"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Reconnu comme l'un des plus grands auteurs de la littérature hongroise et l'un des maîtres du roman européen, l'écrivain Sandor Marai (1900-1989) s'inscrit dans la lignée de Schnitzler, Zweig ou Musil. L'auteur des Révoltés, des Confessions d'un bourgeois ou de La Conversation de Bolzano n'a eu de cesse de témoigner d'un monde finissant, observant avec nostalgie une Europe mythique sur le point de s'éteindre. À travers la dramatique confrontation de deux hommes autrefois amis, Les Braises évoque cette inéluctable avancée du temps. Livre de l'amitié perdue et des amours impossibles, où les sentiments les plus violents couvent sous les cendres du passé, tableau de la monarchie austro-hongroise agonisante, ce superbe roman permet de redécouvrir un immense auteur dont l'oeuvre fut interdite en Hongrie jusqu'en 1990.
De la même veine que Stefan Zweig. Aussi fin et subtil dans cette fin de l'empire austro-hongrois.
Je lis "Les braises" après "Les métamorphoses d'un mariage". Il semble plus fade. Peut-être est-ce la traduction (ce n'est pas le même professionnel pour ces deux oeuvres). Cette traduction manque de mordant, d'image et de précision.
L'histoire des Braises c'est un face à face entre deux vieux militaires de carrière en Hongrie, alors royaume d'Autriche avant les deux grandes guerres mondiales. Ils n'ont jamais su communiquer ensemble, l'un étant persuadé de tout comprendre, de tout savoir et de tout maîtriser (Henri) et l'autre qui s'enferme dans le silence, les secrets, la fuite (Conrad). Quarante et un an sont passés avant que Conrad ne revienne voir Henri pour décider ensemble de ce qu'ils doivent faire des ses "braises" du passé : les éteindre, les raviver, s'en servir pour brûler l'autre (se venger)?
Un tiers du roman dresse le portrait de la déchéance : le château silencieux, la Hongrie qui n'a plus d'identité, la vieillesse des deux protagonistes. Nous sommes dans le marasme et quand bien même l'action se situe en été, on ressent comme une humidité, à la limite de la moisissure.
Le deuxième tiers entre dans le vif des "braises" : Conrad est un lâche, un fuyard, un homme "différent" des classes sociales élevées, un artiste (musique). Aujourd'hui, on parlerait probablement d'un transfuge de classe. Qu'est-ce que la loyauté envers un pays ? Qu'est-ce que l'amitié ? Qu'est-ce que l'origine sociale et la lutte des classes ? Qu'est-ce que vivre dans un pays qui n'est pas vraiment le sien (la mère d'Henri et la famille de Conrad) ? Henri représente la haute société hongroise d'avant guerre, la tradition alors que Conrad est celui qui a voulu s'affranchir de son milieu pauvre d'abord puis élevé sans jamais avoir pu y adhérer. La liberté individuelle est-elle possible ou la fidélité au système est-elle une nécessité impérieuse ?
Henri tient toute la place, comme toujours, comme pour tout : en amitié, en amour, en soirée, par le discours, etc. "Les Braises" sont avant tout son monologue face à Conrad, son ami d'enfance qui garde le silence dans une immobilité parfaite, face à ce vieillard gesticulant et déroulant sa "vérité". Alors oui, Henri comprend que Conrad en est arrivé à le haïr, qu'il a même eu envie de le tuer, qu'il a hésité à le faire, qu'il a aimé la femme d'Henri. Arrivée là, je me suis demandée comment Sandor Marai allait encore pouvoir écrire.
Le dernier tiers est un trio et donne une autre façon de voir les choses : Henri, Christine la morte - la femme d'Henri mais surtout l'amour de jeunesse de Conrad - et Conrad lui-même. Tout prend un autre sens, il n'y a pas d'amour pour les pauvres qui veulent quitter leurs conditions. Conrad et Christine se sont sacrifiés, le premier en facilitant la rencontre d'Henri avec Christine, et Christine en le séduisant. Pourtant, ils n'ont jamais oublié leurs rêves et leur amour. Henri n'a pas pu comprendre jusque là. Il s'approche de la "vérité" mais sans pouvoir jamais la concevoir. Pour lui, Conrad aurait dû être reconnaissant d'être l'ami d'un homme aussi puissant et influent que lui. Le portrait de Christine est beau, doux, subtile et sûrement courageux à l'époque où écrit Sandor Marai : une femme adultère et manipulatrice qui est pourtant aussi une femme qui a voulu être libre, une femme qui a su aimer, une femme qui a été au bout de ses convictions.
