qui se passe autour de lui. L'histoire de Salvatore est un peu différente des trois autres : c'est le seul enfant, il ne travaille pas au centre d'appels et même s'il est préoccupé par des questions sexuelles n'a pas encore d'envie d'aller plus loin dans des relations. Voilà ce qu'il dit dès les premières pages : "Quand le docteur a ouvert ma mère, il n'a pas trouvé l'œsophage. Il avait brûlé à cause de l'acide. Mon père s'en servait pour tuer les rats dans la poulaillère. [...] Alors il jetait de l'acide dans les trous à rats et il les brûlait. Mais l'hiver n'était pas loin et mon père voulait savoir si avec le froid l'acide gèle. Il disait "si ça se trouve je leur balance de l'acide dessus et au lieu de cramer les rats font du patin à glace". Il a mis la bouteille au freezer pour faire un test et ma mère l'a sifflée. C'est arrivé par erreur. Quand le docteur l'a ouverte, il n'a pas trouvé l'œsophage." (p.9) Forcément, après cette entrée en matière, pas vraiment appétissante, je vous l'accorde, on a envie de continuer. D'ailleurs, chaque partie consacrée à un nouveau narrateur commence par une phrase courte, marquante : "Barbie montre son cul sur le calendrier." (p.61), "Le nuage avait la forme d'une bite." (p.137), "Tu parles et aucun mot ne sort de ta bouche." (p.197). Le style général du bouquin est sur le même ton, des phrases assénées, courtes assassines parfois, directes, dans un langage courant, familier, avec parfois des petits morceaux de vulgarité, mais rien d'inaudible par nos oreilles habituées à bien pire à la télévision ou à la radio ou même à la maison parfois (sauf pour ceux et celles d'entre nous qui ont des enfants irréprochables qui n'écoutent ni ne retiennent les gros mots de l'école et dont les lèvres-les-nôtres, celles des adultes- ne laissent jamais passer un mot grossier)
Ascanio Celestini s'en prend brutalement et frontalement au monde du travail, à la précarité, aux grands capitalistes qui profitent du système et du besoin des gens de travailler pour vivre. Son constat est dur, réaliste ; certains cumulent plusieurs petits boulots mal payés pour subvenir à leurs besoins pourtant primordiaux : se nourrir, se vêtir, payer le loyer. Ils survivent, tentent de donner du sens à cette vie difficile et abrutissante. C'est un roman sombre, mais qui étonnamment n'est pas pesant. L'écriture de A. Celestini est enlevée, très proche du langage parlé. Il émaille son texte de passages drôles, qui l'aèrent un peu sans alléger le propos mais en le faisant passer sur un ton plus alerte. Néanmoins, je me dois d'écrire ici que certains passages sont redondants : plusieurs narrateurs racontent le même fait parfois sans y apporter de précisions supplémentaires, des lignes dont on pourrait aisément se passer.
Un roman très atypique, dont il m'est bien difficile de dire si je l'ai aimé ou pas. Il en va parfois ainsi de certains bouquins. Mais je crois pouvoir affirmer que l'atmosphère qui s'en dégage et les personnages me resteront en tête. Un livre qui marque ne serait-ce que parce qu'il sort du lot.
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