Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Retour d’un auteur talentueux et prolifique à la fiction... C’est quelque chose à ne pas louper en ce début 2025. Un roman abordable, pour tous, sans gâcher le plaisir de ceux qui aiment le Quignard érudit, conteur, philosophe, poète, le violoncelliste amoureux de musique qui met un peu de tout cela dans ce énième livre.
Au début, c’est l’étonnement ! Pascal Quignard donne une liste d’actions sans émotion, style canevas de scénario. Des phrases avec Elle s’enchaînent, Elle fait ceci, elle fait cela, Elle verbe complément, Elle… Et là je me dis que 300 pages cela va être long… Mais Louise en enterrant son chat « Peer, Peiroos, Périgord », dans son jardin au bord de l’eau trouve un trésor de pièces d’or et de bijoux. Avec tout cet argent elle part pour un voyage au long court en Italie. Elle est correctrice sur les rives de l’Yonne et peut travailler à distance. La banalité de sa vie de cinquantenaire sans attache laisse la place à l’aventure amoureuse lorsqu’elle rencontre Luigi, un bel italien mais au crépuscule de sa vie. La banalité du style fait vite place à des fulgurances, des envolées à chaque page qui m’ont amené à noter une multitude de citations afin de les relire encore et encore pour la beauté des mots, pour la beauté des images.
Je retrouve l’écrivain érudit, l’amoureux de littérature au style si particulier, exigeant avec le lecteur mais capable d’ouvrir des royaumes enfouis du temps jadis (tel des trésors...) et une réflexion-consolation à nos questions d’aujourd’hui. La vie de Louise a pris un tour nouveau, le style de la narration aussi, qui s’envole vers des sommets inouïs.
Les chats, métaphore tactile de la vie sans la parole, toujours un peu fausse. La nature, les chats et la neige, les merveilleuses îles de la baie de Naples : Procida, Ischia, Capri, Nisida. Le soleil là-bas, la neige ici comme le silence sur le silence quand elle tombe.
Il y a ces listes de mots, inventés quelquefois, pour nommer, pour désigner, pour célébrer la vie et l’amour. Ainsi du chat, mais pas seulement, ses multiples noms « Petit Ruisseau, Rillette, Brooklet », ces petits mots pour dire qu’on aime. Les listes sont partout, profusion de la nature où la beauté foisonnante donne le tournis. Un texte qui montre qu’on écrit comme on pense et qu’il faut lâcher prise pour laisser sa liberté au style. D’une poupée d’enfant il passe aux morts qui précèdent la naissance, aux saints martyrs, aux prénoms, aux mots des vivants de jadis… Son art de la digression savante donne du sens à toute chose ici.
On devine le Il de l’auteur à travers le Elle de Louise. Pascal Quignard parvient toujours à étonner à la page suivante, il est d’une jeunesse imprévisible. Interrogation sur la tristesse de la perte, de la mort. « Les adieux s’enclenchaient les uns aux autres comme les seaux d’une noria. » Il est un amoureux des antiques et de tout ce que la terre a porté comme poète et penseur. Quand il zappe c’est pour parcourir les centaines de milliers d’années de présence de l’homme sur la terre et de la vie au-delà… Il a lu Virgile, Cicéron, Homère et les références abondent, au gré des voyages, rappelant la présence des morts parmi nous dans la succession de couches de sens dont nous pouvons bénéficier si nous le voulons, si nous lisons… La religion est partout, mais pas celle des dogmatiques apeurés. Elle est gourmandise de sens, d’élévation, de vies retirées à l’oubli : « Un relief de mythe ou de légende. ». Il n’est pas à genou mais debout devant la vie, dialoguant librement avec elle. Œuvre de philosophe, de poète aussi, tutoyant la pensée depuis les origines obscures.
Il faut de la curiosité pour entrer dans le monde enchanté de cet auteur mais le voyage vaut la joie à trouver dans celui-ci. Pascal Quignard est né en 1948 à Verneuil-sur-Avre. Le père de Louise, son personnage de Trésor caché, a sa maison à L’Aigle, une commune à proximité de Verneuil-sur-Avre. Autant dire que Louise semble un double très proche de l’auteur. Au fil des années je me suis plongé avec gourmandise dans une œuvre foisonnante dont il est, à mon avis, impossible de faire le tour. J’ai aimé ses romans (Le Salon du Wurtemberg, Tous les matins du monde, Terrasse à Rome). Je n’ai encore rien lu des Petits traités, un ensemble de 8 tomes mais je me suis délecté de ses rêveries fiction, somme de 12 tomes de l’aujourd’hui et du jadis immémorial, du Dernier royaume, (Les ombre errantes, Les désarçonnés, L’homme aux trois lettres...).
Avez-vous goûté aux trésors de cet auteur ?