Finalement, je referme les pages avec une tristesse infinie pour ces quatre-là (Henri, Conrad, Christine et Nini). Mais c'est aussi un livre qui parle de la musique comme peu d'auteurs savent le faire (cf. p44-45 par exemple, édiction broché Albin Michel de 1995)
Août 1940, dans un château de la campagne hongroise, Henry, ancien général à la retraite de l’armée austro-hongroise, attend Conrad, dont il n’a plus eu de nouvelles depuis plus de 40 ans. Précisément depuis ce jour funeste de 1899, au cours duquel une partie de chasse a failli très mal tourner, et où Conrad a rompu les ponts avec Henry, sans aucune explication.
Et pourtant, jusqu’alors, les deux hommes avaient été très proches, se côtoyant depuis leur enfance et leur rencontre à l’école militaire. Leur amitié très pure, sans faille, semblait indéfectible malgré les différences de classe sociale. En effet, Henry est issu d’une riche lignée de militaires, tandis que les parents de Conrad se sont saignés aux quatre veines pour que leur fils puisse intégrer l’école de l’armée impériale. Cette amitié au long cours avait même subsisté après le mariage d’Henry avec Christine, Conrad étant régulièrement invité au château. Jusqu’à la fameuse partie de chasse précitée, donc.
Mais aujourd’hui, alors qu’il attend Conrad, Henry espère obtenir enfin les réponses à toutes les questions qu’il se pose depuis 40 ans, depuis que Conrad s’est volatilisé. Ou plutôt, il attend, de la part de celui-ci, la confirmation (ou pas) de ses soupçons, des conclusions auxquelles il est arrivé après autant d’années passées à réfléchir et à s’interroger sur leur amitié.
La première partie du roman est consacrée à l’enfance et la jeunesse des deux amis, tels qu’Henry se les remémore alors qu’il attend l’arrivée de Conrad. La deuxième partie décrit la confrontation entre les deux hommes, séparés par un gouffre de rancœur, d’amertume et de questionnements. En fait de confrontation, il s’agit surtout d’un quasi monologue d’Henry, émaillé de quelques interventions de Conrad assez peu significatives. Dans ce huis clos oppressant et théâtral, l’empathie qu’on éprouvait éventuellement pour Henry s’amenuise à mesure qu’on prend conscience de sa personnalité : imbu de sa personne, sûr de lui (voire borné) et de ses valeurs conservatrices qu’il n’a jamais estimé utile de remettre en cause, condescendant, égocentrique. On découvre peu à peu qu’en réalité il n’a jamais rien compris à ce que pouvaient éprouver sa femme ou son ami, qu’il n’a rien compris à l’amitié ni à l’amour. Et on en vient à se demander s’il s’agissait réellement d’amitié, et quelle histoire on aurait lue si elle avait été racontée du point de vue de Conrad. Celui-ci ne suscite pas l’empathie pour autant, tant son rôle est inconsistant dans ce monologue dans lequel il sert à peine de ponctuation.
Malgré un style classique impeccable, cette dissection des liens d’amitié et d’amour est longue et répétitive, à l’image du ressassement d’Henry pendant 40 ans.
Sur fond d’une part, d’empire austro-hongrois à l’agonie et d’autre part, d’un monde à nouveau sur le point de basculer dans un conflit mondial, « Les braises » est une lecture sombre, étouffante, un peu laborieuse et au final, peu ardente.
En fait, je l'ai lu en Espagnol sous le titre "El ultimo encuentro". Le retour entre Le Général et Konrad, deux amis . Après 41 ans d'absence, Konrad fait son retour. Entre temps, Krisztina, l'épouse du Général est morte. Le général pense que sa femme le trompait avec son ami et va le démontrer. Raisonnement et déduction du général sans vouloir entendre la version de son ami. Très beau livre.
Il y a des auteurs dont on connaît le nom, dont on sait que leur œuvre a conquis des millions de lecteurs et qui vous demeurent inconnus.
C’était en ce qui me concerne le cas pour Sandor Marai, dont je n’avais jamais ouvert un livre.
