Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
1860... Faith Sunderly est la fille d'un pasteur et éminent naturaliste. Accusé d'avoir trompé la communauté scientifique, celui-ci part s'exiler avec sa famille sur une île au large des côtes anglaises. Mais des menaces se propagent, jusqu'au drame. Que son père lui a-t-il caché ? Défiant les convenances sociales, avec toute la fougue de ses quatorze ans, Faith osera-t-elle faire surgir la vérité ? Une vérité qui pourrait se révéler fort dangereuse...
Tout d'abord, je tiens à remercier les éditions Gallimard jeunesse pour ce sublime envoi, qui, comme toujours, n'a pas déçu mes attentes. J'avais découvert ce titre grâce à la géniale Lili Bouquine et elle en avait parlé comme d'un coup de cœur à ne pas manquer. Vous pensez bien que je ne me suis pas faite prier ! Rien que la couverture est à tomber. Elles le sont toutes, soit dit en passant, et je tenais à vous présenter les trois principales sur les images de mon article car je trouve qu'elles ont toutes une esthétique et une vision du roman différentes et pourtant parfaitement justes. Elles ont toutes un petit quelque chose d'envoûtant, qui va happer le lecteur d'abord d'un point de vue visuel et par l'aura que le talent des illustrateurs dégage, et après lecture, ces choix artistiques font prendre tout leur sens. Le contenu est donc de qualité et au rendez-vous et en plus, il donne un nouvel éclairage aux détails de la couverture, et inversement, c'est un véritable travail de connivence et cela met vraiment le livre en valeur et correctement. J'ajouterai que ce livre le mérite amplement, et pas étonnant qu'il ait gagné le prestigieux Prix Costa de nos amis les Angliches. J'ai été un peu interpellée en voyant mentionné sur la couverture PRIX COSTA DU MEILLEUR LIVRE DE L'ANNEE - Pour la première fois depuis Philip Pullman.
Donc personne n'avait été primé depuis ?? Eeeet... il suffit de se rendre à la quatrième de couverture pour apprendre que Hardinge et Pullman sont les seuls récipiendaires du prix dans la catégorie jeunesse. Certes, je trouve que les œuvres destinées aux enfants/adolescents manquent encore de reconnaissance, mais c'est déjà un progrès ! D'autant plus que, dans le cas des deux auteurs cités ci-dessus, leurs œuvres respectives ont su marqué l'imaginaire et le cœur des lecteurs, petits et grands, de par leur profondeur, leur ouverture d'esprit et leurs idées aussi larges que le monde. Leur création est source d'inspiration, de lumière et d'émerveillement, de par les émotions profondément humaines et fortes dégagées, des personnages uniques en leur genre auxquels on peut aisément s'identifier et des aventures qui en valent le détour pour tout ce qu'elles peuvent nous apporter. Commençons par la couverture française. Elle peut sembler un peu enfantine avec ses traits peu marqués par rapport aux deux autres (anglais standard et collector)-et elle me rappelle à cet égard la couv' vf. des Sorcières du Clan du Nord (ma chronique ici). J'ai trouvé que ces deux romans se rejoignaient de par leur écriture très douce, digne d'un conte ancien, mais en abordant des sujets très adultes, tels que la noirceur de la souffrance, nos plus vils desseins motivés par l'égoïsme et la jalousie, appliqués à des cœurs très jeunes. La pureté de l'enfance y est remise en cause.
L'île aux mensonges met l'accent sur le fait que l'endroit où la famille Sunderly va se retrouver exilée à cause de l'infamie scientifique du père est un tel engrais pour la propagation de rumeurs et autres ragots qui permettent de juger éhontément les gens qui en sont victimes sans les connaître, que Faith, la jeune héroïne, va s'empêtrer dans ses propres mensonges savamment orchestrés afin de prendre sa vengeance sur ces gens qui l'ont insulté, elle et sa famille, et lui ont fait un mal irréparable. D'où les lianes sur la couverture qui émergent de tous les coins, représentation de l'arbre aux mensonges qui a poussé de manière formidablement anormale dans la grotte sombre dans laquelle Faith le protège. Je me suis très rapidement attachée à cette héroïne forte, à l'esprit insatiable de connaissances afin de parfaire son intelligence, qui était pourtant interdite à la plupart des femmes de son temps. Normalement, c'est le très jeune frère de Faith qui doit faire preuve de vivacité d'esprit, digne de son sexe d'homme, pour pouvoir succéder convenablement à son érudit et pieux père. Ce que l'adolescente a du mal à accepter.