Chronique complète avec illustrations (composition photo personnelle avec chat et oiseau, musique,carte...) sur mon blog Bibliofeel ou Clesbibliofeel (Facebook et Instagram)
Trésor caché est un roman sur le deuil et l'amour, de l’Yonne à l’île italienne de Procida, cette histoire d’amour dont l'écriture est fait avec finesse, une grande luminosité, le style est aussi ciselé et puissant. Pascal Quignard dresse le portrait d'une femme avec Louise qui se réinvente, de beaux paysages décrient, on y mêlera aussi le passé avec l'antiquité et l'Illiade. Un roman que je conseille.
La nature, les fleurs, les arbres, les chats, l'âge, l'amour, le silence, la vieillesse, la mort sont les thèmes abordés dans ce roman. Un roman Sensible, poétique qui m"a transportée
"C'est la nature qui parle en nous et qui est le sujet de nos vies." La nature y est tellement présente, elle éblouit, par le chant des oiseaux, le bruit des vagues, l'eau
Une réflexion profonde sur la nature humaine. J'ai beaucoup aimé lire ses pages comme ensorcelée par toute cette beauté ! Une grande puissance poétique à chaque phrase.
Un magnifique roman pour cette rentrée 2025
Quignard continue la rédaction de son « Dernier Royaume » avec ce tome XII qui a comme dominante (et continuité) la problématique du temps, des heures (heureuses ou pas), du temps qui passe, du « jadis » ; tout en précisant : « Pour le dire en termes plus modernes, le jadis accumule silence, obscurité et profondeur, alors que le passé crypte le mythique, le biographique, le légendaire. »
Ce sont toujours des textes courts avec leur propre objet, mais avec parfois des continuités, des prolongements (particulièrement à propos de son amie Emmanuèle Berheime). Quignard joue avec les aphorismes, adage, sentances, … et des fils tressant définitions et rapports au temps ; et notamment :
• Les paysages : « Derrière les heures ce sont les paysages. Le temps qui se tient derrière le temps c'est la rotation des paysages. Le printemps, l'été, l'automne, l'hiver. Les paysages sont les visages inoubliables du temps originaire qui fuse. »
• Le concept de Jadis qu’il applique par exemple à l’Aube : « L’aube est le Jadis des couleurs qui apparaît dans le ciel avant qu’elles ressuscitent ».
• L’ordre des choses : « Ce ne sont pas les arts qui comptent, c’est l’abandon aux forces qui font le fond du monde, aux poussées qui précèdent même la vie.
La mer précède la vie. »
« La vie sur cette terre n’a jamais été éclairée par un soleil dont le rayon lui-même aurait été le contemporain de la vision qu’il permettait. »
• Le repos des souvenirs : « Il est bon dans les heures du jour, dans les créations de l’art, de se donner des instants d’appui sur des souvenirs aimés. »
• Au final, sur des fondements et l’émergence de l’existence … dans la chronométrie :
« Toute chronométrie produit de l’origine.
Tout point placé dans le temps crée un Avent et aussitôt suggère un temps qui précède la date de référence dont fait partie le temps décompté par la mesure. Faute qu’il puisse entrer dans le comptage, l’Avent de l’Être n’existe pas. Et pourtant il « existe ». C’est même le sens propre du verbe ek-sister – qui ne signifie ni être, ni vivre. Le temps métrique qui sectionne les activités des hommes est une production d’amont chimérique. Et non seulement le temps mesuré invente cette précession qui n’existe pas pour ordonner ce qui succède (et qui en vérité ne succède pas puisque l’origine ne cesse de commencer), mais encore la scène primitive fait de même avec nos corps au fond des rêves que nous formons à son sujet. »
• …
Et toujours cette capacité à produire du dense, du solide, des images, du possible :
« Elle monte sur la passerelle. Il saute dans le canot. Tout est aventure. Il n’y a que du départ. Même dans la fin il n’y a que du départ. Dans la vie, dans la mort, il n’y a que du départ. »
« Le passé est si instable.
Qui sait ce que le passé réserve à l’avenir. »
Renaissance, ce fut la première théorisation de l’anachronie.
Ce n’est pas l’idée de l’avenir qui modifie le présent en rétrocédant sur lui. C’est le passé qu’il faut changer pour que l’actualité se transforme.
Une chrysalide, en langue grecque, désigne une tunique d’or.
Et encore :
« L’abbé Kenkô n’a pas écrit Les Heures oisives en 1330 comme le prétendent les traducteurs du japonais en français.
Le véritable titre, en japonais, ce sont les Heures sans temps.
Heures au-delà du temps à l’intérieur du temps.
Voilà ce que Jean de France, duc de Berry, appelait un livre d’heures.
Chaque date devient un carrefour de coïncidences. »
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Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Chacune des deux demeures dont il sera question est représentée dans le sablier et le lecteur sait d'entrée de jeu qu'il faudra retourner le livre pour découvrir la vérité. Pour comprendre l'enquête menée en 1939, on a besoin de se référer aux indices présents dans la première histoire... un véritable puzzle, d'un incroyable tour de force
Sanche, chanteur du groupe Planète Bolingo, a pris la plume pour raconter son expérience en tant qu’humanitaire...
Des incontournables et des révélations viendront s'ajouter à cette liste au fil des semaines !