"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« On pourrait commencer prosaïquement par ce qui peut être décrit comme une robe de chambre. Rouge - ou plus exactement écarlate - et allant du cou jusqu'à la cheville, laissant voir des ruchés blancs aux poignets et à la gorge... Est-ce injuste de commencer par ce vêtement, plutôt que par l'homme qui le porte? Mais c'est ainsi représenté et ainsi vêtu que nous nous souvenons de lui aujourd'hui. Qu'en eut-il pensé? En aurait-il été rassuré, amusé, un peu offusqué ? » « L'homme en rouge », peint par John Sargent en 1881, s'appelait Samuel Pozzi. Né à Bergerac en 1847, il allait vite devenir à Paris LE médecin à la mode, particulièrement apprécié des dames de la bonne société en tant que chirurgien et gynécologue. Beaucoup d'entre elles, dont Sarah Bernhardt, étaient aussi ses maîtresses et le surnommaient « L'Amour médecin ». À travers sa vie privée, pas toujours heureuse, et sa vie professionnelle, exceptionnellement brillante, c'est une vision en coupe de la Belle Époque qu'on va découvrir sous le regard acéré de Julian Barnes. Il y a d'une part l'image classique de paix et de plaisirs et, de l'autre, les aspects sombres d'une période minée par l'instabilité politique, les crimes et les scandales. Un grand récit.
La biographie de Samuel Pozzi, pionner de la gynécologie modernes est très réussie. On y découvre un homme qui a beaucoup oeuvré pour la médecine mais qui était aussi un homme mondain. Il a côtoyé les grands hommes littéraires ( Proust, les frères Goncourt, Léon Daudet....) et le milieu artistique ( Sarah Bernhardt...) en plus de toutes les femmes qu'il a soignées.
Cette biographie vous plonge dans la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle et si vous aimez l'histoire et la littérature vous serez servis..
L'homme en rouge, c'est le titre d'un tableau peint par le Britannique John Sergent, découvert par Julian Barnes dans une salle de la National Gallery à Londres .
Ce tableau représente Samuel Pozzi, un célèbre médecin français né en 1847, spécialiste de l'obstétrique. Pozzi est l'axe autour duquel Julian Barnes a bâti son ouvrage, véritable fresque du gratin parisien , du tout- Paris de la science, des arts et des lettres de La Belle Epoque.
Aux côtés de Samuel Pozzi dont on suit la vie familiale et la brillante carrière de médecin et de chirurgien, l'auteur a placé deux de ses amis partis avec lui faire à Londres du « shopping intellectuel et décoratif » : le comte Robert de Montesquiou et et le Prince Edmond de Polignac : « Un curieux trio » composé d'un roturier « notoirement hétérosexuel » et de deux aristocrates « marqués d'un sceau particulier de faiblesse envers certaines mœurs de l'Hellade...... » et dont on dit que Proust se serait inspiré pour le personnage du Baron de Charlus. (Peut-être aussi se serait-il inspiré de Pozzi pour le personnage du Docteur Cottard....)
Ces deux « aristocrates d'ancienne lignée » et ce roturier nous introduisent dans l'univers des dandys, des esthètes, des amateurs d'art , du pouvoir politique et financier.
Et nous voilà transportés dans le tourbillon de la vie parisienne, dans celui de la créativité artistique, des affaires politiques, des affaires de cœur aussi, un tourbillon étourdissant et plutôt destabilisant car Barnes ne suit aucun ordre ni chronologique, ni thématique dans son récit .
Un récit éclaté donc, en une multitude de paragraphes juxtaposés, empilés, qui transportent le lecteur d'un personnage à un autre, d'une période à une autre, d'une situation à une autre .
Je me suis sentie souvent étourdie, déroutée, par cette générosité brouillonne, et si j'ai poursuivi ma lecture, c'est parce que j'y rencontrais des noms, des faits, des notions ou des oeuvres qui réveillaient en moi des souvenirs auxquels je pouvais me raccrocher.