Elle qui fait partie du sexe faible, au crâne diamétralement plus petit (soi-disant), n'a pas le droit de participer à des conversations élevées, sous peine de faire montre de son exceptionnelle culture, ce qui serait inacceptable et scandaleux aux yeux de la gente masculine et machiste. La curiosité est un vilain défaut, en particulier pour une femme, et pourtant c'est ce mal qui ronge Faith, qui ne supporte pas d'être maintenue dans l'ignorance. Cette âme si jeune est pourtant déjà bien torturée par cette société étriquée qui ne lui permet pas d'être pleinement elle-même, qui la force à se contenir constamment et à ne pas exploser comme une cocotte face à tant de stupides conventions, injustices, et négligence volontaire des gens envers ceux dont la réputation est traînée dans la boue. La jeune fille, dont le prénom représente très bien la foi et la confiance que son paternel va placer en elle concernant son plus secret dessein, va être poussée à bout face au traitement révoltant et cruel que sa famille va recevoir des habitants de cette île, dont la condescendance et la vicissitude vont l'en écœurer.
Elle va ainsi planter de belles graines de mensonges, qui vont proliférer et donner à l'arbre des fruits à la saveur amère de son désespoir. Un mensonge gros comme une maison pour une vérité enfouie, inavouable, quelle ironie. Tel le fruit défendu de l'arbre de la connaissance, l'arbre à mensonges, qui vous susurre des tentations séduisantes comme le serpent d'Eden, va plonger Faith dans une abîme de noirceur qui pourrait la pousser aux pires extrémités. Faith va se penser mauvaise, pourrie jusqu'à la moelle, elle en a assez de se taire et de rester la jeune fille terne et silencieuse que tout le monde s'imagine qu'elle est. Une fille sans saveur, sans aucune initiative, et qui reste dans l'ombre. Faith est au contraire un esprit éclairé, à la stratégie très élaborée. Pleine de courage et d'audace, elle ne s'en laisse pas conter et en a dans le ventre. Son combat indirect, quoi qu'éloquent, face à cette société patriarcale, sans pour autant trahir sa dévotion sincère et émouvante envers son propre père, personnalité différente des autres hommes de l'île, bien fats et hypocrites, m'a beaucoup parlée et touchée. Ce qui fait de Faith pour moi un personnage honorable et fort louable. L'Enfer est pavé de bonnes intentions, mais elle saura trouver le chemin de la sortie en se rendant compte qu'elle est allée trop loin. Notamment avec le malmené Paul (qui méritait mieux).
En conclusion, j'ai trouvé ce roman jeunesse absolument incroyable. Il nous dépeint les différentes facettes de la femme, à quel point celle-ci est nuancée, dense et intelligente que l'homme pourrait la croire capable, et surtout les diverses armes qu'elle utilise face à cette société du mâle dominant qui l'étouffe.Faith m'a impressionnée de par son sang froid, qui va atteindre un climax de folie carrément dingue ; la mère, Myrtle, n'est pas à mettre de côté et à dénigrer, bien au contraire, je m'en veux de l'avoir jugée trop rapidement. D'autres femmes de l'histoire sauront faire preuve de dévouement, de bravoure mais aussi d'une férocité et d'une malice silencieuse à vous hérisser le poil. Quand au secret le plus enraciné de l'Humanité, difficile à dire si le pasteur y aurait trouvé la clé tant recherchée au bout du compte. Son acte de service délibéré et son sacrifice sur l'autel de la vérité l'honorent.
Cependant, ne serait-pas notre foi qui mettrait en lumière toute chose existante, notre croyance en des valeurs et des êtres immuables ? A méditer. En tout cas, mon verdict est sans appel : COUP DE FOUDRE ϟ A mettre entre toutes les mains cet automne. Frissons, mystère et palpitations garantis.
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