"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
C'est au seuil de la vieillesse que le narrateur décide de nous raconter son histoire, trois moments de vie qui sont autant d'étapes décisives dans la construction de sa personnalité et de sa sensibilité. Il dépeint tout d'abord ses jeunes années et le tournant qu'a représenté le cancer de sa mère. À l'époque, le narrateur avait décidé d'approfondir sa connaissance de l'allemand afin de pouvoir lire Karl Marx et finalement découvrir une littérature germanique qui bouleverse son adolescence, de Thomas Mann à Rainer Maria Rilke. C'est aussi l'époque des premières amours et de la rencontre avec la fille de son professeur d'allemand, qui lui permet de découvrir Berlin d'avant la chute du mur.
Puis vient l'âge de raison, le mariage, la naissance de sa fille Julie, et le divorce. Le narrateur a une quarantaine d'années, il est à présent enseignant et accueille un garçon d'origine serbe dans sa classe. Stanko le fascine, sa discrétion comme cette maturité arrogante qui rejaillit parfois. Mais c'est la rencontre avec la mère du jeune homme qui le trouble encore davantage, notamment lorsqu'elle lui montre une vidéo d'elle et son mari, depuis disparu, lors d'une croisière sur le Danube au moment de passer les Portes de Fer, entre la Serbie et la Roumanie.
Passion à nouveau éphémère qui le renvoie en fin de compte à sa condition d'homme solitaire et de père en alternance.
À la veille de ses soixante ans enfin, c'est à Rome que nous le retrouvons. Grand-père depuis peu, le narrateur fait une nouvelle rencontre inopinée avec une photographe. Elle l'invite chez elle pour lui montrer son travail avant d'accepter de partir avec lui à Paestum, photographier ces ruines encore vivantes.
Jens Christian Grøndahl brosse le portrait de cet homme et de son histoire avec une grande justesse, il s'immisce dans ses remords, ses obsessions, ses envies profondes. Les Portes de Fer parle d'amour et de solitude mais également du désenchantement de l'individu occidental, de ce drame bourgeois que le grand auteur danois réussit à croquer avec une lucidité et une élégance toutes singulières.
La jeunesse, l’âge adulte et la vieillesse. Trois étapes dans la vie d’un homme parsemées de joies, de peines, d’espoir et de désillusions, c’est ce que nous propose Jens Christian Grondahl dans ce très beau roman.
Dans une première partie, le narrateur dépeint ses jeunes années, les premiers émois amoureux, et la découverte de sa passion pour la littérature qui le mènera à devenir enseignant. Il devra affronter la mort de sa mère et la découverte que chacun de ses parents avaient une liaison. Un passage douloureux pour l’adolescent.
Puis vient « l’âge de raison » avec d’autres bonheurs, le mariage, la naissance d’un enfant. Et d’autres chagrins, le divorce où il s’installe dans une solitude sereine jusqu’à la rencontre avec Ivana qui va l’entraîner dans une passion charnelle.
Jeune grand-père et plus que jamais solitaire, c’est à Rome qu’il a choisi d’aller pour échapper à la célébration de son soixantième anniversaire. Voici venu le temps des souvenirs ; ils accompagnent ses déambulations dans les rues, surgissent à certains détours déjà empruntés lorsqu’il était marié.
Ce qui fait le prix et la grâce de ce magnifique roman, c’est la finesse de ses analyses psychologiques, rien n’est inutile, tout est juste, tout est dit avec pudeur et délicatesse.
J’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver Jens Christian Grondahl que j’ai découvert il y a quelques années avec « Quatre jours en mars ».
Au rayon Nouveautés de ma Bibliothèque préférée, j'ai été attirée par la couverture du dernier roman de Jens Christian GRONDALH, auteur danois. Alors même que je ne me souvenais pas avoir lu de billet sur la toile, qu'il ne figurait pas sur ma liste de références, je me suis tout de même laissée tenter...
Nous sommes au Danemark, le narrateur est un lycéen qui vit à Copenhague. Il a une soeur aînée, Kirsten, qui souhaite devenir sage-femme. Il a une petite amie, Lisbeth, juste une affaire de sexe. Et puis, il y a sa maman dont les jours sont comptés, elle est malade d'un cancer. Le narrateur souhaite lire Marx, sa professeure d'allemand, Gudrun, qui a découvert un potentiel chez cet adolescent, va lui confier des travaux particuliers qu'il lui remettra à son domicile, le samedi après-midi. Un jour, il fait connaissance avec la fille de Gudrun, Erika qui étudie la philosophie à Berlin. C'est son premier amour.