Je reconnais bien volontiers que de nombreuses recherches ont été nécessaires à Julian Barnes pour mener à bien son projet digne d'un historien de la société, observateur de la comédie humaine chez les nantis mais j'ai l'impression qu'il a voulu coûte que coûte ne rien sacrifier de sa documentation, tout intégrer dans l'ouvrage final .
Que me reste-t-il de cette lecture ? Des éclats, des étincelles brillantes qui ont réactivé ce que je connaissais des hommes, des œuvres et des faits marquants de la Belle Epoque
Lors d'une visite en librairie, j'ai repéré ce livre et en voyant le titre, je me suis dit "Tiens, un livre sur le cardinal Richelieu" qui est aussi régulièrement surnommé l'homme rouge. Bon, en fait pas du tout, une lecture de la quatrième de couverture m'apprend qu'il s'agit en réalité d'un livre sur Samuel Pozzi, un des pionniers de la gynécologie moderne. Le point de départ choisi par l'auteur est un tableau du médecin sur lequel il est habillé en rouge, d'où le titre. Il n'en reste pas moins que le résumé a piqué ma curiosité et je me suis donc procuré l'ouvrage.
Me voici donc parti pour découvrir la vie de Samuel Pozzi et de beaucoup d'autres illustres personnes d'ailleurs dont je ne vais pas faire ici la liste, ça serait bien trop long. Je peux toutefois citer quelques exemples comme Sarah Bernhardt, le comte Robert de Montesquiou, Oscar Wilde et encore beaucoup d'autres célébrités de l'époque.
L'époque, il s'agit de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle, passage de l'histoire surnommé "la belle époque" puisque marqué par les progrès sociaux, techniques et économiques. C'est une période riche en innovation et également sur le plan culturel. Vous imaginez donc qu'il y a largement la matière pour un livre.
Le moins que l'on puisse dire est que ce livre proposé par Julian Barnes est foisonnant. Un peu trop d'ailleurs... J'ai vraiment aimé découvrir des morceaux de cette époque, les nombreuses anecdotes sur les multiples personnages, les réflexions de l'auteur sur tel ou tel sujet mais l'ensemble part dans tous les sens et je me suis un peu perdu.
Après ma lecture, j'ai été lire quelques critiques d'autres lecteurs sur internet. Quelques éléments m'ont sauté aux yeux car ils reflètent exactement ma pensée, mon ressenti sur cette lecture. J'ai pu lire par exemple que ce livre ressemblait à des travaux préparatoires, que l'on dirait les notes de l'auteur. Ce n'est pas faux, bien que le style soit soigné la construction et la chronologie sont complètement erratiques et on saute assez souvent du coq à l'âne. J'ai pu aussi lire des chroniques dans lesquelles les lecteurs regrettaient que ce livre ne soit finalement pas complètement centré sur le docteur Pozzi. Il est vrai que l'auteur s'attarde souvent sur d'autres personnages et finalement on peut parfois avoir un peu l'impression que Samuel Pozzi est un personnage comme un autre et pas le personnage principal.
La lecture s'avère donc intéressante, très riche en anecdote, il y a un gros travail de recherche derrière ce roman, mais l'ensemble souffre quand même un peu de son aspect décousu. Cela rend la lecture parfois un peu laborieuse et ça pourrait rebuter certains lecteurs. J'ai eu un peu de mal à certains moments mais je me suis accroché car l'écriture est agréable et on y apprend beaucoup de choses.
Au final, c'est un livre que je recommande si vous voulez vous imprégner de cette période historique, si vous êtes friand d'anecdotes historiques sur plusieurs illustres personnages et si vous n'êtes pas rebuté par un côté un peu décousu. On n'est pas vraiment sur un roman mais plutôt sur un livre historique. En tout cas, c'est intéressant, le style est agréable et l'auteur fait preuve d'érudition et a abattu un travail de recherche important. Un livre qui vaut le détour, d'autant plus si vous portez un intérêt ou de la curiosité pour la période et si le sujet (ou plutôt les multiples sujets puisqu'on parle médecine mais aussi peinture, littérature, relations sociales, politique, une vraie radiographie de l'époque).