Je serais bien incapable d’en donner la raison.
J’ai été, je dois le dire conquise dès les premières lignes de ce magnifique roman.
Dans un château isolé, Henri, général à la retraite âgé de soixante-quinze ans dîne avec Conrad, un ami perdu de vue depuis quarante et un ans.
De nombreuses questions se posent lors de ces retrouvailles et c’est à un quasi monologue que se livre Henri évoquant une série d’anecdotes, de souvenirs, de silences et de faux-fuyants.
La tension est palpable et l’auteur réussit à doser savamment les révélations pour replonger ses personnages dans leurs ressentiments alors que l’on croyait qu’une réconciliation était possible.
J’ai été happée par cette écriture d’une intensité remarquable retraçant l’atmosphère et les usages de l’Empire austro-hongrois.
Sandor Maria m’est apparu comme un peintre de l’âme humaine pour démontrer les rouages psychologiques de drames intimes dans un huis-clos haletant et nous donne à lire une magnifique étude des rapports de classes, de l’amitié et de la trahison.
J’ai bien l’intention de poursuivre très rapidement ma découverte de l’œuvre de l’auteur.
Une amitié disséquée au scalpel
A Vienne, fin du 19e siècle, Henri et Conrad sont d'inséparables amis d'enfance que beaucoup de choses, cependant, séparent. Henri est le fils d'un d'officier aristocrate et très fortuné et son avenir s'annonce brillant. Conrad n'a pas de fortune et a épousé la carrière militaire sans passion car au fond, c'est la musique qui le fait vibrer.
Malgré leurs différences, jamais leur amitié ne s'est démentie et après le mariage d'Henri avec Christine, Conrad continue à être reçu chez eux jusqu'au jour où…
41 ans plus tard, Henri et Conrad se retrouvent autour d'un diner au château dans un huis-clos qui leur permettra de s'expliquer.
D'expliquer quoi ? de disséquer ce qu'a été leur amitié, l'amour, la haine, la trahison, la passion… la vie. Et il leur aura fallu 40 ans pour qu'apaisés, ils puissent analyser ce qui les a séparés.
J'ai été un peu agacée par la répétition assez artificielle d'adverbes ponctuant les interventions de Conrad et d'Henri qui s'expriment tour à tour « sèchement », « avec calme », « froidement », « timidement », « en souriant », « sur un ton hostile » ou « d'une voix forte »…
Un beau texte très théatral qui m'a rappelé Zweig, une analyse fine de sentiments nobles.
Sandor Marai est l'écrivain Homme qui a le mieux écrit sur les Femmes.
Dans tous ses romans, il arrive à sonder d'une façon très juste la complexité des sentiments, des réactions et la psychologie féminine.
Les braises, est le seul roman de Marai où la femme n'est pas présente "physiquement".
Il aime étudier le jeu qui se déroule lors des relations de couple et y arrive de façon magistrale.
Un maquillage réussi transcende la beauté d’une femme sans se dévoiler. Il en va de même de l’écriture. La plus belle, la plus puissante, la plus sémillante s’efface au profit de l’histoire. Elle sert le récit en douce, discrètement, modestement. Et c’est le cas pour "Les braises", le roman de Sàndor Màrai.
Sa prose, pudique, légère, juste, mesurée, élégante, équilibrée, illumine l’intrigue sans la surcharger. L’atmosphère est pourtant lourde dans ce huis clos entre Henri et Conrad, deux vieux amis. Les deux hommes, très âgés désormais, se retrouvent dans le château d’Henri après quarante-et-un ans de séparation et beaucoup d’interrogations. Unité de lieu (la salle à manger du château), de temps (vingt-quatre heures, malgré de perpétuels retours dans le passé) et d’action : c’est à une véritable tragédie que nous assistons.
Cette tragédie nous est racontée sous la forme d’une conversation qui narre la vie des deux hommes, d’une femme, Christine, l’épouse d’Henri, Général, mais aussi d’une nation moribonde et surtout, surtout, parle d’amitié et de trahison. Amitié, passion, feu, braises, cendres…l’auteur s’y entend pour analyser finement les sentiments humains. Il peint les tourments de l’âme au lavis, les lieux et les ambiances à la gouache et le tableau est magnifique.
La découverte tardive de ce grand écrivain est une véritable révélation.
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