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«Sans travail, sans rien en vue, j'ai fini de vendre ce qui me restait : mon lit de jeune fille, le matelas du lit aux colonnes, la montre de Quimet que je voulais donner à Antoni lorsqu'il serait grand. Tout le linge. Les coupes, les tasses, le buffet... Et quand il ne me restait rien en dehors de ces monnaies qui me semblaient sacrées, j'ai fait taire ma fierté et je suis allée chez mes anciens patrons.» Une Catalane, femme du peuple, originaire du quartier de Gràcia à Barcelone, raconte sa vie. Avec délicatesse et discrétion, Natàlia évoque son adolescence, le travail - elle est alors vendeuse dans une pâtisserie du quartier -, son mariage, les maternités, la mort de son mari, milicien dans l'armée républicaine, la guerre civile, la faim, le désespoir, son remariage... Ce témoignage émouvant par la simplicité d'une vie banale en apparence, mais qui se déroule pendant une époque mouvementée, la guerre civile puis les années noires qui suivent la victoire du franquisme, est considéré comme le chef-d'oeuvre du roman catalan depuis un quart de siècle.
Barcelone, 1928.
Natàlia vit avec son père et sa belle-mère et travaille dans une confiserie. Elle est fiancée au timide Pere. Aussi quand elle rencontre le très entreprenant Quimet, un soir de bal sur la place du diamant, elle ne résiste pas longtemps à sa cour tapageuse. Caractériel et égoïste, Quimet fait d’elle Colometa, une femme au foyer, la mère de deux enfants, la soigneuse des pigeons qu’il décide d’élever. Et finalement une veuve lorsqu’il s’engage dans la milice républicaine et tombe sur le front.
La fin de la guerre ne marque pas la fin de la misère et Natàlia, désespérée à l’idée de ne plus revoir Quimet, à bout de forces et tenaillée par la faim, envisage de se tuer avec ses enfants. Elle est sauvée par un épicier qui lui offre du travail et, plus tard, la demande en mariage. La vie s’améliore alors grandement pour Natàlia et ses enfants mais elle ne peut s’empêcher de ruminer des idées noires et pense toujours à son premier mari.
Récit à la première personne de la vie simple d’une femme simple dans un monde complexe. Le ton est naïf et l’héroïne semble ballotée par les évènements sur lesquels elle n’a jamais prise. C’est Quimet qui la choisit et elle n’oppose pas de résistance. C’est Quimet qui décide de tout et elle se laisse faire…par amour. Submergée par la charge qu’il lui impose avec l’acquisition de pigeons toujours plus nombreux et la construction d’un pigeonnier sur la terrasse qui était son havre de paix, Natàlia finit par se rebeller et se débarrasse insidieusement des volatiles. C’est ensuite la guerre civile qui fait voler sa famille en éclats. Mercè Rodoreda l’évoque mais sans parler de politique, de combats sanglants, de la victoire de Franco. Elle choisit de nous en faire voir les ravages du point de vue de Natàlia : le veuvage, le deuil difficile, l’obligation de se séparer de son fils, l’ostracisation des vaincus, la misère, la faim, la mort comme seule issue.
Fracassée par les épreuves, Natàlia en devient presque folle mais finit par se réveiller et par accepter le bonheur.
Malgré la touche finale d’optimisme, La Place du Diamant est un livre d’une infinie tristesse. Pourtant on y sent aussi une force de vie, celle des petites gens qui serrent les dents et continuent coûte que coûte leur chemin dans un monde souvent cruel. Et Natàlia, avec ses réflexions très prosaïques, ses métaphores originales, sa retenue, ses peurs, son amour, se pose en héroïne inoubliable. Un monument de la littérature catalane à découvrir.
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