Ma note : 3,5/5
Une parenthèse enchantée. Ni une biographie, ni un roman. Une promenade, pourrait-on dire. Littéraire et artistique, au bras du guide le plus érudit et agréable qui soit car doté de cette finesse d'esprit et de regard qui rend tout apprentissage aussi savoureux qu'une aérienne crème chantilly. Une promenade qui ne peut que ravir tout amoureux des lettres, des arts et de la Belle Epoque. Ce n'est pas anodin si le point de départ de Julian Barnes est un tableau, cet homme en rouge peint par Sargent en 1881 et représentant Samuel Pozzi dont le destin servira de fil rouge à l'écrivain ; car tout au long de ce cheminement, il sera question de représentation, de la façon dont les œuvres littéraires ou artistiques témoignent de leur temps. Des histoires que chacune raconte. Et c'est absolument passionnant.
A commencer par l'époque, ces décennies foisonnantes entre la fin de la guerre de 1870 et le début de la suivante en 1914, qu'un amateur éclairé comme Julian Barnes ne peut qu'apprécier à travers l'évolution des courants artistiques. Samuel Pozzi est une figure marquante, un médecin "à la mode" mais à l'origine de maintes évolutions dans les spécialités qui sont les siennes (chirurgie viscérale et gynécologique). Beau, doué, célèbre, séducteur. Attirant forcément aussi les jalousies. Mais surtout, un homme ouvert sur le monde et dont la maxime est "Le chauvinisme est une des formes de l'ignorance". Un homme qui, à contre-courant des habitudes françaises, n'hésite pas à aller chercher dans les pays voisins les innovations et bonnes pratiques qui permettront d'améliorer grandement la prise en charge des patients. A l'heure du Brexit, de quoi titiller le francophile auteur anglais. Et c'est le deuxième élément passionnant de cette promenade artistique. L'observation à la fois précise et malicieuse du parallèle entre France et Angleterre, sur le terrain artistique mais pas seulement. Les meilleurs ennemis sont ici auscultés avec la tendre ironie qui permet de n'épargner aucun de leurs travers. Cela passe par l'étude croisée de certaines œuvres (notamment "A rebours" de Huysmans) et des personnages dont elles s'inspirent. Le casting est royal : Oscar Wilde, Huysmans, Sarah Bernhard, John Sargent, Marcel Proust, Henry James... et j'en passe. Julian Barnes se promène dans ces vies et leurs doubles avec la malice du romancier qui constate que "la biographie est une série de lacunes reliées par de la ficelle" et s'amuse du fait que toutes "ces questions (que l'on ne sait pas) pourraient, bien sûr, être résolues dans un roman". Pour le plus grand plaisir du lecteur.
Samuel Pozzi est certes une figure qui mérite d'être connue (il l'est surtout par les écrits de sa fille, Catherine), mais l'éclairage que lui donne Julian Barnes est un prétexte pour faire revivre une époque, des personnages hauts en couleurs et forts en caractère qui ont servi de modèles à certains artistes dont il décrypte les œuvres et les intentions avec l'humour et l'esprit qui le caractérisent. Le chemin du lecteur est agrémenté d'illustrations, reproductions de peintures mais également, plus étonnant, de vignettes Félix Potin que les clients trouvaient dans les tablettes de chocolat de la marque et qui représentaient les artistes, écrivains ou scientifiques importants du moment. Des albums Panini avant l'heure en quelque sorte.
Il est impossible de rendre ici l'incroyable richesse de ce livre qui est aussi une formidable déclaration d'amour à l'art sous toutes ses formes et à celles et ceux qui l'inspirent. Julian Barnes parle de l'art avec art. Laissons-lui le dernier mot : "L'art survit au caprice individuel, à l'orgueil familial, aux conventions sociales ; l'art a toujours le temps de son côté".
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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