"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Avant nos parents étaient fiers d'être ouvriers »Quelque part en Italie, une usine va fermer. Depuis que la grève a débuté, les salariés se relaient dans le froid, les visages tendus devant les grilles fermées de l'usine. Des quartiers, des centaines de familles, des voisins... tout un monde se trouve menacé par le plan de délocalisation d'une multinationale. Parmi ces gens, il y a Hannibal, un vieux syndicaliste qui n'accepte pas la capitulation ; son fils Fabio, désabusé, pour qui plus rien n'a de sens ; Chiara, l'ex-petite amie de Fabio, désormais en couple avec un carabinier, qui travaille dans les services sociaux pour les migrants ; Mirco, l'ouvrier qui tente de parler de cette réalité à travers ses bandes dessinées de fantasy ; et quelques autres... Tandis que les médias se succèdent devant l'usine, le ton monte. Les discussions houleuses qui naissent de cette dramatique réalité actuelle se poursuivent jusque dans les foyers, où chacun tente de trouver une issue à la crise qui se joue. Et au milieu de cette crise... un révolver, un corps gisant dans le fossé au bord d'une route, un braquage minable et des rêves qui partent en fumée.
Comédie dramatique italienne, douce-amère, Les ennemis du peuple n'est pas sans rappeler le travail de Ken Loach sur la classe ouvrière anglaise. Emiliano Pagani, ancien ouvrier lui-même, porte un regard affectueux et sans concession, sur une classe sociale qui a perdu espoir, incapable de faire front commun, comme un reflet de l'individualisme de la Société. Avec le talentueux Vincenzo Bizzarri, ils insufflent de la vie à une galerie de personnages incarnés avec justesse. Un album authentique, plein d'émotion et d'humanité où la désillusion le dispute à l'espoir...
Hannibal et son fils Fabio arrivent sur le site de leur usine. Elle devrait bientôt fermer et laisser huit cents familles sur le carreau. Alors Hannibal, leader syndicaliste, a décidé de se battre. Fabio, lui, pense à Chiara, qui porte son bébé et travaille pour l'accueil des migrants. Et Mirco qui chasse le spleen en faisant des BD de fantasy...
D'un côté le cri de douleur de 800 ouvriers, de l'autre une manifestation devant un centre accueillant 80 nouveaux migrants, Emiliano Pagani, ancien ouvrier lui-même, explore la facture de la société italienne. Il met en avant la disparition de la conscience de classe au profit de l'individualisme, de l'image de soi. Ce récit désenchanté et dur traite aussi du conflit des générations, du gouffre qui semble se creuser entre les parents et leurs enfants.
J'avais découvert Vincenzo Bizzarri dans "Les assiégés" (Sarbacane, 2022) et j'ai plaisir à retrouver ici ses atmosphères noires et tendues. J'ai beaucoup aimé son trait épais sombre et ses personnages qui sonnent juste. La montée en puissance du récit montre bien l'engrenage d'un destin qui semble s'acharner sur ces personnages.
Je l'ai déjà dit mais de bien belles surprises nous viennent de la BD italienne ces derniers temps. Cet album en est un bel exemple. Entre chronique sociale et portraits affectueux, "Les ennemis du peuple" est un album à découvrir !
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !