"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
À dix-huit ans, Nouk pensait que le monde allait changer de base. Il semblerait que quelque chose ait mal tourné...
Nouk est rebelle, insolente. Quand Olaf l'embarque dans sa maison d'édition, elle n'imagine pas qu'il puisse un jour se séparer d'elle. C'est pourtant ce qu'il fait. N'a-t-elle vraiment rien vu venir ?
Avec Werther, c'est autre chose. Ce grand éditeur, excentrique et visionnaire, devient son mentor. Mais il se montrera incapable de la protéger.
Cinglant, poétique, d'un humour féroce, Les Enchanteurs jette un regard lucide sur le mélange détonant que forment le sexe et le pouvoir dans l'entreprise.
Mais c'est d'abord la désillusion, la colère et la mélancolie que convoque ici Geneviève Brisac, dans un hymne à la résistance, c'est-à-dire à la vie.
Le personnage de Nouk est un double de la romancière Geneviève Brisac. Ainsi les livres mettant en scène cette femme relèvent de l'autobiographie dans une certaine mesure, de la sincérité de l'expérience vécue. On suit ainsi le parcours sur plusieurs années de Nouk dans ce monde de l'édition. Ce qui est frappant et tout à fait séduisant dans la construction de ce livre c'est la manière dont Geneviève Brisac réunit des contraires, ou plutôt relie les extrêmes. Le roman est une traversée de toute une carrière professionnelle, d'un engagement passionné sans faille, d'une femme devenant mère et cette vie pleine d'élan tient en peu de pages. Le livre est très tenu et intense. L'histoire est racontée à la première et troisième personne. Coexistent l'autrice qui se raconte et son double, Nouk. Elle semblent être les deux faces d'une même pièce, l'une parlant pour l'autre, la création littéraire pouvant livrer son ressenti plus facilement. L'énergie de l'écriture, riche d'humour, d'une passion pour le métier, m'a complètement embarqué. Cette description très professionnelle, tableau complexe des violences menées par une direction envers ses salariés, croquis d'un rapport tendu entre hommes de pouvoir et femmes d'exercice, est passionnante. Ce livre ne s'enferme jamais dans le monde de l'édition. De nombreux éléments pourraient facilement être transposés ailleurs. Ainsi ces enchanteurs, terme faussement poétiques attribués aux patrons, définit le choix de l'autrice de raconter cette histoire sous la forme d'un conte. Là encore, deux univers se croisent et se répondent : le réalisme des situations, des rapports de force avec le merveilleux du décor et l'euphorie de la création littéraire. Olaf ou Werther semblent être des hommes déchirés entre la rêverie de leur projet et la réalité de leur profession, de la situation des autres. Geneviève Brisac s'intéresse à ces hommes aux pieds d'argile, aux faiblesses, au manque de courage de ces décideurs. Entre le conte et la confession, l'histoire de Nouk est la confrontation d'un être qui veut rêver en militant pour son métier, qui veut être autant sincère que combattante.
Nouk intègre l’Ecole Normale Supérieure avec le salaire qui va avec pendant 4 ans.
Elle croit immensément au pouvoir des mots et avec Berg, elle intègre une organisation pendant ces 4 ans.
Elle participera à des réunions, distribuera des papiers et serrera des mains jusqu’au jour où le Réel exige de passer le concours de l’agrégation qu’elle réussit à l’âge de 22 ans.
Sa rébellion et son insolence la feront quitter son premier emploi dans une maison d’édition auprès d’Olaf.
Pour son deuxième emploi dans une maison d’édition, alors qu’elle est enceinte de son 2e enfant, Werther est homme désagréable au plus haut point et n’apprécie pas les femmes dans cette situation, néanmoins il l’embauche…
Avec de l’humour qui peine à trouver sa place quand la colère et la mélancolie poussent les portes, Geneviève Brisac dans des phrases courtes à la fois cinglantes et poétiques, jette un regard réducteur sur les hommes et les femmes dans le pouvoir de l’entreprise.
Ce n’est pas toujours coordonné et juste dans sa vision de voir les choses à mon sens, mais le double de Nouk l’interroge à travers quelques lignes et on peut apprécier quelques références d’auteurs qui donnent davantage intérêt à l’ouvrage.
Quand les maisons d'édition étaient des harems
Geneviève Brisac raconte le parcours d'une jeune femme dans deux maisons d'édition à la fin du siècle passé. Un roman autobiographique qui est aussi une réflexion mordante sur le jeu du sexe et du pouvoir.
Ceux qui suivent le milieu littéraire parisien se souviennent de quelques affaires retentissantes après les révélations de #metoo au cinéma et la libération de la parole qui s’en est suivie. L'ironie de l'histoire veut que les maisons d'édition, qui ont relayé la parole des femmes agressées, se sont à leur tour retrouvées montrées du doigt. Geneviève Brisac ne brise pas un tabou en racontant l'histoire de Nouk, mais elle met en lumière des pratiques trop longtemps occultées. Quand les éditeurs jouaient de leur pouvoir pour aligner les conquêtes.
On entre dans la vie de Nouk dans les années 1970, au moment où elle découvre l'École Normale Supérieure de Fontenay. Mais elle ne se sent pas du tout à l'aise dans la prestigieuse école et s'enfuit très vite pour s'engager pour des causes plus nobles comme par exemple celle les Chiliens pris sous la botte de Pinochet.
C'est alors qu'elle croise la route d'Olaf qui, comme ce nom ne l'indique pas, est un Breton qui publie des livres de mer et de marins. Il l'engage au sein de son harem, comme le soulignent sans aucune ironie ses deux acolytes. Nouk aura le droit de s'asseoir à côté du patron, puis de coucher avec lui jusqu'au jour où un autre «petit cul» vient prendre sa place et où elle est invitée à faire ses cartons. Exit l'assistante. Elle va alors retrouver du travail chez un amateur d'art contemporain, passer d'Olaf à Werther. D'un harem à un autre, en quelque sorte. Car Werther n'est différent d'Olaf que dans le fait d'avoir une maîtresse officielle. Pour le reste, il aligne lui aussi les conquêtes comme autant de trophées de chasse. «Werther m'avait entraînée chez lui, un jour, je dirais presque pour la forme, par principe, et je n'avais pas dit non, allez savoir pourquoi, il prétend que nous avons recommencé, je crois qu'il se trompe. Je n’ai jamais aimé monter chez lui. Ce jour-là, j'ai eu l'impression comique d’être un lièvre dans la gueule d'un chien.»
Ici pas de problème de consentement, pas davantage d’accusation d’agression sexuelle et encore moins de viol. Mais c’est sans doute toute la subtilité du récit. Ce machisme est tellement ordinaire qu’il ne vient même pas é l’esprit des victimes de s’en plaindre. Au contraire, les filles du harem en viendraient plutôt à se jalouser.
Geneviève Brisac raconte avec un semblant de détachement le quotidien des maisons d’édition il y a quelques décennies. Et en la lisant, on se pose inévitablement la question de savoir ce qui a changé depuis.
Si Nouk, le personnage de fiction que la romancière a mis en scène à de nombreuses reprises depuis Les Filles, choisit de s’émanciper – un peu contrainte il est vrai – elle laisse derrière elle quelques proies plus dociles et quelques interrogations sur l’intégrité d’un univers dont la misogynie est désormais plus qu’établie. Gageons que la plume aussi délicate que virulente de Geneviève Brisac aura quelque écho dans le petit cercle des maisons parisiennes bien établies.
https://urlz.fr/ha70
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