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«Je vois le Poète, dit le Monstre.- Moi aussi, dit Prospéro.- Il a l'air de boiter, dit le Mage. On dirait un Orphée sale.Hirsute, pieds nus dans les godasses, vêtu d'une chemise ouverte au col et d'un pantalon à la zouave, un petit chien dans les bras, le Poète remonte des Enfers. Il titube en paix. La crasse le protège des sorts.C'est toujours pareil, dit le Monstre, cet imbécile a encore oublié de se retourner, il n'a pas statufié le temps.- Ne parlez pas si fort, dit Prospéro, vous allez réveiller Mirella (1.).1. Dans le jeu de cartes ici battu, le lecteur reconnaîtra:Giuseppe Tomasi, prince de Lampedusa, dans le rôle du Monstre.Gioacchino Lanza Tomasi, son fils adoptif, dans le rôle du Jeune Homme Doux.Lucio Piccolo di Calanovella, dans le rôle du Poète.Agata Giovanna di Calanovella, dans le rôle du Medium.Casimiro Piccolo, baron de Calanovella, dans le rôle du Mage.»
« Nous fûmes les Guépards, les Lions ; ceux qui nous remplaceront seront les petits chacals, les hyènes… et tous, Guépards, chacals et moutons nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre ».
Comment oublier Palerme ? Cette Sicile du Guépard, de Giuseppe Tomasi di Lampedusa qui en un seul livre dressera le portrait de ses compères de la noblesse sicilienne et de la bourgeoisie naissante en s’inspirant de sa propre famille, son père, ses grands-tantes jusqu’à son fils adoptif, Tandredi. Lui l’observateur devient avec cet essai de Patrick Reumaux l’arroseur arrosé.
On découvre plus amplement l’histoire des aïeux, le père Giulo Marie Tomasi, bien falot, la mère Béatrice Tasca Filangeri di Cuto, vrai personnage de roman et figure tutélaire, mais aussi son épouse Alessandra Wolff Stormesee, dite Licy en guerre avec sa belle-mère et spécialiste du loup-garou…
Autour des princes et des princesses, sans sou ou sans plus de sou à force de dilapider les pièces sonnantes et trébuchantes dans ces extravagances que seuls ceux qui se croient immortels ont l’art de pratiquer. Bel exemple avec ce duc de Belsito qui pensa faire fortune au Danemark en vendant des chaussures italiennes et autres spécialités de la péninsule, il revint ruiné et se trouva expulsé de sa vaste demeure pour cause de construction d’une route touristique… un parmi d’autres qui illustre le déclin de ces félins du XX° siècle.
Un récit inclassable – qui peut d’ailleurs plus que surprendre par son style et le côté bordélique de la narration, non dénuée d’humour – mais qui égrène une caste environnée d’art et de débauche, où un poète parle aux ectoplasmes et où un barbier – pas celui de Séville évidemment mais la ressemblance n’est pas loin – est le dépositaire attitré de la mémoire de l’île. Dialogues authentiques, extraits des écrits de Lucio Piccolo et autres plumes de l’époque, anecdotes croustillantes et tragiques, font de cet ouvrage une source pour mieux encore comprendre tout ce que le prince di Lampedusa a voulu transmettre dans son roman, un roman au final crépusculaire qui n’apparait d’ailleurs pas dans le film de Luchino Visconti.
Avec quelques surprises garanties.
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"Quelques surprises garanties" !! J'ai hâte de le lire.