"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Derrière les heures ce sont les paysages.
Le temps qui se tient derrière le temps c'est la rotation des paysages.
Le printemps, l'été, l'automne, l'hiver.
Les paysages sont les visages inoubliables du temps originaire qui fuse.Donner une forme imprévisible à sa propre vie et s'y tenir quelle qu'elle soit devenue, tel est le but de l'ascèse.À l'intérieur de l'énigme de chaque vie, chacun devient alors l'indice d'une chance, d'un heur qui est comme tombé du ciel.
J'ai eu l'heur de vivre.
Bon heur : bonne pioche.
Mal heur : mal chance, mauvaise étoile. Les heures heureuses est un bréviaire de splendeurs. Politis [...] la musique de sa prose est tellement intense qu'il suffit de se laisser bercer par sa beauté. La vie Un livre somptueux, qui rend heureux. L'Obs
Quignard continue la rédaction de son « Dernier Royaume » avec ce tome XII qui a comme dominante (et continuité) la problématique du temps, des heures (heureuses ou pas), du temps qui passe, du « jadis » ; tout en précisant : « Pour le dire en termes plus modernes, le jadis accumule silence, obscurité et profondeur, alors que le passé crypte le mythique, le biographique, le légendaire. »
Ce sont toujours des textes courts avec leur propre objet, mais avec parfois des continuités, des prolongements (particulièrement à propos de son amie Emmanuèle Berheime). Quignard joue avec les aphorismes, adage, sentances, … et des fils tressant définitions et rapports au temps ; et notamment :
• Les paysages : « Derrière les heures ce sont les paysages. Le temps qui se tient derrière le temps c'est la rotation des paysages. Le printemps, l'été, l'automne, l'hiver. Les paysages sont les visages inoubliables du temps originaire qui fuse. »
• Le concept de Jadis qu’il applique par exemple à l’Aube : « L’aube est le Jadis des couleurs qui apparaît dans le ciel avant qu’elles ressuscitent ».
• L’ordre des choses : « Ce ne sont pas les arts qui comptent, c’est l’abandon aux forces qui font le fond du monde, aux poussées qui précèdent même la vie.
La mer précède la vie. »
« La vie sur cette terre n’a jamais été éclairée par un soleil dont le rayon lui-même aurait été le contemporain de la vision qu’il permettait. »
• Le repos des souvenirs : « Il est bon dans les heures du jour, dans les créations de l’art, de se donner des instants d’appui sur des souvenirs aimés. »
• Au final, sur des fondements et l’émergence de l’existence … dans la chronométrie :
« Toute chronométrie produit de l’origine.
Tout point placé dans le temps crée un Avent et aussitôt suggère un temps qui précède la date de référence dont fait partie le temps décompté par la mesure. Faute qu’il puisse entrer dans le comptage, l’Avent de l’Être n’existe pas. Et pourtant il « existe ». C’est même le sens propre du verbe ek-sister – qui ne signifie ni être, ni vivre. Le temps métrique qui sectionne les activités des hommes est une production d’amont chimérique. Et non seulement le temps mesuré invente cette précession qui n’existe pas pour ordonner ce qui succède (et qui en vérité ne succède pas puisque l’origine ne cesse de commencer), mais encore la scène primitive fait de même avec nos corps au fond des rêves que nous formons à son sujet. »
• …
Et toujours cette capacité à produire du dense, du solide, des images, du possible :
« Elle monte sur la passerelle. Il saute dans le canot. Tout est aventure. Il n’y a que du départ. Même dans la fin il n’y a que du départ. Dans la vie, dans la mort, il n’y a que du départ. »
« Le passé est si instable.
Qui sait ce que le passé réserve à l’avenir. »
Renaissance, ce fut la première théorisation de l’anachronie.
Ce n’est pas l’idée de l’avenir qui modifie le présent en rétrocédant sur lui. C’est le passé qu’il faut changer pour que l’actualité se transforme.
Une chrysalide, en langue grecque, désigne une tunique d’or.
Et encore :
« L’abbé Kenkô n’a pas écrit Les Heures oisives en 1330 comme le prétendent les traducteurs du japonais en français.
Le véritable titre, en japonais, ce sont les Heures sans temps.
Heures au-delà du temps à l’intérieur du temps.
Voilà ce que Jean de France, duc de Berry, appelait un livre d’heures.
Chaque date devient un carrefour de coïncidences. »
Une succession de chapitres, plus ou moins longs, se référant à une période de l'histoire ou à une anecdote avec le temps qui passe et les « heures heureuses » qui l'accompagnent. Erudition et charme poétique sont à l'oeuvre comme toujours dans l'écriture de l'auteur.
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