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Les Lettres du retour (1907) révèlent la crise intellectuelle et psychique d'un homme dans une situation de fragilité et de déséquilibre : un grand négociant, de retour en Allemagne après une absence de dix-huit ans outre-mer pour le compte d'une compagnie hollandaise.Nous sommes en avril/mai 1901. Bien qu'il soit de nationalité autrichienne, il doit passer quatre mois en Allemagne pour des raisons professionnelles. L'Allemagne n'est pas loin de l'Autriche et son père lui a toujours dit qu'être Allemand ou Autrichien, c'était « la même chose ». Mais en dépit de son désir de retour, tout ce qu'il a connu et vécu auparavant dans ce pays lui paraît irréel et fantomatique. On retrouve là ce qui faisait la teneur de la fameuse Lettre de Lord Chandos : l'aliénation et l'impossibilité d'être en phase avec le réel. Ces cinq lettres fictives sont adressées à un ami de longue date résidant à Londres.Un jour, l'homme d'affaires doit se rendre à une importante négociation commerciale et il n'éprouve que dégoût pour cette obligation professionnelle qui le détourne encore plus de la vraie vie à laquelle il aspire en vain. C'est alors qu'il passe par hasard devant une galerie où sont exposées des tableaux et des dessins de Van Gogh. L'homme d'affaires ne connaît pas encore cet artiste (ce qui n'est bien sûr pas le cas de Hofmannsthal), mais il se sent soudain en pays familier et tout ce qui le fuyait jusqu'alors converge de façon transfigurée, presque apaisée. Il vit là une véritable révélation. Il se sent renaître et extrait du chaos de la « non-vie », qui n'est pas celui de la mort mais de l'absence totale de repères et d'assurances. Beaucoup mieux que les mots et les signes linguistiques privés de leur pouvoir cognitif, la couleur irrigue le monde inventé et lui donne enfin vie. Cette puissance de la peinture qui fait de cet art « une écriture enchantée » ne peut paradoxalement s'exprimer que par la puissance dénigrée des mots.Ce texte bref exprime magnifiquement la crise intellectuelle des artistes de Vienne à la charnière entre deux siècles qui ont produit tout ce qui fait la modernité vouée au vide et de ce fait à se dépasser au-delà du kitsch et du travestissement : de la psychanalyse à l'expressionnisme en passant par le Bauhaus, Klimt, Schiele et le cubisme. Un livre posé et précipité, plein de désespoir et d'ambition.
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