Une vingtaine d'années plus tard,il est divorcé et apprécie sa solitude. Il a une fille, Julie, qui vient passer le week-end ponctuellement chez lui. Il est enseignant et il accueille dans sa classe un jeune homme, Stanko, réfugié. Pour rendre service, il va même accueillir le lycéen chez lui quelques jours. Il va apprendre à le découvrir et entretenir une relation particulière avec sa mère, Ivana.
Vingt ans plus tard, il est à la retraite. Sa fille Julie est maman. Il refuse de fêter ses 60 ans. Il préfère s'offrir un voyage à Rome. Là, une formidable rencontre va lui ouvrir les yeux sur l'art de la photographie.
C'est un très beau roman sur le temps qui passe, sur les vertus de l'ennui et de la solitude. Vous l'aurez compris, les 3 parties du livres sont dédiées à 3 périodes de la vie d'un homme. Personnage très attachant, il est passionné de littérature et préfère s'isoler de la société danoise pour se ressourcer dans les livres, ses plus fidèles compagnons.
Il y a aussi les femmes, à commencer par sa mère qui malheureusement va s'éteindre alors qu'il n'est encore qu'un jeune adolescent. Il y a un magnifique passage sur ses sensations à l'annonce du décès :
"Même si c'était attendu, cela arrivait quand même comme une surprise, une chute. Une chute dans un autre temps. On marche sur un sentier au bord de la falaise, soudain, la terre meuble cède et, pendant une fraction de seconde, on parvient à saisir ce qu'est l'abîme avant de retomber sur ses pieds un peu plus bas, et l'on retrouve l'équilibre après avoir chancelé un instant." P. 102
Et puis, il y a celles avec qui il va découvrir l'amour et les déceptions de la vie à 2. Depuis l'adolescence et les aventures d'une nuit sans lendemain, il y a bien eu Maria avec qui il a eu Julie mais le lien au matériel a eu raison de leur union. Et puis quelques autres femmes lui ont succédé avec chaque fois, des sentiments particuliers. Il prend le temps de les interpréter et donne une définition du verbe aimer qui vous donnera à méditer...
"Il y a quelque chose de schizophrène dans le fait d'aimer. On converse en nous avec la voix de l'autre, avec l'image de l'être aimé et l'image que l'autre a de nous. On raisonne, on négocie, on vote sur ce qui est juste et judicieux, sur ce qui est bon ou mauvais dans la vie. Ma vie est aussi devenue celle de l'autre. L'autre a également le droit d'être pris au sérieux, il a gagné le droit d'être traité avec raison, et ce qui n'est qu'elle et moi, ce qui est subjectif et arbitraire, devient en mon for intérieur la vérité incarnée." P. 354
Ce très beau roman traite aussi de l'exil, la fuite, la lente reconstruction loin de ses origines, l'appropriation d'une nouvelle langue et de nouveaux territoires.
Il aborde aussi l'école comme un formidable lieu de vie et de développement :
"C'était ça dont l'école était capable. C'était un organisme vivant, plein d'expérience accumulée qui était transmise. Un processus incessant qui accompagnait les enfants dans leur métamorphose, les épanouissait et dévoilait ce qu'ils renfermaient, pour les déposer plus loin. Les envoyer dans la vie et, dans le meilleur des cas, les y lancer avec la conscience que l'on naît avec des forces que l'on peut utiliser. Nul besoin de savoir ce qu'elles sont, car on ne le découvre peut-être jamais tout à fait, mais on les sent en soi, et on sait qu'il convient d'essayer. Qu'il convient de continuer à essayer. C'était pour cela que j'étais devenu prof." P. 214
Enfin, la dernière partie aborde la soixantaine, cette période où les repères s'effacent et laissent la place à une nouvelle forme de liberté. La rencontre avec la jeune photographe et la qualité de leurs échanges sont absolument magnifiques, un roman qui finit tout en beauté.
L'écriture de Jens Christian GRONDAHL m'a beaucoup émue. Elle est remarquable pour sa finesse et sa sensibilité. Je n'avais encore rien lu de lui mais je crois que je vais poursuivre mes découvertes avec ses autres romans. J'adore la littérature pour sa capacité à vous surprendre...
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